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08/06/2020 | FRANCE | N°18BX01528

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 18BX01528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pharmacie mahoraise a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 31 août 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme A... F....

Par un jugement n° 1600764 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Mayotte a annulé cette décision et a enjoint à l'administration du travail de Mayotte de délivrer à la société Pharmacie mahoraise l'autorisation de licencier Mme A... F... pour motif disc

iplinaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pharmacie mahoraise a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 31 août 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme A... F....

Par un jugement n° 1600764 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Mayotte a annulé cette décision et a enjoint à l'administration du travail de Mayotte de délivrer à la société Pharmacie mahoraise l'autorisation de licencier Mme A... F... pour motif disciplinaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, Mme A... F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 9 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande de la société Pharmacie mahoraise présentée devant le tribunal administratif de Mayotte ;

3°) de mettre à la charge de la société Pharmacie mahoraise la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis en l'absence de vérification de caisse en fin de journée. Il est fréquent de devoir enregistrer des articles manuellement en cas de changement de code barre ou de code barre illisible. L'attestation produite est peu crédible ;

- le procédé de surveillance est illégal en l'absence d'information préalable des salariés. L'information dispensée ne précisait pas que cela permettait de contrôler l'activité des salariés et les représentants du personnel n'ont pas été consultés. Un dispositif de surveillance constante ne peut être mis en place sauf pour une finalité sécuritaire. Enfin, les bandes d'enregistrement produites ont été conservées au-delà du délai d'un mois mentionné à l'article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure. Dès lors les enregistrements constituent un mode de preuve illicite.

Par ordonnance du 27 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité intérieure

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... B...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été recrutée par la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Pharmacie mahoraise le 9 décembre 2003 par contrat de travail à durée indéterminée pour exercer les fonctions de caissière. Mme F... a été élue déléguée du personnel le 29 septembre 2014. Après avoir relevé des écarts d'inventaires, la SELAS Pharmacie mahoraise a décidé de procéder au licenciement de Mme F... pour motif disciplinaire. Cependant, l'inspectrice du travail, par une décision du 31 août 2016, a refusé d'autoriser ce licenciement. Mme F... relève appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a, à la demande de la SELAS Pharmacie mahoraise, annulé la décision du 31 août 2016 et a enjoint à l'inspection du travail d'autoriser ce licenciement.

2. Pour annuler cette décision le tribunal administratif de Mayotte a accueilli le moyen tiré du mal fondé du motif du refus d'autorisation de licenciement tiré de l'absence de preuve légale des faits reprochés à Mme F.... Il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à Mme F... d'avoir, dans la période comprise entre le 14 et le 27 juin 2016, commis plusieurs manquements dans la gestion de sa caisse, notamment en saisissant une quantité d'articles inférieure à celle remise au client, en saisissant un produit moins cher que celui réellement remis au client et en s'abstenant de saisir informatiquement des recettes encaissées.

3. Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée (...) ". Aux termes de l'article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure : " Hormis le cas d'une enquête de flagrant délit, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire, les enregistrements sont détruits dans un délai maximum fixé par l'autorisation. Ce délai ne peut excéder un mois (...) ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les manquements ont été établis par le croisement des relevés informatiques de caisse avec les enregistrements vidéos provenant du système de vidéosurveillance installé depuis le 1er décembre 2014. Si Mme F... soutient que ce mode de preuve est illicite au motif que l'installation de ce système n'a pas été précédée d'une information de l'ensemble des salariés et d'une consultation préalable des représentants du personnel, elle n'invoque au soutien de cette allégation la méconnaissance d'aucun texte. En outre, il ressort des pièces du dossiers, et notamment de la note de service du 27 novembre 2015, contresignée par douze salariés sur treize dont la requérante, que les salariés de la pharmacie ont été avisés de la mise en place d'un système de vidéosurveillance, composé de trois caméras au rez-de-chaussée (espace parapharmacie, espace bébé et espace ordonnance) et de deux caméras à l'étage (bureau et réserve) dans le but d'assurer la sécurité de chacun et de prévenir les atteintes aux biens et aux personnes. Les salariés ont ainsi été avisés de l'existence de caméras susceptibles de filmer les caisses situées dans les secteurs énoncés. Si la requérante soutient également qu'un tel système susceptible de filmer en permanence les caissiers portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée protégé par l'article 9 du code civil, cette atteinte ne peut être regardée comme étant disproportionnée eu égard à la finalité du système installé, qui n'est pas la surveillance des caissiers mais la sécurité des personnes et la prévention des atteintes aux biens, et aux garanties apportées par la loi du 6 janvier 1978, notamment en ce qui concerne le délai de conservation des enregistrements. Si la requérante soutient à ce titre que les enregistrements en cause ont été conservés au-delà du délai maximum prévu en méconnaissance de l'article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, ces dispositions prévoient précisément une exception en cas " d'une enquête de flagrant délit, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire ". Or en l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'une plainte pénale a été déposée le 6 juillet 2016, soit dans le délai de conservation de vingt jours prévu dans le courrier adressé la CNIL du 4 décembre 2018. Dès lors, ces enregistrements vidéos ne constituent pas un mode de preuve illicite.

5. D'autre part, Mme F... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Comme indiqué au point précédent, les manquements sont établis par le recoupement de relevés informatiques de caisse avec les enregistrements vidéos. Or Mme F... ne fournit aucune explication pour justifier les discordances relevées. Si elle soutient que les relevés informatiques de caisse ne sont pas probants car ils peuvent être créés à la demande, cette allégation n'est assortie d'aucun commencement de preuve dès lors qu'elle ne produit aucun élément permettant de mettre en doute leur authenticité ni ne fait état d'aucune incohérence à leur sujet. La circonstance, relevée par l'inspectrice du travail, qu'il n'y ait pas de relevé de caisse en fin de journée, est sans incidence sur l'existence des discordances mises en évidence par les recoupements susmentionnés. De même, la circonstance que sa manière de servir n'avait auparavant jamais fait l'objet de critiques est également sans incidence sur l'existence desdites discordances. Enfin, dès lors que le recoupement des relevés informatiques de caisse avec les enregistrements vidéos permet à lui seul d'établir les manquements reprochés à Mme F..., la circonstance que l'attestation produite par la SELAS Pharmacie mahoraise ne serait pas valide est également sans incidence sur l'exactitude matérielle des faits reprochés. Par suite, l'exactitude matérielle des faits reprochés à Mme F... doit être regardée comme établie.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 31 août 2016 au motif que les faits reprochés n'étaient pas établis.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SELAS Pharmacie mahoraise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à la société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie mahoraise et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. G... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01528
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Délégués du personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : AHAMADA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;18bx01528 ?
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