Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 9 mai 2017 par laquelle la directrice du site de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) des Trois-Ilets, dépendant du centre hospitalier des Trois-Ilets, lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 16 mai 2017 et d'enjoindre à l'EHPAD des Trois-Ilets de le réintégrer dans ses fonctions.
Par un jugement n° 1700252 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 9 mai 2017 du directeur du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets et a enjoint à l'établissement de réintégrer M. D... à la date de son éviction.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février 2018 et le
25 octobre 2019, le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets, représenté par la SCP d'avocats Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du
12 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... le paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les faits relevés à l'encontre de M. D... relevaient de l'insuffisance professionnelle et non de fautes à caractère disciplinaire ;
- ainsi, l'intéressé a commis plusieurs manquements à son obligation d'obéissance hiérarchique en mettant en place un système de récupération horaire indue ou en organisant des remplacements sans en référer à la direction, et en travaillant à distance en méconnaissance de ses obligations ; il ne s'agit pas d'inaptitude ou d'incapacité professionnelles ;
- l'intéressé a également fait preuve d'un manquement à ses obligations de diligence et de loyauté en ne signalant pas les faits de maltraitance qui lui avaient été rapportés par une infirmière stagiaire, le 21 décembre 2016 ;
- il a également fait preuve d'un grave manquement à ses obligations de discrétion professionnelle, en diffusant sur la messagerie WhatsApp(r) le signalement qu'il avait reçu sur la messagerie sécurisée de l'établissement, ainsi révélé notamment aux agents mis en cause, ce qui a mis la direction dans l'obligation de déplacer l'infirmière stagiaire pour la protéger ;
- aucune prescription ne saurait être retenue à l'égard des faits en cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, M. D..., représenté par Me B... H..., conclut au rejet de la requête, à ce que soit supprimée la phrase " surtout si elle est incarnée par une femme " dans la requête d'appel du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets et à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier - EHPAD le paiement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les faits reprochés ne sont pas fondés et sont travestis par rapport à la réalité ;
- l'établissement a manqué à ses obligations de sécurité et de santé à son égard ;
- aucune insuffisance professionnelle ne saurait, par ailleurs, lui être reprochée ; certains faits sont prescrits ;
- il ne saurait lui être reproché d'avoir proféré des propos misogynes et les allégations du centre hospitalier sont diffamatoires.
Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 9 mai 2020, après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Weigel, avocat, représentant le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets.
Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 15 mai 2020 pour le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un signalement de mauvais traitements infligés à des résidents de l'EHPAD des Trois-Ilets, dépendant du centre hospitalier du même nom, une mission d'inspection a été diligentée par l'agence régionale de santé de la Martinique et s'est déroulée le 28 décembre 2016. Après la transmission à l'établissement du rapport d'inspection, le
5 janvier 2017, le directeur par intérim du centre hospitalier a décidé, le 10 janvier 2017, de prononcer la suspension de M. D..., cadre de santé de l'EHPAD, pour une durée de
quatre mois à compter du 16 janvier 2017, dans l'attente de l'issue de la procédure disciplinaire engagée. Après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline le 28 avril 2017, la directrice de l'établissement a, par une décision du 9 mai 2017, infligé à M. D... la sanction d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an avec effet au 16 mai 2017. Le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et a enjoint à l'établissement de réintégrer M. D... dans ses fonctions à la date de son éviction.
Sur la légalité de la décision du 9 mai 2017 :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". L'article 81 de la loi du 9 juillet 1986 susvisée dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) troisième groupe : La rétrogradation (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ". Aux termes, par ailleurs, de l'article 88 de cette même loi: " Hormis le cas d'abandon de poste et le cas prévu à l'article 62, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire (...) ".
3. Pour prononcer la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de M. D... pour une durée d'un an, la directrice du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets s'est fondée sur un déficit de management en tant que cadre de santé à l'EHPAD incompatible avec l'accomplissement des missions attendues dans un établissement médico-social, sur un manquement à l'obligation d'obéissance à la hiérarchie en refusant de se conformer aux instructions et règles relatives à sa fonction d'encadrement, un manquement à l'obligation de diligence et de loyauté et un manquement à l'obligation de réserve, sans au demeurant mentionner aucun fait se rattachant à ces griefs.
4. Si, par des lettres du 6 décembre 2012, du 14 janvier 2015 et du 15 février 2016, le directeur du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets a rappelé à M. D... un certain nombre de règles à respecter en matière de récupérations des heures supplémentaires, de remplacement des absences et d'organisation de la permanence des cadres, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ne se serait pas conformé aux instructions ainsi données par le chef d'établissement de nature à révéler un refus d'obéissance hiérarchique. Par ailleurs, si la mission d'inspection de l'ARS a mis en évidence, en fin d'année 2016, des faits révélant un défaut de protection et de soins de certains résidents, prenant la forme de poses de contention sans prescription médicale et de comportements indélicats et humiliants émanant d'agents exerçant sous l'autorité de M. D..., les inspecteurs ont ainsi souligné un " déficit de management des équipes par le cadre de santé " et non des manquements fautifs de l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions. De plus, comme l'ont relevé les premiers juges, les différents faits relevés par l'établissement au soutien de son rapport préalable devant le conseil de discipline concernant la gestion des plannings, la répartition et la planification des tâches, l'adaptation de l'organisation aux absences non programmées, la gestion des conflits, le respect du secret professionnel ou les rapports avec la hiérarchie se rattachent à de l'insuffisance professionnelle et ne sont pas de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'intéressé à ses obligations d'obéissance hiérarchique.
5. Par ailleurs, si l'établissement a reproché à M. D... un manquement à ses obligations de diligence et de loyauté à l'occasion du signalement effectué, par un courriel du
21 décembre 2016, par une infirmière stagiaire de faits de mauvais traitements subis par des résidents, il ressort des pièces du dossier que ce signalement a été porté à la connaissance de
M. D... le 21 décembre à 10h55, qu'il a en a référé le jour même aux médecins de la structure avec lesquels il a été convenu de " mettre ne place des mesures correctives en réunions pluridisciplinaires afin d'analyser ces comportements inadaptés ". Il en a également informé, le même jour, le cadre chargé de le suppléer pendant son absence, programmée à compter du
22 décembre 2016 en vue d'une opération qu'il devait subir le lendemain, alors que les deux médecins responsables du service étaient déjà mis en copie du signalement opéré par l'infirmière stagiaire, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir cherché à masquer la réalité des évènements. Ainsi, le manquement invoqué n'apparaît pas établi au regard des pièces du dossier.
6. Enfin, si l'établissement a également reproché à M. D... un manquement à l'obligation de réserve au motif que le courriel de l'infirmière ayant dénoncé ces faits aurait été communiqué aux agents du service mis en cause, il ne ressort pas avec certitude des pièces du dossier que M. D... aurait été à l'origine de cette transmission, de sorte que ce manquement ne pouvait servir de fondement à la décision contestée.
7. Dans ces conditions, les griefs reprochés à M. D... n'étant pas, à la seule lecture des pièces du dossier, de nature à caractériser des fautes ou des manquements répétés à ses obligations professionnelles, soit parce qu'ils ne sont pas établis, soit parce qu'ils relèveraient d'insuffisance professionnelle dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement, le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du
9 mai 2017 infligeant à M. D... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée d'un an et lui a enjoint de réintégrer l'intéressé à la date de son éviction illégale.
Sur la demande présentée au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
8. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " (...) Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) ".
9. Si M. D... sollicite que soient supprimés de la requête d'appel une partie des écrits en défense du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets, les termes reprochés ne dépassent pas les limites de la controverse contentieuse.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D... les frais que le centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets la somme que M. D... demande sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier - EHPAD des Trois-Ilets et à
M. F... D....
Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme G... I..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
M. Thierry E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2020.
La présidente,
Brigitte I...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00785