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04/02/2020 | FRANCE | N°19BX04571

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (juge unique), 04 février 2020, 19BX04571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1902871 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procÃ

©der au réexamen de la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1902871 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de Me D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies par ce jugement dès lors que c'est à tort que le tribunal a fait peser sur l'administration la charge de la preuve de l'évaluation par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des conséquences d'une absence de prise en charge médicale à moyen terme, que Mme B... n'a apporté aucun élément venant contredire l'avis de ce collège.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire et à la condamnation l'Etat, au visa des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser au profit de son conseil la somme de 2 000 euros sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la rétribution de l'Etat prévue en la matière.

Elle soutient que :

- le signataire de la requête ne dispose pas de délégation de signature l'habilitant à introduire une demande de sursis à exécution au nom du préfet ;

- les moyens tendant à la réformation du jugement ne paraissent pas sérieux en l'état de l'instruction et ne sont pas de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées en première instance.

Vu :

- la requête enregistrée sous le n° 19BX04569 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 5 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne née en 1989, est entrée en France de manière irrégulière au mois de septembre 2011. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2018. Par un arrêté du 2 avril 2019 le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Par un jugement du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme B... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de l'intéressée. Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Mme B... a formé une demande d'aide juridictionnelle le 24 janvier 2020. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la fin de non-recevoir opposée :

3. Par un arrêté du 10 novembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné à Mme C..., adjointe au chef de bureau, une délégation à l'effet de signer, en l'absence du chef de bureau, notamment, " l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel, relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Dans ces conditions Mme C... était habilitée à signer la requête aux fins de sursis à l'exécution du jugement contesté du tribunal administratif de Toulouse. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme B... doit être écartée.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

4. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

5. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 avril 2019, le tribunal administratif a considéré qu'il n'était pas établi par les pièces du dossier " que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait évalué les conséquences d'une absence de prise en charge médicale à moyen terme, comme il est prescrit pour les pathologies évolutives, à l'instar de l'hépatite B " et que " cette irrégularité a privé Mme B... d'une garantie et a été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Haute-Garonne au vu de cet avis ".

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". L'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 dispose que les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale " sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine ".

7. En vertu des dispositions citées au point 6, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

8. Il résulte de ce qui précède que le respect, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des orientations générales fixées par cet arrêté ne constitue pas une condition de régularité de l'avis dudit collège susceptible d'être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 avril 2019 était entaché d'une irrégularité, faute pour le collège de médecins d'avoir, conformément à l'arrêté du 5 janvier 2017, évalué les conséquences d'une absence de prise en charge médicale à moyen terme, paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement contesté du tribunal administratif de Toulouse.

9. Par ailleurs, les moyens soulevés par Mme B... tirés de ce que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine, de ce que le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement porteraient une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et, enfin, de ce que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée et méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à confirmer l'annulation de l'arrêté contesté.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au bénéfice du conseil de Mme B... au titre des frais non compris dans les dépens exposés.

DECIDE :

Article 1er : Mme B... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le préfet de la Haute-Garonne contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2019 il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au préfet de la Haute-Garonne et à Mme E... B....

Lu en audience publique le 4 février 2020.

Le président de chambre,

Marianne A...Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 19BX04571
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-04;19bx04571 ?
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