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22/10/2020 | FRANCE | N°20BX02629

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 22 octobre 2020, 20BX02629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le maire de la commune d'Ustaritz a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager un lotissement comportant six lots dont cinq à bâtir.

Par un jugement n° 1801308 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté municipal du 24 avril 2018 et a enjoint au maire d'Ustaritz de prendre une nouvelle décision, après nouvelle instruction de la demande de Mme E..., dans un d

élai de trois mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le maire de la commune d'Ustaritz a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager un lotissement comportant six lots dont cinq à bâtir.

Par un jugement n° 1801308 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté municipal du 24 avril 2018 et a enjoint au maire d'Ustaritz de prendre une nouvelle décision, après nouvelle instruction de la demande de Mme E..., dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, la commune d'Ustaritz, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 16 juin 2020 ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier dès lors que l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme fait obstacle à ce qu'une injonction de prendre une nouvelle décision soit prononcée tant que le jugement n'est pas devenu définitif ;

- le plan de zonage daté du 5 avril 2018 a été en possession de la commune dès le début du mois d'avril 2018 et a été débattu lors d'une réunion du conseil municipal du 13 avril 2018 ainsi que cela résulte d'une attestation du maire et de l'extrait du compte-rendu de la réunion du 13 avril 2018 ; la décision de sursis est donc justifiée par un état d'avancement suffisant du projet de révision du plan local d'urbanisme ;

- le tribunal a retenu que le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) indiquait que le quartier Saint-Michel était classé parmi les " espaces de développement incontournables eu égard à leur situation dans la commune et le niveau de leurs équipements " alors que le PADD qualifie également ce quartier de " forestier " et indique que la commune souhaite diminuer nettement le nombre de logements mis en construction dans un objectif de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ; le projet de zonage classait la parcelle d'assiette du projet en zone naturelle ; compte tenu de son ampleur, le projet était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme ; la délivrance d'autorisations de construire antérieures est sans influence sur l'appréciation de cette question ; l'intention de la commune était de ne renforcer l'urbanisation que sur une partie identifiée du quartier, le long de la route départementale 932 ;

- les moyens de Mme E... autres que celui retenu par le tribunal étaient également infondés ; le signataire de la décision disposait d'une délégation de fonctions et de signature, régulièrement publiée et transmise aux services préfectoraux ; l'arrêté est suffisamment motivé ; la commune n'était pas tenue de transmettre à la pétitionnaire une copie des documents pris en compte ou visés dans la décision alors qu'ils étaient librement et aisément accessibles ou communicables sur demande ; la procédure prévue à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme a été respectée ; le bien-fondé du classement en zone N de la parcelle d'assiette du projet qui est boisée, n'est pas contestable ; la qualité d'espaces naturels du secteur concerné ressort des pièces produites ; le futur plan de zonage vise à créer des réserves écologiques afin de protéger la biodiversité.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2020, Mme E..., représentée par la SELARL Etche avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Ustaritz le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la commune sont sans objet dès lors que l'annulation prononcée en première instance, dans l'attente du jugement d'appel, ne produit aucun effet de nature à justifier qu'il soit sursis à son exécution ;

- le jugement fait application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme sans le méconnaître et n'est donc pas entaché d'irrégularité ;

- le plan de zonage prétendument du 5 avril 2018 a manifestement été élaboré pour les besoins de la cause ; il n'est ni tamponné ni annexé au compte-rendu de la réunion n° 26 du conseil municipal ; la simple attestation du maire ne peut avoir sur ce point un caractère probant ;

- le PADD qualifie le quartier Saint-Michel de quartier qui a connu un fort développement commercial aux abords de la RD 932 et le désigne comme un quartier urbain à développer ;

- sa parcelle bâtie est manifestement située dans un secteur déjà urbanisé et non dans un espace à dominante naturelle et à proximité immédiate des équipements commerciaux, des services publics et des transports collectifs ;

- le projet est de dimension modérée ; il n'aurait pour effet que la construction de trois bâtiments supplémentaires à ceux existants et un allongement de la voirie intérieure de 5 mètres ; il ne serait pas de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme (PLU) ou à la rendre plus onéreuse ;

- un permis d'aménager portant sur 7 lots a été récemment été accordé sur des parcelles voisines ; dans le même secteur, 5 maisons ont récemment été édifiées ;

- le projet répond à un besoin de logements dans la commune ;

- l'arrêté contesté est entaché de défaut de motivation en l'absence d'indication sur les documents sur lesquels il se fonde ;

- le projet de PLU n'était pas suffisamment avancé pour permettre de lui opposer un sursis à statuer ;

- rien ne prouve l'existence et la publication de la délibération du 26 juin 2014 prescrivant la révision générale du plan local d'urbanisme ;

- le projet de classement de sa parcelle en zone naturelle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que cette parcelle est située dans un secteur densément urbanisé.

Une pièce a été produite pour la commune d'Ustaritz par un mémoire en production de pièce enregistré le 19 octobre 2020.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 20BX02628 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... A...,

- et les observations de :

* Me C..., représentant la commune d'Ustaritz, qui confirme ses écritures ; il ajoute que le jugement a bien des effets juridiques et que Mme E... en a d'ailleurs demandé l'exécution ; il explique la production tardive de la note en délibéré de la commune en première instance par le fait que la commune a souhaité renforcer son argumentation après avoir pris connaissance des conclusions du rapporteur public ; il affirme que les nouveaux moyens invoqués par Mme E... ne peuvent pas être admis dans la procédure de sursis à exécution ; il insiste sur le fait que le plan de zonage daté du 5 avril 2018 et l'attestation du maire ne sont pas des faux ;

* Me B..., représentant Mme E..., qui confirme également ses écritures ; elle précise qu'en réponse au courrier de Mme E... demandant l'exécution du jugement, la commune a répondu qu'elle n'entendait pas délivrer le permis demandé tant que le jugement n'était pas devenu définitif ; elle ajoute que le tribunal doit être regardé comme ayant implicitement subordonné la délivrance du permis au caractère définitif du jugement ; elle indique que les moyens de Mme E... tenant à l'exception d'illégalité du projet de plan local d'urbanisme ne sont pas nouveaux dès lors qu'ils étaient déjà invoqués en première instance.

Une note en délibéré présentée pour Mme E... a été enregistrée le 19 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

2. Par arrêté du 24 avril 2018, le maire de la commune d'Ustaritz a sursis à statuer, au nom de la commune, sur la demande de permis d'aménager présentée par Mme E... en vue de la création d'un lotissement de six lots dont cinq à bâtir sur la parcelle cadastrée section AR n° 93 d'une superficie de 6310 m². Saisi par Mme E..., le tribunal administratif de Pau, par jugement du 16 juin 2020, a prononcé l'annulation de cet arrêté municipal, a enjoint au maire de la commune de prendre une nouvelle décision sur la demande de la pétitionnaire dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de la commune le versement à Mme E... d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune, qui a fait appel de ce jugement, demande dans la présente instance qu'il soit sursis à son exécution.

3. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit en principe, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. En cas d'annulation, par une nouvelle décision juridictionnelle, du jugement ou de l'arrêt ayant prononcé, dans ces conditions, une injonction de délivrer l'autorisation sollicitée et sous réserve que les motifs de cette décision ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un nouveau refus de cette autorisation, l'autorité compétente peut la retirer dans un délai raisonnable qui ne saurait, eu égard à l'objet et aux caractéristiques des autorisations d'urbanisme, excéder trois mois à compter de la notification à l'administration de la décision juridictionnelle. Elle doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le tribunal administratif a pu prononcer une injonction de réexamen de la demande de permis d'aménager de Mme E... sans qu'y fasse obstacle le caractère non définitif de son jugement. Cette injonction a pour effet d'obliger le maire à réexaminer la demande et à prendre une nouvelle décision, l'annulation éventuelle du jugement en appel lui permettant ensuite, le cas échéant, de retirer la nouvelle décision ainsi prise en exécution du jugement. Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal ne peut recevoir aucune exécution et que la requête de la commune en sursis à exécution est, de ce fait, dépourvue d'objet.

5. A l'appui de sa requête aux fins de sursis à exécution, la commune d'Ustaritz soutient notamment que le plan de zonage daté du 5 avril 2018 a été en possession de la commune dès le début du mois d'avril 2018 et a été débattu lors d'une réunion du conseil municipal du 13 avril 2018, que la décision de sursis est donc justifiée par un état d'avancement suffisant du projet de révision du plan local d'urbanisme, que le tribunal a retenu à tort que le projet d'aménagement et de développement durables indiquait que le quartier Saint-Michel était classé parmi les espaces de développement alors qu'il qualifie également ce quartier de " forestier " et indique que la commune souhaite diminuer nettement le nombre de logements mis en construction dans un objectif de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, que le projet de zonage classait la parcelle d'assiette du projet en zone naturelle, que compte tenu de son ampleur, le projet était de nature à compromettre d'exécution du futur plan local d'urbanisme, que la délivrance d'autorisations de construire antérieures est sans influence sur l'appréciation de cette question, que l'intention de la commune était de ne renforcer l'urbanisation que sur une partie identifiée du quartier, le long de la route départementale 932, que les moyens de Mme E... autres que celui retenu par le tribunal étaient également infondés, que le signataire de la décision disposait d'une délégation de fonctions et de signature, régulièrement publiée et transmise aux services préfectoraux, que l'arrêté contesté est suffisamment motivé, que la commune n'était pas tenue de transmettre à la pétitionnaire une copie des documents pris en compte ou visés dans la décision alors qu'ils étaient librement et aisément accessibles ou communicables sur demande, que la procédure prévue à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme a été respectée, que le bien-fondé du classement en zone N de la parcelle d'assiette du projet qui est boisée, n'est pas contestable, que la qualité d'espaces naturels du secteur concerné ressort des pièces produites et que le futur plan de zonage vise à créer des réserves écologiques afin de protéger la biodiversité. Ces moyens paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement contesté.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Ustaritz est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête d'appel au fond.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme E... le versement à la commune d'Ustaritz d'une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme E... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement n° 1801308 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Pau jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 20BX02628.

Article 2 : Mme E... versera à la commune d'Ustaritz la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de Mme E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ustaritz et à Mme F... E....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020 à laquelle siégeait Mme G... A..., président de chambre.

Lu en audience publique le 22 octobre 2020.

Le président,

Elisabeth A...

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 20BX02629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 20BX02629
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - Application des règles fixées par les POS ou les PLU - Application dans le temps - Mesures de sauvegarde - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : CABINET PIERREPINTAT AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;20bx02629 ?
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