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10/09/2020 | FRANCE | N°20BX02043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (juge unique), 10 septembre 2020, 20BX02043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de regroupement familial qu'il avait présentée au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 1803797 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'autoriser le regroupement familial sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 24 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à ex...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de regroupement familial qu'il avait présentée au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 1803797 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'autoriser le regroupement familial sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation dès lors que le juge de première instance a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à son avocat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que le préfet ne motive pas sérieusement sa demande et n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal, que le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il s'est placé en situation de compétence liée, qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation, que la décision du préfet porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnait ainsi l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 3 et 9 de la convention de New York.

Vu :

- la requête enregistrée sous le n° 20BX02042 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né en 1977, a présenté une demande de regroupement familial au profit de son épouse. Par une décision du 6 juin 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande. Par un jugement du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et a enjoint au préfet d'autoriser le regroupement familial au profit de l'épouse de M. E.... Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. E..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

3. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

4. Pour annuler la décision du 6 juin 2018, le tribunal a considéré que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant le regroupement sur place au bénéfice de l'épouse de M. E....

5. Toutefois, il est constant que l'épouse de M. E... est en situation irrégulière en France depuis plusieurs années. Par ailleurs la vie familiale était très récente à la date de la décision contestée, l'enfant de M. et Mme E... étant né en février 2016 et leur mariage ayant eu lieu en janvier 2017. Enfin M. E... n'invoque aucune circonstance faisant obstacle à ce que son épouse puisse retourner temporairement en Algérie, accompagnée de son enfant, pour effectuer les démarches lui permettant de le rejoindre au titre de la procédure de regroupement familial, procédure dont rien au dossier ne permet de considérer qu'il ne pourrait pas bénéficier. Dans ces conditions, et compte tenu notamment du très jeune âge de l'enfant, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. E..., alors même que ce dernier est titulaire d'une carte de séjour valable jusqu'au mois d'avril 2021 et qu'il exerce la profession de boucher.

6. Dès lors le moyen tiré de ce que le tribunal ne pouvait se fonder sur ce moyen est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. Par ailleurs, aucun des moyens soulevés par M. E... à l'encontre de la décision contestée, tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il se serait placé en situation de compétence liée, qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation, que la décision attaquée porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnait l'intérêt supérieur de son enfant en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3 et 9 de la convention de New York, n'est de nature, en l'état de l'instruction, à confirmer l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au bénéfice du conseil de M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : M. E... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le préfet de la Haute-Garonne contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juin 2020, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 3 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. E... sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... E....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le président de chambre,

Marianne A...Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 20BX02043
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Avocat(s) : GAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-10;20bx02043 ?
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