La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2020 | FRANCE | N°20BX01170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX01170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à un nouvel examen de sa situation tout en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 1904460 du 25 octobre 2019, le magistrat désigné par l

e président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à un nouvel examen de sa situation tout en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 1904460 du 25 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2020, M. E... G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 25 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Durant sa détention il a été violé et a été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine dont il a fait état devant la Cour nationale du droit d'asile. Il souffre également d'une hépatite C qui a été diagnostiquée en France. Il avait l'intention de déposer une demande de titre de séjour en raison de son état de santé mais il n'a pu le faire immédiatement en l'absence de pièce d'identité. Il ressort des certificats médicaux produits que le défaut de prise en charge médicale entrainerait un risque vital. En outre, une partie de son traitement n'est pas disponible en République démocratique du Congo. Enfin, il y a un risque de rupture de la continuité des soins susceptible de préjudicier à son état de santé en méconnaissance de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en République démocratique du Congo où il a déjà été victime de tortures en raison de son appartenance à un mouvement politico-religieux et où il est considéré comme un fugitif. Le sort favorable réservé au dirigeant de ce mouvement ne saurait impliquer qu'il n'est plus menacé en cas de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant congolais né le 14 janvier 1986, est, selon ses déclarations, entré en France le 19 janvier 2018. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2019, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 12 août 2019, refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. G... relève appel du jugement du 25 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 août 2019 :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux du 27 mai 2019 et du 29 août 2019, que M. G... est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et qu'il suit en France depuis mai 2018 un traitement à base de médicaments antirétroviraux dont l'interruption entraînerait un risque vital. Il ressort également des pièces du dossier qu'est prescrit le Biktarvy, médicament dont les principes actifs sont le bictégravir, l'emtricitabine et le ténofovir alafénamide or, selon la liste nationale des médicaments essentiels de la République démocratique du Congo versée au dossier, seul le ténofovir est disponible dans ce pays. Il n'est ni établi ni même allégué que des principes actifs équivalents au bictégravir et à l'emtricitabine, ni même un traitement équivalent à celui prescrit à M. G..., seraient disponibles en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. L'obligation de quitter le territoire français est donc illégale et doit être annulée. Par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination est illégale et doit également être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2019 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

7. L'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais impose seulement au préfet, en application des dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble des éléments de fait et de droit existants à la date de ce réexamen.

8. Il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Gironde délivre à M. G... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. M. G... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, et en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. G... d'une somme de 1 200 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1904460 du 25 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 août 2019 du préfet de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. G... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G..., au ministre de l'intérieur, à Me B.... Copie en sera transmise au préfet de la Gironde et à Me B....

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. F... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01170
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx01170 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award