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19/10/2020 | FRANCE | N°20BX00828

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 19 octobre 2020, 20BX00828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a prononcé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1905074 du 31 octobre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du 31 octobre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 1er octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a prononcé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1905074 du 31 octobre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 1er octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 dans la mesure où elle encourt un réel danger en cas de retour en Bulgarie, puis au Tibet, en raison des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie et qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 9 de la directive la directive 2011/95/UE et de celles des articles L. 711-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; pour les mêmes motifs cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013, ainsi que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle au regard de ses attaches personnelles en France où réside son frère en qualité de réfugié depuis huit ans et de ses démarches auprès de plusieurs associations françaises de soutien aux tibétains dans le but de s'intégrer sur le plan professionnel et social en France.

Par une lettre du 30 avril 2020, la cour a invité le préfet de la Gironde à compléter l'instruction en versant toutes pièces et informations afférentes à l'exécution de l'arrêté de transfert ou de la prolongation du délai d'exécution de ce transfert après la lecture du jugement du tribunal administratif.

En réponse à cette demande, le préfet de la Gironde a produit des pièces enregistrées au greffe de la cour le 19 juin 2020.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement Européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Me F..., avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise originaire du Tibet, née le 15 janvier 2000 entrée en France, selon ses déclarations, le 12 avril 2019, relève appel du jugement en date du 31 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet de la Gironde a prononcé sa remise aux autorités bulgares. Mme A... ayant été déclarée en fuite, le délai de son transfert aux autorités bulgares a été prolongé jusqu'au 4 décembre 2020.

2. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

3. En premier lieu, si l'intéressée soutient qu'il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, les documents qu'elle produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de tenir pour établis, à la date de la décision contestée, l'atteinte qui serait portée au droit d'asile des ressortissants étrangers et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales, alors au demeurant que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne et partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, aucun élément du dossier ne laisse à penser que la demande d'asile de Mme A... dans ce pays n'aurait pas été instruite dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, Mme A..., originaire du Tibet, soutient qu'ayant été définitivement débouté de sa demande d'asile en Bulgarie, son renvoi dans ce pays entrainerait nécessairement son renvoi dans son pays d'origine, en Chine, où elle encourrait des menaces graves pour sa vie et sa liberté, en raison de sa religion et de ses opinions politiques. Toutefois, la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet d'éloigner l'intéressée vers la Chine, mais seulement de prononcer son transfert en Bulgarie. En outre, à supposer même que la demande d'asile de Mme A... ait été définitivement rejetée par les autorités bulgares, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les autorités bulgares n'évalueraient pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels elle pourrait être exposée en cas de renvoi dans son pays d'origine. Enfin, Mme A... ne peut utilement se prévaloir d'extraits de dispositifs de décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides accordant le bénéfice de l'asile à des compatriotes en bornant à faire valoir, sans nullement l'établir, qu'elle se trouverait dans une situation identique à la leur et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités bulgares, Mme A... risquerait de subir des traitements contraires à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Gironde en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

4. En deuxième lieu, Mme A..., qui a déclaré être entrée en France le 12 avril 2019, est célibataire et sans enfant. Si elle soutient que son frère réside en France en qualité de réfugié, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir leur lien de parenté et l'intensité de leur relation. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

5. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, la décision portant transfert aux autorités bulgares ne méconnaît pas les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde du 1er octobre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreintes ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Dominique B..., président,

Mme D... C..., présidente assesseure,

Mme Déborah De Paz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2020.

La présidente assesseure,

Karine C...

Le président,

Dominique B...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00828
Date de la décision : 19/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SAINT-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-19;20bx00828 ?
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