Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'ordonner à l'inspection académique du Gers de procéder à l'évaluation de leurs enfants à leur domicile, de mettre à la charge de l'Etat l'indemnisation des frais engagés pour la défense du droit de leurs enfants, de condamner l'Etat à les indemniser en réparation du préjudice moral et physique causé par le signalement de la situation auprès du procureur de la République, ainsi que par le harcèlement qu'ils subissent de la part des services de l'inspection académique et du préjudice causé par la mauvaise organisation du contrôle individualisé réalisé le 9 novembre 2016.
Par une ordonnance n° 1702787 du 27 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 29 mars 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse du 27 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 20 et 24 avril 2017 de l'inspection académique du Gers ainsi que la décision implicite de rejet née le 31 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'inspection académique d'organiser un nouveau contrôle pédagogique au domicile des époux D... ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice causé à ses enfants, en sa qualité de représentant légal ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête était recevable dès lors qu'il entendait contester avec son épouse les multiples refus opposés par l'administration à leurs demandes de changement de lieu de rendez-vous pour procéder à l'évaluation scolaire de leurs enfants, notamment par lettre et par courriel du 15 mai 2017 ;
- il a produit les courriers de refus de l'administration et la preuve de leur réclamation du 15 mai 2017 ;
- ce refus est contraire à l'article II.3.3.b de la circulaire interministérielle n° 2017-056 du 10 avril 2017 relative à l'instruction dans la famille ;
- la convocation intervenue le 10 mai 2017 pour un rendez-vous le 31 mai 2017 ne respecte notamment pas le délai minimal d'un mois prévu par cette circulaire ;
- ce refus méconnaît également l'article L. 131-10 du code de l'éducation qui prévoit que le contrôle a lieu notamment au domicile des parents ;
- l'article II.3.3.a de la circulaire précitée prévoit qu'en cas d'impossibilité avérée pour la famille de se déplacer, le lieu de contrôle ne peut leur être imposé ;
- le délai entre deux contrôles était insuffisant pour prendre connaissance du résultat de la première évaluation en méconnaissance du II.3-4 de la circulaire ;
- il est fondé à demander l'indemnisation de son préjudice moral, à hauteur de 1 000 euros, au regard de l'abus de pouvoir et du harcèlement de l'administration, laquelle a porté atteinte aux droits et devoirs parentaux ;
- il est également fondé à demander l'indemnisation du préjudice subi par ses enfants, qui n'ont pu être évalués pour l'année 2017/2018, à hauteur de 1 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande n'était pas recevable en première instance dès lors qu'elle vise, à titre principal, au prononcé d'une injonction à l'encontre de l'administration et ne conteste aucune décision précise ;
- les conclusions nouvelles en appel tendant à l'annulation de décisions des 20 et 24 avril 2017 ainsi que d'une décision implicite qui serait née le 31 mai 2017 sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires, qui n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable, sont également irrecevables ;
- l'article L. 131-10 du code de l'éducation laisse une marge d'appréciation à l'administration pour déterminer le lieu du contrôle ;
- le requérant ne saurait se prévaloir de ce que le délai entre la notification et la date du contrôle aurait été inférieur à un mois dès lors qu'il s'agissait d'un report.
Par une décision n° 2017/023254 du 11 janvier 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a accordé à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II - Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse du 27 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 20 et 24 avril 2017 de l'inspection académique du Gers ainsi que la décision implicite de rejet née le 31 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'inspection académique d'organiser un nouveau contrôle pédagogique au domicile des époux D... ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice causé à ses enfants, en sa qualité de représentant légal.
Elle soutient que :
- sa requête était recevable dès lors qu'elle entendait contester avec son époux les multiples refus opposés par l'administration à leurs demandes de changement de lieu de rendez-vous pour procéder à l'évaluation scolaire de leurs enfants, notamment par lettre et par courriel du 15 mai 2017 ;
- elle a produit les courriers de refus de l'administration et la preuve de leur réclamation du 15 mai 2017 ;
- ce refus est contraire à l'article II.3.3.b de la circulaire interministérielle n° 2017-056 du 10 avril 2017 relative à l'instruction dans la famille ;
- la convocation intervenue le 10 mai 2017 pour un rendez-vous le 31 mai 2017 ne respecte notamment pas le délai minimal d'un mois prévu par cette circulaire ;
- ce refus méconnaît également l'article L. 131-10 du code de l'éducation qui prévoit que le contrôle a lieu notamment au domicile des parents ;
- l'article II.3.3.a de la circulaire précitée prévoit qu'en cas d'impossibilité avérée pour la famille de se déplacer, le lieu de contrôle ne peut leur être imposé ;
- le délai entre deux contrôles était insuffisant pour prendre connaissance du résultat de la première évaluation en méconnaissance du II.3-4 de la circulaire ;
- elle est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice moral, à hauteur de 1 000 euros, au regard de l'abus de pouvoir et du harcèlement de l'administration, laquelle a porté atteinte aux droits et devoirs parentaux ;
- elle est également fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi par ses enfants, qui n'ont pu être évalués pour l'année 2017/2018, à hauteur de 1 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande n'était pas recevable en première instance dès lors qu'elle vise, à titre principal, au prononcé d'une injonction à l'encontre de l'administration et ne conteste aucune décision précise ;
- les conclusions nouvelles en appel tendant à l'annulation de décisions des 20 et 24 avril 2017 ainsi que d'une décision implicite qui serait née le 31 mai 2017 sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires, qui n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable, sont également irrecevables ;
- l'article L. 131-10 du code de l'éducation laisse une marge d'appréciation à l'administration pour déterminer le lieu du contrôle ;
- la requérante ne saurait se prévaloir de ce que le délai entre la notification et la date du contrôle aurait été inférieur à un mois dès lors qu'il s'agissait d'un report.
Par une décision n° 2017/023260 du 11 janvier 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 15 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
au 27 juin 2019 à 12 heures.
Par deux lettres du 24 octobre 2019, la cour a, en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, invité les requérants à confirmer le maintien de leurs conclusions.
Par une lettre du 25 octobre 2019, Mme D... a indiqué expressément maintenir ses conclusions.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., avocat, représentant M. D... et de Me F..., avocat, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et son épouse ont déclaré, le 30 août 2016, à la direction académique des services de l'éducation nationale du Gers qu'ils procéderaient à l'instruction de leurs quatre enfants en âge scolaire à leur domicile pour l'année scolaire 2016/2017. Par une lettre du 6 avril 2017, la directrice académique des services de l'éducation nationale les a informés que le contrôle pédagogique de l'enseignement dispensé aurait lieu le 9 mai 2017 dans les locaux de la mairie de la commune de Lamazère, où ils résident. Les intéressés ont, par lettre du 21 avril 2017, indiqué qu'ils refusaient que ce contrôle ait lieu en dehors de leur domicile. A l'issue de divers échanges, l'administration ayant maintenu sa position, l'inspectrice académique a finalement signalé au procureur de la République, le 8 juin 2017, le refus des époux D... de se soumettre à ce contrôle pédagogique obligatoire. M. et Mme D... relèvent, chacun en ce qui le concerne, appel de l'ordonnance du 27 octobre 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête conjointe et tendant notamment à ce qu'il soit ordonné à l'inspection académique du Gers de procéder à l'évaluation de leurs enfants à leur domicile et à l'indemnisation de leurs préjudices propres ainsi que des préjudices de leurs enfants causés par le comportement de l'administration.
Sur la jonction :
2. Les deux affaires susvisées, bien que présentées distinctement en appel par les deux parents, ont strictement le même objet, contestent la même ordonnance et reposent sur les mêmes moyens. Il y a lieu, par suite et dans les circonstances de l'espèce, de les joindre et d'y statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative: " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Et aux termes de l'article L. 911-1 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
4. En premier lieu, en dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières du code de justice administrative, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'adresser des injonctions à l'administration. Il suit de là que les conclusions de la requête de M. et Mme D... tendant, à titre principal, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à l'évaluation de leurs enfants à leur domicile n'étaient pas recevables.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à la suite de la lettre adressée par le tribunal aux demandeurs le 5 juillet 2017, tendant à ce qu'ils produisent la décision attaquée et leur indiquant qu'à défaut leur requête pourrait être regardée comme manifestement irrecevable et rejetée par voie d'ordonnance, M. et Mme D... n'ont pas régularisé cette requête dans le délai imparti, en se bornant, par un courriel du 13 juillet 2017, à indiquer qu'ils " n'avaient pas de décision précise ". Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions rappelées au point 3 que le président du tribunal administratif a considéré que, faute pour les intéressés de préciser et de produire la (ou les) décision(s) qu'ils entendaient contester, leur requête était manifestement irrecevable au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
6. Si, en appel, M. et Mme D... sollicitent l'annulation des " décisions des 20 et 24 avril 2017 de l'inspection académique du Gers ainsi que la décision implicite de rejet du 31 mai 2017 ", de telles conclusions, présentées pour la première fois devant le juge d'appel, sont irrecevables, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions que les intéressés présentent à fin d'injonction et, en toute hypothèse, celles qu'ils présentent à fin d'indemnisation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement des frais que M. D..., qui a au demeurant bénéficié de l'aide juridictionnelle totale et n'a pas répondu à une demande de confirmation de sa requête présentée par le greffe sur le fondement de l'article R.612-5-1 du code de justice administrative, demande sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. C... D... et de Mme E... D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme E... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. C... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01279, 18BX01423