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29/07/2020 | FRANCE | N°19BX04729

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 29 juillet 2020, 19BX04729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 1900614 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, et des mémoires enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 1900614 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, et des mémoires enregistrés les 8 et 22 juin 2020, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- en se bornant à communiquer ses écritures de première instance, la défense du préfet ne tend pas au rejet de la requête d'appel et doit être regardé comme n'ayant pas produit de mémoire recevable ; le préfet doit être regardé comme ayant acquiescé à la requête d'appel ;

- le tribunal a écarté, à tort, le moyen tiré de l'erreur de droit du préfet qui s'est fondé sur l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour refuser le titre de séjour sollicité et n'a pas usé de son pouvoir discrétionnaire ;

- l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- il doit bénéficier de la régularisation prévue par la circulaire NOR INTK1229185C dès lors qu'il réside en France depuis 2011 et qu'il travaillait depuis 2015 comme saisonnier ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux motifs qu'il est arrivé en France à l'âge de 19 ans, qu'il vit depuis 2011 avec sa mère, son beau-père et sa demi-soeur, tous Français, depuis plus de huit ans, qu'il n'a plus de contact avec sa famille au Maroc, qu'il maîtrise le français, a une activité professionnelle stable et qu'il entretient une relation de couple avec une Française.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2020 le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. A... et s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une décision du 5 septembre 2019, la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 10 novembre 1991, est entré en France le 13 août 2011, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant " valable du 22 juillet 2011 au 22 juillet 2012. Il a obtenu la délivrance de plusieurs titres de séjour " étudiant " dont le dernier était valable jusqu'au 21 décembre 2016. Il a sollicité, le 12 juin 2017, un changement de statut " d'étudiant " à " travailleur temporaire " sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a parallèlement sollicité l'obtention d'une carte de résident de plein droit. Par un arrêté du 10 janvier 2019, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A..., relève appel du jugement du 24 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

2. En produisant un mémoire concluant au rejet de la requête par lequel il se rapporte à ses écritures de première instance, jointes à son mémoire d'appel, et, au demeurant, en l'absence de mise en demeure qui lui aurait été faite par la cour en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le préfet de la Gironde ne saurait ni avoir produit un mémoire irrecevable ni être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires de l'appelant.

3. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 de ce même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 3 de l'accord

franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et portant la mention " salarié " (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ".

5. L'établissement Olmécy, situé à Biarritz, a présenté une demande d'autorisation de travail afin que M. A... occupe un poste de " cuisinier/serveur polyvalent " dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de quatre mois à temps complet. Par décision du 21 août 2018, cette demande a été rejetée aux motifs que l'entreprise a employé M. A... sans autorisation de travail délivrée par leurs services, que le poste proposé n'est pas en adéquation avec les études entreprises par M. A..., que la demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger résidant en France a été effectuée le 24 mars 2018 alors que l'employeur a transmis le détail de l'offre déposée auprès des services de pôle emploi pour un emploi de serveur seulement le 2 mai 2018 et qu'il n'existait aucune difficulté pour l'établissement pour pourvoir ce poste compte tenu du nombre de demandeurs d'emploi inscrits dans ce métier. En l'absence de contrat visé par les autorités compétentes, M. A... ne pouvait prétendre à un titre de travail délivré en application des dispositions précitées. Si M. A... soutient que le préfet se serait cru à tort lié par cette décision lorsqu'il a examiné la situation personnelle de l'appelant dans le cadre de l'examen des possibilités de régularisation de son admission au séjour en France, une telle circonstance ne résulte nullement de l'instruction. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement invoquer les orientations générales que le ministre de l'intérieur, dans sa circulaire du 28 novembre 2012, a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et qui est dépourvue de portée impérative.

6. En se bornant à se prévaloir du fait qu'il a travaillé deux mois en 2015, six mois en 2016, six mois en 2017, et neuf mois en 2018 comme saisonnier dans le domaine de la restauration en tant que serveur, ainsi que de la durée de son séjour en France, M. A... ne fait valoir aucun motif exceptionnel ou circonstance humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la demande de titre de séjour n'étant pas présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet n'ayant pas examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions, l'appelant ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Il est constant que M. A... est célibataire et sans enfant. La circonstance que sa mère, remariée depuis 2003 avec un ressortissant français, et sa jeune demi-soeur Lylia, soient de nationalité française ne lui confère aucun droit particulier au séjour. S'il soutient qu'il vit avec ces dernières et son beau-père depuis huit ans, n'ayant plus de contact avec sa famille dans son pays d'origine il n'établit pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine où il a vécu et étudié jusqu'à l'âge de dix-neuf ans et où résident son père et sa soeur. S'il fait état d'une relation sentimentale avec une ressortissante française, celle-ci est récente. Par ailleurs, M. A... est défavorablement connu des services de police et a fait l'objet de condamnations pénales pour des faits commis entre juin 2015 et octobre 2017. Dans ces circonstances, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. A....

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du

10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... E..., présidente de la cour,

M. Éric Rey-Bèthbéder, président de chambre,

Mme D... F..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

Le rapporteur,

Florence F...

La présidente de la cour,

Brigitte E...

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°19BX04729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX04729
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : PORNON-WEIDKNNET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx04729 ?
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