Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1901198 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2020, M. B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet du Tarn du 10 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, outre les entiers dépens, la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- il est insuffisamment motivé au regard de ses attaches familiales ;
- il s'évince de la motivation de la décision que le préfet l'a entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- la compétence de son signataire n'est pas établie ;
- il est entaché d'une erreur de fait du préfet quant à l'appréciation de l'authenticité des documents établissant sa naissance , ainsi que d'une erreur de droit au regard de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ; aux termes de ces dispositions, il y a présomption de validité et d'authenticité des actes d'état-civil étrangers et seule la saisine des autorités étrangères peut permettre d'en contester l'authenticité ; en l'espèce, à supposer que son extrait de naissance soit apocryphe, aucune irrégularité ou fraude n'est démontrée concernant le jugement supplétif tenant lieu de l'acte de naissance dont il est titulaire ; enfin, la circonstance que la Guinée n'est pas signataire de la convention de La Haye ou d'une convention bilatérale avec la France ne rend pas pour autant la légalisation des actes d'état-civil nécessaire pour que lesdits actes se voient appliquer la présomption de validité de l'article 47 du code civil ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il établit son identité, qu'il est bien inséré dans la société française et qu'il est en cours de formation professionnelle ;
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la décision portant éloignement ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, la préfète du Tarn conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que M. B... n'apporte en appel aucun élément nouveau et ses moyens doivent être rejetés comme non fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger :
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant guinéen, disant être né le 24 juin 2000 à Conakry (Guinée), a déclaré être entré en France le 10 août 2016, donc encore mineur, dépourvu de passeport et seulement muni d'un extrait de naissance. Le 22 août 2016, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) du Tarn jusqu'à sa majorité alléguée, le 20 juin 2018 et a conclu, le 5 juillet 2018, un contrat " jeune majeur " avec l'ASE. Il a sollicité, le 23 août 2018, la délivrance d'une carte de séjour " travailleur temporaire " pour les personnes confiées à l'aide sociale à l'enfance entre 16 et 18 ans, sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 10 janvier 2019, le préfet du Tarn, motif pris notamment d'une fraude à l'état-civil, a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. A la suite d'une nouvelle demande de titre, un second arrêté de refus de séjour portant mesure d'éloignement a été pris à son encontre par la préfète du Tarn le 26 juin 2020. M. B... fait appel, du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 janvier 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, cette décision vise les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Au titre des considérations de fait, elle mentionne notamment que M. B..., entré seul en France, n'y a aucune attache personnelle puisque sa mère, ses frères et ses soeurs résident en Guinée, et qu'il est célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, le préfet du Tarn, qui n'était pas tenu à l'exhaustivité quant à la situation personnelle de M. B..., a décrit ses attaches familiales et a suffisamment motivé sa décision.
3. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet du Tarn se serait abstenu de se livrer à un examen approfondi de la situation particulière du requérant.
4. En troisième lieu, M. B... persistant en appel à réitérer son moyen, tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, il y a lieu de l'écarter par adoption du motif pertinemment retenu par les premiers juges.
5. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
6. D'autre part, l'article L. 111-6 du même code prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 4 décret du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes : " I. - Les ambassadeurs et les chefs de poste consulaire peuvent légaliser les actes publics : (...) 2° Emanant d'une autorité de l'Etat de résidence : - destinés à être produits en France ; - destinés à être produits devant un autre ambassadeur ou chef de poste consulaire français ;(...) ". Enfin, en vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
8. Il ressort des pièces du dossier que pour écarter l'authenticité des documents présentés par M. B... pour justifier son identité, soit un extrait d'acte de naissance établi le 2 juillet 2000, un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu par le tribunal de Conakry le 3 octobre 2017 et une carte d'identité consulaire datée du 8 novembre 2017, le préfet du Tarn s'est fondé sur l'avis défavorable rendu le 29 août 2018 par la cellule de fraudes de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de Toulouse. Il résulte de cet avis que les documents précités n'ont pas été légalisés par les autorités françaises en poste en Guinée ainsi que le prévoit pourtant l'article 4 précité du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 et que l'acte de naissance présenté par l'intéressé comporte des irrégularités tenant à la présence de fautes d'orthographe au niveau du cachet humide, lequel est de très mauvaise facture et provient d'une matrice contrefaite. De plus, il ressort des pièces du dossier que la section consulaire de l'ambassade de France à Conakry a informé le préfet du Tarn de ce que l'acte de naissance présenté était sans nul doute un faux dès lors, d'une part, qu'il a été établi le 2 juillet 2000, c'est-à-dire un dimanche alors que les administrations guinéennes sont fermées sans exception ce jour-là et, d'autre part, qu'il ne comporte pas de marque de séparation du volet n° 1 qui est conservé par le déclarant. En outre, ce document se trouve être dans un parfait état de conservation, alors qu'il est censé avoir été établi il y a plus de 18 ans. Par ailleurs, si M. B... continue à se prévaloir du jugement supplétif du tribunal de Conakry, il s'avère que celui-ci a été légalisé le 4 octobre 2019 par un agent du ministère des affaires étrangères de la république de Guinée. De plus, ce jugement supplétif n'était pas justifié au regard des dispositions de l'article 192 du code civil guinéen dès lors que l'acte de naissance a été établi moins de trente jours après la naissance de l'intéressé. En outre, même si M. B... a produit une nouvelle carte d'identité consulaire, délivrée le 4 octobre 2019, une telle carte ne constitue pas un acte d'état civil. Enfin la préfète du Tarn justifie de ce que les autorités guinéennes ont été saisies par ses services le 16 novembre 2018, demande restée sans réponse. Dans ces conditions, et alors que M. B... n'apporte en appel aucun élément nouveau de nature à justifier de sa date de naissance, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet du Tarn était fondé à lui opposer l'absence de justification de son état civil et plus particulièrement de son âge réel. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 47 du code civil, ni d'erreur de fait.
9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., arrivé en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée, est célibataire, sans enfant à charge et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, son frère et ses deux soeurs et dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il a signé un contrat d'apprentissage " jeune majeur " en chaudronnerie et ne peut interrompre sa formation et qu'il appartient à une équipe de football, ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire français, alors au demeurant que son parcours scolaire sur 3 ans montre un changement d'orientation de la chaudronnerie vers la serrurerie et un passage de seconde pro en CAP. Ainsi, eu égard notamment aux conditions du séjour de M. B... en France, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 ci-dessus, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne peut utilement exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B... demande le versement à son conseil sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Tarn.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme Karine Butéri, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.
Le rapporteur,
D...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01480