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22/10/2020 | FRANCE | N°20BX02478

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 22 octobre 2020, 20BX02478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena environnement, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2 de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 mai 2017 ainsi que l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel la même autorité lui a appliqué une astreinte administrative progressive jusqu'au respect de la mise en demeure du 26 janvier 2018 de prendre des mes

ures pour faire cesser les émissions d'odeurs nauséabondes.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena environnement, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2 de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 mai 2017 ainsi que l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel la même autorité lui a appliqué une astreinte administrative progressive jusqu'au respect de la mise en demeure du 26 janvier 2018 de prendre des mesures pour faire cesser les émissions d'odeurs nauséabondes.

Par un jugement n° 1705366, 1900619 du 9 avril 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2018, a rejeté le surplus de la demande n° 1900619 et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande n° 1705366.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2020, le ministre de la transition écologique demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 avril 2020.

Il soutient que :

- ses conclusions sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas d'analyse des moyens en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; il est également irrégulier dès lors que le tribunal a visé le mémoire produit par le préfet de la Gironde le 12 mars 2020 et l'a partiellement analysé sans le soumettre au contradictoire et sans prendre en compte les éléments nouveaux que contenait cette production ; le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 ; il est aussi entaché de contradiction de motifs en ce qu'il a retenu que la société justifiait par un rapport du 26 avril 2019 avoir satisfait aux prescriptions mises à sa charge alors qu'il a également relevé que des courriers des 16 juillet et 1er octobre 2019 établissaient la persistance de nuisances olfactives aux mois de mai et juin 2019 ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en prononçant l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 ; en effet, à supposer même que la société aurait justifié avoir respecté les obligations mises à sa charge, le tribunal ne pouvait qu'abroger l'arrêté à compter de la date à laquelle les obligations avaient été satisfaites et non l'annuler rétroactivement ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la mesure du débit d'odeur à partir d'une habitation occupée par des tiers excède la limite fixée par l'arrêté du 22 avril 2008 fixant les règles techniques applicables aux installations de compostage soumises à autorisation, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'immeuble appartient à la société ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal en s'appuyant sur les rapports établis par la société Odométric, l'installation n'est pas conforme aux prescriptions imposées à l'exploitant, comme le montrent plusieurs rapports de l'inspection des installations classées qui font état de plaintes du voisinage, de problèmes de fonctionnement de deux tunnels de fermentation et d'erreurs dans la modélisation de leur impact ; les rejets dans l'atmosphère en ammoniac dépassent les rejets autorisés ; le système de brumisation mis en place ne fonctionnait pas lorsque l'inspecteur des installations classées s'est rendu sur place ; l'inspecteur a également constaté que ce système n'avait fonctionné que 739 heures depuis le 7 décembre 2018 avec une fréquence de 15 % alors que les vents durant cette période justifiaient un fonctionnement supérieur ; ce système n'est pas un système de traitement ou de dispersion répondant aux règles de l'art ; le 16 septembre 2019, il a été constaté que ce système présentait une fuite importante ; des imprécisions dans le fonctionnement et le remplacement de la tour de lavage ont également été constatés.

Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2020, la société Pena environnement, représentée par Me B... C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; il a visé régulièrement le mémoire produit après clôture de l'instruction qui n'avait pas à être communiqué dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il comportait des éléments nouveaux qui ne pouvaient être produits avant la clôture de l'instruction ; le jugement pouvait par ailleurs s'appuyer sur les études Odométric dès lors que l'Etat était en mesure de les contester avant la clôture de l'instruction ; le jugement est également suffisamment motivé et n'est pas entaché de contradiction de motifs ;

- l'administration n'a pas demandé l'abrogation devant le tribunal qui ne pouvait statuer ultra petita, de sorte que le tribunal a, à bon droit, annulé l'arrêté du 28 novembre 2018 ;

- l'administration lui fait grief de ne pas respecter les prescriptions fixées à l'alinéa 2 du I de l'article 26 de l'arrêté ministériel du 22 avril 2008 alors que ces dispositions ne sont applicables qu'au niveau des zones d'occupation humaines et que le " riverain 1 " au niveau duquel le débit d'odeurs rejetées ne serait pas respecté est en réalité un immeuble à usage de bureaux qui ne fait pas partie des zones d'occupation humaine énumérées à l'article 3 de l'arrêté ministériel ;

- elle a fait réaliser des études qui ont conclu à la conformité du site et l'administration persiste, sans s'appuyer sur aucun élément objectif, sur le ressenti olfactif de certains habitants du quartier Toctoucau ; une des plaintes émane d'une entreprise qui est un de ses concurrents directs et sa légitimité est donc discutable ; les constats de l'inspection ne sont pas contradictoires ; ils ont été effectués à une heure à laquelle le site est fermé ; aucun lien n'est établi entre les nuisances ressenties et son activité ; les odeurs ressenties peuvent provenir de la déchetterie de Saint-Jean d'Illac, du centre de compostage de SEDE, d'une société qui loue du matériel agricole, notamment pour l'épandage, des égouts ou des épandages ; le ressenti est purement subjectif ; aucune base légale ne fonde les arrêtés, l'unique objectif du préfet étant de faire cesser les plaintes ; les unités d'odeurs dans le quartier étant inférieures au seuil de 5 fixé par la règlementation, c'est à bon droit que le tribunal a pris acte de la conformité du site ;

- elle produit des éléments complémentaires attestant de la fiabilité des études Odométric.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 20BX02479 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- et les observations de Me E..., représentant la société Pena environnement, qui confirme ses écritures en soulignant notamment que les débats techniques qui opposent la société aux services de l'Etat relèvent du juge du fond et non du juge du sursis à exécution, que le seul point de mesure où le niveau d'odeurs dépasse le seuil imposé n'est pas une zone d'habitation, que le quartier de Toctoucau se situe à plus de deux kilomètres du site de la société, que, compte tenu des processus mis en oeuvre dans l'entreprise, les odeurs fugaces ne peuvent provenir du site et que la société, bien qu'elle estime cet équipement superfétatoire, s'est maintenant dotée d'une tour de lavage acide.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

2. La société Péna Environnement exploite à Saint-Jean-d'Illac une installation de tri, transit et regroupement de déchets ainsi que d'une installation de compostage de déchets organiques. Elle a fait l'objet dans le courant de l'année 2016, de plusieurs inspections au titre de la législation applicable en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. Pour faire suite aux rapports des services intervenants, le préfet de la Gironde a prescrit à son encontre, par arrêté du 22 mai 2017, la mise en oeuvre, dans un délai de deux mois, des moyens de traitement ou de dispersion adaptés des molécules odorantes émises par les tunnels de fermentation et les andains. Par arrêté du 11 octobre 2017, le préfet de la Gironde a mis en demeure la société requérante de respecter les prescriptions de l'arrêté du 22 mai 2017. Dans le cadre de la procédure contradictoire préalable aux sanctions administratives envisagées par le préfet suite aux différents manquements constatés, l'exploitante s'est engagée, le 9 janvier 2018, à mettre en oeuvre dans un délai de deux mois les mesures nécessaires. Le 26 janvier 2018, le préfet de la Gironde a pris un nouvel arrêté abrogeant l'arrêté du 11 octobre 2017 et accordant à la société requérante un délai de deux mois pour respecter les prescriptions de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 mai 2017. A la suite de nouvelles inspections du site, le préfet de la Gironde, par arrêté du 28 novembre 2018, a décidé d'appliquer à la société une astreinte progressive jusqu'à la satisfaction par ses soins de la mise en demeure signifiée par arrêté préfectoral du 26 janvier 2018 d'avoir à respecter l'article 2 de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 mai 2017 lui prescrivant de mettre en place des moyens de traitement ou de dispersion adaptés des molécules odorantes émises par l'installation, de manière à en supprimer la gêne pour le voisinage. La société Pena environnement a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation des arrêtés des 11 octobre 2017 et 28 novembre 2018. Par jugement du 9 avril 2020, le tribunal a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 11 octobre 2017 qui avait été abrogé et a prononcé l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018. Le ministre de la transition écologique, qui a fait appel de ce jugement, demande qu'il soit sursis à son exécution. Il doit être regardé comme contestant le jugement en tant qu'il annule l'arrêté du 28 novembre 2018.

3. Le moyen invoqué par le ministre, tiré de ce que le tribunal ne pouvait qu'abroger l'arrêté du 28 novembre 2018 à compter de la date à laquelle les obligations de l'exploitant avaient été satisfaites et non l'annuler rétroactivement, paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier la réformation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement pour la période antérieure à la date à laquelle la société peut être regardée comme ayant satisfait à ses obligations. En l'état de l'instruction, cette date peut être fixée au 25 juin 2019, date à laquelle le cabinet Odometric a établi son rapport sur l'étude de l'impact olfactif de la plateforme de compostage de l'installation, faisant suite à un précédent rapport du 26 avril 2019 concernant le suivi des tunnels de fermentation 1 et 2 de l'installation.

4. En revanche, les autres moyens invoqués par le ministre ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions de la société Pena environnement dirigées contre l'arrêté du 28 novembre 2018 pour ce qui concerne la période à compter du 25 juin 2019.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement que pour ce qui concerne le prononcé de l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 pour la période antérieure au 25 juin 2019.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la société Pena environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement n° 1705366, 1900619 du 9 avril 2020 du tribunal administratif de Bordeaux en tant que ce jugement a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2018 pour la période antérieure au 25 juin 2019, jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 20BX02479.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la société Pena environnement tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et à la société Pena environnement.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020 à laquelle siégeait Mme D... A..., président de chambre.

Lu en audience publique le 22 octobre 2020.

Le président,

Elisabeth A...

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

5

N° 20BX02478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 20BX02478
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Contrôle du fonctionnement de l'installation.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : EDP AVOCATS BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-22;20bx02478 ?
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