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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX01560

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX01560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne, d'une part, a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000246 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a admis M. G... F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.
r>Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2020, M. C... G... F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne, d'une part, a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000246 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a admis M. G... F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2020, M. C... G... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 février 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 14 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, en tout état de cause, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 en l'absence de preuve du respect des formalités prévues par cet article. Il ne sait pas lire l'arabe et la durée de l'interprétariat téléphonique n'a pu permettre la traduction intégrale des brochures d'information prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 17.1 et 17.2 du règlement n°604/2013 ;

- la décision de transfert porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de transfert méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux difficultés d'accueil des demandeurs d'asile rencontrées en Italie mentionnées dans de nombreux documents. En outre, sa demande d'asile n'a pas été prise en charge en Italie où il a été contraint de vivre dans des conditions indignes ;

- l'assignation à résidence est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert ;

- l'assignation à résidence méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de la démonstration que l'exécution de la décision de transfert constitue effectivement une perspective raisonnable.

Le préfet de la Haute-Garonne a produit un bordereau de production d'une pièce enregistré le 25 mai 2020.

M. G... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. H... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... F..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1999, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 26 août 2019 et y a déposé une demande d'asile le 11 septembre 2019. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes ont été relevées par les autorités italiennes le 10 mai 2019 lors d'un contrôle policier, puis le 16 mai 2019 lors du dépôt d'une demande d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités italiennes une demande de reprise en charge qui a été implicitement acceptée le 6 novembre 2019. Par deux arrêtés du 14 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de transférer M. G... F... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. G... F... relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604-2013 susvisé : " (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) no 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, au début de la procédure d'examen de la demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des documents prévus les dispositions du paragraphe 3 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 ont été remis à M. G... F... dans leur version rédigée en arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Si M. G... F... soutient qu'il ne sait pas lire l'arabe, il a cependant signé les brochures concernées sans émettre la moindre observation quant aux difficultés qu'il aurait rencontrées pour comprendre les informations portées à sa connaissance. Dans ces conditions, le préfet pouvait raisonnablement supposer, au sens de l'article 4 du règlement n° 604/2013 précité, que M. G... F... comprenait et savait lire l'arabe. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. D'une part, si les rapports d'information émanant d'organisations non gouvernementales et les articles de presse et les documents versés au dossier font état des difficultés rencontrées par l'Italie pour faire face à l'afflux massif de migrants, ils ne suffisent pas à établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil de ces derniers alors au demeurant que l'afflux de migrants a considérablement réduit depuis 2019. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. G... F... ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si l'intéressé soutient qu'au cours de son séjour en Italie sa demande d'asile n'a pas été prise en charge et qu'il a été contraint de vivre dans des conditions indignes, il ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations. Par ailleurs, l'intéressé ne démontre pas davantage que sa réadmission vers ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Dès lors, en ne faisant pas application de la faculté d'examen d'une demande d'asile prévue par les dispositions du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. G... F....

6. D'autre part, si M. G... F... invoque également la méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, il ne précise pas en quoi ces dispositions ont été méconnues. Ce moyen n'étant ainsi pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé, il ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, si M. G... F... soutient que l'arrêté litigieux méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, ce moyen doit être écarté pour les motifs énoncés au point 5.

8. En quatrième lieu, eu égard à la brève durée du séjour de M. G... F... en France et à l'absence d'attaches familiales dans ce pays, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été édicté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert sur laquelle il se fonde.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert (...) ".

11. Si M. G... F... semble soutenir que son éloignement n'est pas une perspective raisonnable alors qu'il fait l'objet d'une décision de transfert, il n'explique pas pourquoi et n'assortit donc pas le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. A supposer même qu'il ait ainsi entendu se prévaloir de l'illégalité de la décision de transfert, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas fondé à s'en prévaloir.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 14 janvier 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

M. H... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01560
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx01560 ?
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