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20/05/2020 | FRANCE | N°19BX03735

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 19BX03735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... C... a demandé au tribunal administratif E... d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que la décision du 20 février 2019 de la préfète de l'Ariège portant retenue de son passeport contre récépissé.

Par un jugement n° 1901409 du 19 avril 2019, la magistrate désignée du tribunal administ

ratif E... a renvoyé ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour à une formati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... A... C... a demandé au tribunal administratif E... d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que la décision du 20 février 2019 de la préfète de l'Ariège portant retenue de son passeport contre récépissé.

Par un jugement n° 1901409 du 19 avril 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif E... a renvoyé ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour à une formation collégiale et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er octobre 2019 et le 6 février 2020, Mme A... C..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2019 de la magistrate désignée du tribunal administratif E... ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 et la décision du 20 février 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, dès lors qu'il n'est pas justifié du caractère collégial de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que le rapport du médecin instructeur ne lui a jamais été communiqué ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, du 11° de l'article L. 313-11, de l'article L. 311-12 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa fille Nour est atteinte d'une malformation cardiaque vasculaire pour laquelle elle bénéficie d'un protocole de soins jusqu'au 18 janvier 2019 et de trisomie 21 et ne peut être prise en charge au Maroc ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que Nour bénéficie en France d'une scolarisation adaptée, d'un suivi pluridisciplinaire avec une prise en charge éducative et d'un accompagnement socio-éducatif et en psychomotricité et que son frère, Mohamed, est également suivi en raison des troubles de comportement et d'apprentissage ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;

- la décision portant retenue de passeport est illégale dès lors qu'elle n'a pas reçu de récépissé mentionnant le nom et prénom de l'agent ayant retenu le passeport ainsi que les autres mentions obligatoires ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'elle n'est pas fondée.

Par décision du 5 septembre 2019, Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I... A... C..., ressortissante marocaine, est entrée régulièrement en France le 29 septembre 2017, munie d'un visa court séjour, accompagnée de ses deux enfants mineurs, et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de sa fille. Elle a bénéficié à ce titre d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 25 septembre 2018. Toutefois, par l'arrêté litigieux du 12 février 2019, la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination, et lui a ordonné de remettre son passeport aux services de police. Elle relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif E..., après avoir renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre à une formation collégiale, a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2019 et la décision du 20 février 2019 portant retenue de son passeport contre récépissé.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Mme A... C... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision par laquelle la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

3. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de communiquer à l'intéressé le rapport du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

6. Mme A... C... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable du 26 mars au 25 septembre 2018, afin que sa fille Nour B..., atteinte d'une malformation cardiaque vasculaire, puisse subir en France une intervention chirurgicale, laquelle s'est bien déroulée. L'avis du 18 octobre 2018 du collège des médecins de l'Office Français de l'immigration et de l'intégration mentionne que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et enfin que, au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine.

7. Pour contester cette affirmation, Mme A... C... fait valoir que sa fille bénéficie, en raison de son affection cardiaque, d'un protocole de soins jusqu'au 18 janvier 2029. Toutefois, le " protocole de soins " qu'elle produit mentionne qu'à la suite de l'opération, " il existe une légère HTAP à surveiller ", ce que confirment le certificat rédigé le 19 avril 2018 par un médecin du centre de cardiologie pédiatrique de l'hôpital des enfants E..., qui affirme que la santé de l'enfant " nécessite un suivi régulier en raison de la persistance d'une hypertension artérielle pulmonaire modérée et d'une fuite modérée des valves atrio-ventriculaires ", ainsi que le certificat d'un généraliste en date du 6 avril 2019 qui précise que cette surveillance est biannuelle. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce suivi ne pourrait être effectué au Maroc, quand bien même l'opération ne pouvait y être réalisée. Si Mme A... C... fait également valoir que sa fille est atteinte de trisomie 21 ou syndrome de Down et qu'elle bénéficie en France d'une prise en charge adaptée, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette prise en charge ne pourrait lui être offerte au Maroc. A cet égard, la requérante se borne à produire une étude publiée dans " The Pan African medical journal " le 12 octobre 2012, déjà ancienne, relative au diagnostic anténatal de la trisomie 21 au Maroc, qui mentionne le manque de structures d'accueil pour enfants handicapés et le travail de certaines associations. Enfin, si Mme A... C... fait valoir que son fils D... B..., scolarisé en classe de 6ème, souffre de troubles du comportement et d'apprentissage, et produit une attestation d'un psychiatre du 14 mai 2019, elle n'établit pas davantage que ses troubles ne pourraient être pris en charge au Maroc. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'étranger malade, le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

9. Mme A... C... fait état de la présence de ses enfants en France et de la nécessité d'une prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de chacun d'eux. Toutefois, comme il a été dit au point 7, la requérante, qui n'a été autorisée à séjourner en France que le temps de l'opération de chirurgie cardiaque de sa fille et ne justifie d'aucune intégration particulière, n'établit pas qu'une prise en charge ne serait pas accessible au Maroc. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par Mme A... C... de ce que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, Mme A... C..., qui ne fait valoir aucune considération humanitaire et ne justifie pas de motifs exceptionnels n'est pas fondée à se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Enfin, pour les motifs énoncés au point 6, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. Pour les motifs énoncés aux points 7 et 9, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant doivent en tout état de cause être écartés.

Sur la décision portant retenue de passeport :

13. La requérante reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critiques utiles du jugement, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse ne mentionnerait pas les nom et prénom de son auteur et serait disproportionnée. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif E... a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03735 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03735
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;19bx03735 ?
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