Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... D... et M. F... J...-D... ont demandé au tribunal administratif
de la Guyane :
- de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution de l'ordonnance n° 1701074 et 1701077 du 28 octobre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a enjoint au recteur de l'académie de la Guyane d'affecter M. F... J...-D... en classe d'unité localisée d'inclusion scolaire, niveau lycée, adaptée à son profil
et de lui désigner un accompagnant d'élève en situation de handicap, conformément aux décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
du 7 août 2017, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance,
sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution de l'ordonnance n° 1701179 du 24 novembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif
de la Guyane a enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé de la Guyane
de prendre toutes dispositions pour qu'une offre de soins permettant la prise en charge effective de M. J...-D... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, par un établissement médico-social adapté, soit présentée à M. D..., sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
Par un jugement avant dire droit nos 1800069, 1800115 et 1800116 du 19 mars 2018, le tribunal administratif de la Guyane a décidé, avant de statuer sur les demandes de M. D...
et M. J...-D..., de procéder à une expertise aux fins de déterminer exactement l'état de santé et le handicap de M. J...-D..., et toutes les mesures adaptées à la prise en charge de celui-ci.
Par une ordonnance du 19 mars 2018 sous les nos 1800069, 1800115 et 1800116,
le président du tribunal administratif de la Guyane a désigné le centre de ressources pour l'autisme de la Guyane en qualité d'expert et a précisé ses missions.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 4 juillet 2018 sous le n° 18BX02624, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 19 mars 2018 ;
2°) de dire qu'il n'y avait pas lieu à jonction des trois demandes que lui et son fils avaient introduites devant le tribunal ;
3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé de la Guyane d'exécuter les mesures prescrites par l'ordonnance n° 1701179 du juge des référés du 24 novembre 2017 et de prononcer la liquidation de l'astreinte au regard des mesures prescrites au rectorat de la Guyane par les ordonnances nos 1701074 et 1701077;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé et du rectorat de la Guyane le paiement de la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du 19 mars 2018 est irrégulier dès lors qu'il a prononcé la jonction de trois affaires alors que les parties n'étaient pas les mêmes et que l'audience n'était pas publique ; au surplus, ces requêtes ne présentaient pas un lien suffisant entre elles ;
- le jugement est également irrégulier au regard de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été informé de l'ouverture de la phase juridictionnelle, que le premier mémoire en défense de l'agence régionale de santé ne lui a pas été communiqué dans un délai lui permettant de répliquer, et qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de report de l'audience ;
- le tribunal a également entaché son jugement d'irrégularité en décidant d'une mesure d'instruction qui n'était pas utile à la solution du litige ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé d'exécuter l'ordonnance du juge des référés
du 24 novembre 2017 qui était revêtue de l'autorité de chose jugée et qui lui imposait de prescrire à l'ARS de prendre les mesures ordonnées ;
- c'est à tort que le tribunal et l'ARS remettent en cause la décision de la CDAPH qui a reconnu le handicap de Yéhudi ;
- c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que l'ARS considère
que le jeune homme doit être accueilli dans une maison d'accueil spécialisée (MAS)
en exécution de cette ordonnance ;
- c'est en méconnaissance de la décision de la CDAPH que le tribunal a ordonné une expertise et l'a confiée au centre de ressources pour l'autisme ; cette expertise apparaît frustratoire dès lors que le diagnostic de l'autisme a déjà été posé ;
- en ce qui concerne le rectorat de Guyane, il conviendra de liquider l'astreinte jusqu'à la date d'exécution complète de la mesure ordonnée en référé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'ARS n'a pas de compétences spécifiques pour assurer la mise en oeuvre de décisions de la CDAPH en termes d'admission de personnes en situation de handicap dans des établissements médico-sociaux ;
- au demeurant, l'ARS de la Guyane a fait des propositions au père de l'intéressé dès la notification des décisions de la CDAPH de juin et août 2017, un accompagnement lui ayant été proposé, en vain, par l'association APAJH dès le mois de septembre 2017 ;
- à la suite de la notification de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 24 novembre 2017, de nouvelles dispositions ont été prises mais n'ont pas été acceptées par M. D... ; une proposition d'accueil de jour en MAS lui a également été faite mais est restée sans suite malgré deux tentatives en février 2018 et en août 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les mesures prescrites dans l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, en date du 28 octobre 2017, ont été exécutées à la date du jugement de ce même tribunal, en date du 19 mars 2018 ;
- M. F... J...-D... a, en effet, été affecté au sein de l'unité localisée pour l'insertion scolaire (ULIS) du lycée Balata de Matoury, par une décision du 6 novembre 2017, mais le jeune ne s'y est présenté que fin février 2018 ;
- à compter du 27 février 2018, il a bénéficié de l'intervention d'un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH) ;
- dans ces conditions, il n'y pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte.
II. Par une requête enregistrée le 4 juillet 2018 sous le n° 18BX02625, M. J...-D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 19 mars 2018 ;
2°) de dire qu'il n'y avait pas lieu à jonction des trois demandes que lui et son père avaient introduites devant le tribunal ;
3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé de la Guyane d'exécuter les mesures prescrites par l'ordonnance n° 1701179 du juge des référés du 24 novembre 2017
et de prononcer la liquidation de l'astreinte au regard des mesures prescrites au rectorat
de la Guyane par les ordonnances nos 1701074 et 1701077 ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé et du rectorat de la Guyane
le paiement de la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ses écritures sont identiques à celles présentées par M. D... dans l'instance n° 18BX02624.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 18BX02624.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 18BX02624.
III. Par une requête enregistrée le 5 juillet 2018 sous le n° 18BX02626, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de la Guyane
du 19 novembre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé et du rectorat de la Guyane le paiement de la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 18BX02624.
Il soutient en outre que :
- l'ordonnance désignant l'expert et définissant sa mission est illégale par voie de conséquence de l'irrégularité du jugement avant dire-droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 18BX02624.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 18BX02624.
Par des décisions du 21 novembre 2019, la clôture d'instruction a été reportée
au 31 décembre 2019 dans ces trois affaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... C...,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le jeune F... J...-D..., né le 15 mars 1998, a été diagnostiqué comme atteint de troubles du spectre autistique en fin d'année 2015, alors qu'il était scolarisé en classe
de première générale. Le 12 juin 2017, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Guyane s'est prononcée pour son orientation en service d'éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD) prenant en charge les troubles envahissants
du développement ou dans tout autre établissement médico-social équivalent, pour la période
du 22 mars 2017 au 21 mars 2022. Par une décision du 7 août 2017, la CDAPH a notifié l'orientation de M. J...-D... dans une maison d'accueil spécialisée (MAS) de Kourou
ou tout autre établissement médico-social équivalent, pour la période du 5 juillet 2017
au 4 juillet 2022. Enfin, par deux autres décisions du 7 août 2017, la CDAPH a également orienté l'intéressé en classe pour l'inclusion scolaire au sein d'une unité localisée pour l'insertion scolaire (ULIS) adaptée aux troubles des fonctions cognitives avec un accompagnant d'élève
en situation de handicap (AESH) individualisé à temps partiel, pour l'année scolaire 2017/2018.
2. Saisi par deux requêtes en référé successives des 26 octobre et 22 novembre 2017 introduites par M. D... et par son fils, M. J...-D..., sur le fondement de
l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a, par deux ordonnances des 28 octobre et 24 novembre 2017, d'une part, enjoint au recteur de l'académie de la Guyane d'affecter M. J...-D... en classe d'ULIS, niveau lycée, adaptée à son profil et de lui désigner un AESH, d'autre part, enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de la Guyane de prendre toutes dispositions pour qu'une offre de soins permettant la prise en charge effective de M. J...-D... par un établissement médico-social adapté soit présentée à M. D.... Estimant que le rectorat et l'ARS n'avaient pas pleinement exécuté les mesures prescrites par ces deux ordonnances, et à tout le moins n'avaient pas respecté les délais fixés, M. D... a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande d'exécution des ordonnances. Après avoir ouvert la phase juridictionnelle, le tribunal, par un jugement avant-dire droit du 19 mars 2018, a décidé, avant de statuer sur les demandes de M. D... et de M. J...-D..., de procéder à une expertise aux fins de déterminer exactement l'état de santé et le handicap de M. J...-D... et toutes les mesures adaptées à sa prise en charge. Par une ordonnance du même jour, le président du tribunal administratif de la Guyane a désigné le centre de ressources pour l'autisme de la Guyane en qualité d'expert et a précisé ses missions. Par trois requêtes des 4 et 5 juillet 2018, qu'il y a lieu de joindre, M. D... et M. J...-D... relèvent appel du jugement et de l'ordonnance du 19 mars 2018.
Sur la régularité du jugement avant-dire droit du 19 mars 2018 :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / (...). " Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. (...). "
4. Les requérants soutiennent que le tribunal administratif, qui a joint les trois demandes d'ouverture de phases juridictionnelles enregistrées sous les nos 1800069, 1800115 et 1800116 pour statuer par un seul jugement, n'a pas mis M. D... en mesure de prendre connaissance de façon utile et effective du mémoire en défense de l'ARS avant la tenue de l'audience prévue le 15 mars 2018. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que le premier mémoire en défense de l'ARS de la Guyane dans l'affaire n° 1800069, enregistré au greffe du tribunal administratif le 8 février 2018, n'a été envoyé à M. D..., par lettre simple, que le 2 mars 2018. En l'absence de preuve de la date de réception effective de ce mémoire, dont M. D... soutient n'avoir pu prendre connaissance que le 16 mars 2018, soit le lendemain de l'audience, le tribunal ne peut être regardé comme l'ayant effectivement communiqué avant la clôture de l'instruction survenue trois jours francs avant l'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement avant-dire droit du 19 mars 2018, les requérants sont fondés à en demander l'annulation. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu pour la cour de renvoyer ces affaires devant le tribunal administratif de la Guyane.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance du 19 mars 2018 :
5. Le jugement avant dire droit du 19 mars 2018 étant annulé pour vice de procédure, l'ordonnance du même jour prise sur son fondement pour la désignation d'un expert ne peut qu'être annulée par voie de conséquence.
Sur les frais relatifs au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1800069, 1800115 et 1800116 du tribunal administratif de la Guyane du 19 mars 2018 est annulé.
Article 2 : L'ordonnance nos 1800069, 1800115 et 1800116 du président du tribunal administratif de la Guyane du 19 mars 2018 est annulée.
Article 3 : Les affaires nos 1800069, 1800115 et 1800116 sont renvoyées devant le tribunal administratif de la Guyane.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... et M. J...-D... sur le fondement
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., à M. F... J...-D...,
au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'éducation et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :
Mme A... B..., présidente,
M. G... C..., premier conseiller,
Mme I..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.
La présidente,
Anne B...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 18BX02624, 18BX02625, 18BX02626