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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX00769

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX00769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905241 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjo

int au préfet de la Gironde de délivrer à M. G... un titre de de séjour portant la me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905241 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. G... un titre de de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. G... présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. G... la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 avril 2019, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'état de santé de M. G... peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne peut donc prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. G... est célibataire et sans charge de famille en France où il ne justifie d'aucun lien privé et familial ancien, stable et pérenne. Ses parents, sa conjointe et ses enfants résident au Cameroun. Il n'établit pas ne plus entretenir de contact avec ces derniers. La seule durée de son séjour en France ne saurait constituer un motif de régularisation. En outre, les titres de séjour délivrés à l'intéressé étaient liés à son état de santé or son état de santé s'est amélioré. En outre, il ne justifie pas davantage d'une insertion durable dans la société française en l'absence de domicile stable et d'exercice d'une activité professionnelle lui conférant des ressources supérieurs ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Enfin, M. G... est défavorablement connu des services de police après avoir été condamné en 2016 pour conduite d'un véhicule sans permis et avoir fait l'objet d'un signalement le 4 mai 2019 pour des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, il n'a pas estimé que le comportement de M. G... représentait une menace à l'ordre public, cela n'est d'ailleurs pas mentionné dans l'arrêté contesté. En effet son comportement n'a été mentionné que pour apprécier son intégration en France, laquelle n'est pas démontrée pour les motifs énoncés précédemment ;

- une autorisation provisoire de séjour n'a été délivrée à M. G... que pour se conformer au jugement attaqué et organiser les conditions de son séjour pendant la durée de l'instance de l'appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, M. F... G..., représenté par Me D..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Gironde ne sont pas fondés.

M. G... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-741 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant camerounais né le 2 juin 1978, est, selon ses déclarations, entré en France en juin 2010. Il a sollicité, le 19 décembre 2011, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Après avoir été titulaire d'une autorisation provisoire de séjour valable du 12 janvier 212 au 18 mars 2012, le préfet de la Gironde lui a délivré le 3 avril 2013 le titre de séjour sollicité, lequel a été régulièrement renouvelé jusqu'au 22 décembre 2016. Puis le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 6 mars 2018, refusé de renouveler le titre de séjour de M. G... et lui faisait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté ayant été annulé pour vice de procédure par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2018, le préfet de la Gironde a réexaminé la situation de M. G... et, par un arrêté du 6 août 2019, a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de M. G..., l'arrêté du 6 août 2019 et lui a enjoint de délivrer à ce dernier un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 11 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. G... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour annuler l'arrêté du 6 août 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus de titre de séjour.

4. Si M. G... vit en France depuis juin 2010, comme il soutient, ou à tout le moins depuis décembre 2011, date de sa demande de titre de séjour, il n'a aucune attache familiale en France. En outre, il ressort de la fiche familiale du 19 décembre 2018 et il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun où résident ses parents, sa compagne et ses trois enfants, dont les deux derniers sont mineurs, et avec lesquels il n'établit pas avoir rompu tout lien. Il ressort également des pièces du dossier qu' à la date de l'arrêté, M. G... que s'il a régulièrement travaillé par le passé, il n'est plus titulaire d'aucun contrat de travail ni même d'une promesse d'embauche, qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel d'Evry le 10 mai 2016 au paiement d'une amende de 300 euros pour conduite d'un véhicule sans permis et a fait l'objet d'un signalement le 5 mai 2016 pour des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours. Ainsi, en dépit de la durée de son séjour, M. G..., ne justifie pas d'une intégration réussie en France. Enfin, il est constant que M. G... a obtenu des titres de séjour en raison de son état de santé. Or, selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 avril 2019, le défaut de prise en charge médicale de M. G... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si ce dernier se prévaut des avis précédents du médecin de l'agence régionale de santé et de la circonstance que son état de santé n'a pas évolué, il ressort des pièces du dossier qu'au contraire son état de santé a évolué, l'arrêté du 6 mars 2018 ayant été annulé au motif que l'intéressé avait communiqué au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, postérieurement à son avis, un certificat médical faisant état d'une évolution de son état de santé. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux et attestations d'appareillage produits par M. G..., qu'il est équipé d'une prothèse oculaire gauche, qui a été posée en décembre 2011 et changée en 2018, qui doit faire l'objet d'un contrôle régulier tous les trois mois et un repolissage tous les six mois pour éviter une surinfection et une mauvaise évolution des tissus orbitaires. Or, il ressort des pièces du dossier que durant le suivi effectué entre 2011 et la date de l'arrêté en litige, il n'y a eu ni infection ni mauvaise évolution des tissus orbitaires alors qu'au demeurant il ne ressort pas des pièces du dossier que la prothèse de 2011 ait nécessité des repolissages et qu'aucune précision n'est fournie sur la probabilité des risques allégués. Dans ces circonstances, et nonobstant la durée et le caractère régulier du séjour en France de M. G..., le préfet de la Gironde a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé, refuser de renouveler son titre de séjour.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a, pour ce motif, annulé son arrêté du 6 août 2019. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2019 :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, lequel a été régulièrement habilité, par un arrêté du préfet de la Gironde du 17 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, à signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes, mémoires, correspondances et documents concernant les attributions de l'Etat dans le département de la Gironde, à l'exception d'actes précisément identifiés, et au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des ressortissants étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, en visant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit fondant le refus de titre de séjour. De même, en rappelant la teneur de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 avril 2019, qui a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et en indiquant qu'au regard de cette analyse de son état de santé et des éléments d'appréciation portés à sa connaissance le titre de séjour de M. G... ne pouvait être renouvelé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en décrivant sa situation familiale ainsi que sa situation en France pour en déduire qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de la Gironde a énoncé les considérations de fait fondant son refus. Enfin, la critique du bien-fondé des motifs est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté litigieux que, contrairement à ce que soutient M. G..., le préfet de la Gironde a procédé à un examen particulier de sa situation.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins a effectivement émis un avis le 5 avril 2019 et qu'ainsi le moyen tiré du défaut d'avis de cette instance ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".

11. Comme indiqué au point 4, en l'absence d'élément sur la probabilité et le délai de survenance des risques allégués au sens de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé, ces risques ne peuvent être regardés comme des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments infirmant les conclusions de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en vertu duquel le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. G... doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 4.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écartée.

14. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 4 et 11.

15. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. G... doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 4.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". M. G... se prévaut de son état de santé au motif que le traitement requis ne serait pas disponible au Cameroun. Quand bien même cela serait effectivement le cas, il résulte de ce qui est énoncé au point 4 que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, et en l'absence d'autre risque allégué, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

19. Il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet de la Gironde s'est fondé notamment sur la circonstance que " l'intéressé a déjà fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière non exécutée et qu'il s'est maintenu en France irrégulièrement jusqu'à l'annulation de cette décision par un jugement du tribunal administratif en date du 15 octobre 2018 ". Or en raison de cette annulation contentieuse, l'obligation de quitter le territoire français du 6 mars 2018 n'a pas cessé d'exister à compter de son annulation mais est réputée n'avoir jamais existé. Dès lors, en l'absence de toute autre mesure d'éloignement antérieure à l'arrêté en litige, le préfet de la Gironde ne pouvait se fonder sur la circonstance que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Or il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que cette circonstance constitue l'un des critères pris en compte pour décider de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, cette erreur de fait sur l'existence d'une mesure d'éloignement antérieure est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision. Par conséquent, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être accueilli.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français, que M. G... est seulement fondé à solliciter l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français comprise dans l'arrêté du 6 août 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt, qui n'annule que l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle consistant à supprimer le signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction. Par suite, les conclusions de M. G... tendant à la délivrance d'un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet de la Gironde présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : M. G... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 6 août 2019 est annulé en tant qu'il interdit le retour de M. G... pendant une période de deux ans.

Article 3 : Le surplus de la demande de M. G... présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 1905241 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les conclusions du préfet de la Gironde présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... G.... Copie en sera au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

M. E... A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00769
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx00769 ?
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