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20/02/2020 | FRANCE | N°18BX01105

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 février 2020, 18BX01105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Auto Classic a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2013 ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1503788 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, la SARL Auto Classic, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Auto Classic a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2013 ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1503788 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, la SARL Auto Classic, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2013 ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Elle soutient que :

- le régime de la TVA sur la marge a été remis en cause à tort dès lors qu'elle a revendu en France des biens d'occasion acquis auprès de fournisseurs situés dans un autre État membre qui en leur qualité d'assujetti revendeur lui ont délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre pas qu'elle ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n'étaient pas assujettis revendeurs et qu'ils ne pouvaient appliquer le régime de la marge alors qu'elle avait reconnu qu'ils avaient cette qualité ;

- le fait que la société ICT Di Bignolais ait elle-même acquis ces véhicules auprès de la société GE Capital et Porsche Italia SPA n'est pas de nature à indiquer qu'elle aurait eu connaissance que ses fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujetti revendeur ; le fait que les véhicules aient appartenu par le passé à une société qui a pu récupérer la TVA ne suffit pas à démontrer que les mentions de la facture étaient fausses ; la position de l'administration reviendrait à refuser l'application de la TVA sur la marge à tous les véhicules, puisqu'ils passent toujours par hypothèse par l'importateur national ; le fournisseur GE Capital Servizi Finanziari SPA n'est pas une société de location qui a la possibilité de récupérer la TVA mais une société de crédit dont rien ne démontre qu'elle a pu récupérer la TVA ;

- il n'existe aucune obligation pour le redevable d'effectuer des recherches au-delà de son propre vendeur et de faire une enquête pour remonter jusqu'à l'acquéreur initial ;

- le dirigeant de la société n'a aucun lien avec les sociétés auprès desquelles il a acquis les véhicules ;

- l'amende de 5 %, par voie de conséquence, n'est pas justifiée ;

- le manquement délibéré n'est pas établi dès lors qu'elle a toujours tenu compte des factures de ses fournisseurs qui mentionnaient payer la TVA sur la marge, ce que l'administration a admis lors d'une précédente vérification.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Auto Classic ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée ;

- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Auto Classic, qui exploite un commerce de véhicules d'occasion qu'elle revend après les avoir achetés auprès de sociétés italiennes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portant sur la période du 1er mai 2010 au 30 septembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration lui a, par proposition de rectifications du 6 mars 2014, fait part de son intention de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de lui infliger la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ainsi qu'une amende de 5 % sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du même code. Le vérificateur a notamment remis en cause le régime de taxation sur la marge appliqué par la société sur les ventes en France de quatre véhicules acquis dans un autre pays de l'Union européenne. La SARL Auto Classic relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende qui ont trouvé leur origine dans le contrôle précité.

Sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont (...) soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son État du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'État membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet État prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006. (...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre État membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.

4. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. La SARL Auto Classic a procédé, au cours de la période vérifiée, à l'acquisition et à la revente à des particuliers de quatre véhicules d'occasion en provenance de trois fournisseurs italiens, les sociétés ICT Di Bignolais, Autosalone Antonnini et Porsche Erre Esse Spa, en appliquant le régime de la TVA sur la marge. Ces fournisseurs ont eux-mêmes acquis les véhicules auprès d'une société de location automobile (Locat SPA), de constructeurs automobiles (BMW, Porsche), et d'une société de leasing.

6. Pour établir que la société appelante ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge et que les mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs intercalaires étaient erronées, l'administration fait valoir que la SARL Auto Classic, qui se chargeait de l'immatriculation des véhicules pour le compte de ses clients, détenait les cartes grises et les certificats de conformité européens des véhicules en cause, lesquels révélaient l'identité des premiers propriétaires de sorte qu'elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel, que les véhicules acquis auprès de professionnels de l'automobile en Italie autorisés à déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquitté lors de l'achat des véhicules litigieux constituaient des acquisitions intracommunautaires qui ne pouvaient se voir appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

7. Il résulte de l'instruction que les certificats d'immatriculation des quatre véhicules en cause révélaient qu'ils avaient été immatriculés neufs par un assujetti bénéficiant d'un droit à déduction de la TVA et que si aucun des trois fournisseurs de l'appelante ne lui a fourni les factures émises par les vendeurs italiens, les attestations de vente n'indiquaient ni l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ni les mentions obligatoires du régime appliqué. Dans ces conditions, et alors, de plus, que le gérant de la société appelante assurait lui-même le convoyage depuis l'Italie des véhicules facturés, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe que la SARL Auto Classic, qui ne saurait se retrancher derrière la présomption induite par la mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur les factures de ses fournisseurs, ne pouvait ignorer qu'elle procédait à une application erronée de ce régime de taxation aux opérations litigieuses.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. Il résulte de l'ensemble des circonstances de fait relatées au point 7 que l'administration apporte la preuve de l'absence de bonne foi de la SARL Auto Classic qui, en sa qualité de professionnel de l'achat et de la vente de véhicules d'occasion, ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts aux ventes qu'elle consentait à ses clients. Par suite, l'administration était fondée à appliquer la majoration prévue à l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré.

Sur l'amende prévue par les dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts :

10. Aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " (...) 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne un rappel de droits correspondants assorti d'une amende égale à 5 % du rappel pour lequel le redevable bénéficie d'un droit à déduction (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la SARL Auto Classic aurait dû, lors de l'achat des véhicules auprès de ses fournisseurs italiens, déclarer en France des acquisitions intracommunautaires et soumettre à la taxe l'intégralité du prix de revente des véhicules à ses clients. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende de 5 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1788 A 4 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Auto Classic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Auto Classic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Auto Classic et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 février 2020.

Le rapporteur,

Florence C...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01105
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : AUBERT FRANÇOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-20;18bx01105 ?
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