Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. H... E... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à réparer les désordres affectant l'immeuble dont il est propriétaire à Lez, qu'il impute aux travaux de déviation de la route nationale 125.
Par un jugement n° 1405846 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2017 et un mémoire enregistré le 22 mai 2018, M. E... F..., représenté par Me C..., a demandé à la cour d'annuler ce jugement du 21 mars 2017, de condamner l'Etat à réparer les désordres affectant l'immeuble dont il est propriétaire à Lez et d'ordonner une expertise à l'effet de chiffrer le montant des travaux de réparation et, subsidiairement, à l'effet de rechercher les causes des désordres, et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Par des mémoires enregistrés les 23 février et 29 mai 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a conclu au rejet de la requête.
Par un arrêt du 7 février 2019, la cour a ordonné, avant-dire droit, une expertise à l'effet de l'éclairer sur les causes des fissures affectant l'immeuble que possède M. E... F... à Lez, et plus particulièrement sur leur éventuel lien de causalité avec les travaux de la déviation de la RN 125 entre Saint-Béat et Arlos, ainsi que sur le coût des travaux nécessaires pour remédier à ces désordres.
L'expert désigné a remis son rapport le 8 octobre 2019, et les parties ont été invitées à présenter leurs observations.
Par une ordonnance du 22 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 novembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... F... relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande qui tendait à ce que l'Etat soit condamné à réparer les désordres dont est atteint l'immeuble dit " Le Château " qu'il possède à Lez (Haute-Garonne) et qu'il impute aux travaux de déviation de la RN 125, en particulier aux travaux de percement du tunnel de Saint-Béat réalisés, sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat, par un groupement solidaire d'entreprises constitué de la société Guintoli, la société Soletanche Bachy France, la société Soletanche Bachy Tunnels et la société Impresa Pizzarotti et CSPA. Par un arrêt du 7 février 2019, la cour a ordonné, avant-dire droit, une expertise afin de rechercher les causes de ces désordres. Les parties n'ont pas présenté d'observations sur le rapport d'expertise remis le 8 octobre 2019, qui leur a été communiqué.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et les entrepreneurs sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution de travaux publics, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
3. Il résulte de l'instruction que, par une ordonnance du 17 mars 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse avait, sur la demande de l'Etat, désigné un expert aux fins, notamment, de constater l'état de l'immeuble que M. E... F... possède à Lez avant la réalisation des travaux de déviation de la RN 125 entre Saint-Béat et Arlos. M. D..., désigné comme expert, a effectué deux visites les 30 avril 2010 et 24 septembre 2010, au cours desquelles il a pris plusieurs photographies de l'immeuble reconstruit au XVIIIème siècle sur des vestiges antérieurs, dont quatre des façades extérieures. Le requérant fait valoir qu'alors que le rapport de constat, établi antérieurement à la réalisation des travaux, ne mentionne aucunement l'existence de fissures sur les façades extérieures de son immeuble, tant le constat d'huissier établi, à sa demande, le 5 novembre 2013, que le rapport qu'il a demandé à M. G..., ingénieur conseil, établi le 2 juin 2014, relèvent l'existence d'un total de 39 fissures sur ces même façades. Il soutient que l'apparition de ces fissures à la suite de la réalisation, au cours de l'année 2013, des travaux de creusement du tunnel de Saint-Béat, tend à démontrer l'imputabilité des désordres en cause aux travaux. Toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le rapport dont se prévaut le requérant ne s'interroge pas suffisamment sur l'existence d'autres facteurs pouvant être à l'origine de l'apparition de ces fissures. En outre, l'expert désigné par la cour, qui s'est livré à un examen comparatif des fichiers numériques des clichés photographiques annexés au rapport de constat réalisé en 2010 et des clichés photographiques figurant dans l'expertise du 2 juin 2014, relève que 14 des 39 fissures en cause préexistaient à la réalisation des travaux litigieux, et précise qu'il s'agit des fissures les plus larges et que la moindre qualité des clichés photographiques pris en 2010 s'oppose à toute visibilité des fissures fines qui existaient probablement déjà à cette date. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée avant-dire droit par la cour, que les mesures prises, durant les travaux de percement du tunnel, par le capteur B 501, implanté à 320 mètres du premier tir, ont enregistré une vitesse particulaire d'environ 15 fois inférieure aux vitesses préconisées par une circulaire du 23 juillet 1986 aux fins de protéger les immeubles sensibles, de sorte que l'immeuble du requérant, implanté dans l'axe de ce capteur, à 480 mètres du premier tir, a été mécaniquement soumis à des vitesses encore moindres. L'expert en déduit que, eu égard à leur faible intensité, ces vibrations ne peuvent avoir entrainé des désordres de la nature de ceux invoqués, et impute les fissures en cause au vieillissement du bâtiment. M. E... F..., qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la teneur de l'expertise, ne démontre ainsi pas l'existence d'un lien de causalité entre les travaux de percement du tunnel de Saint-Béat et les désordres dont il sollicite la réparation.
4. Il résulte de ce qui précède que M. E... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...). ".
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de M. E... F..., à parts égales, le montant des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 7 033,75 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 8 novembre 2019, sous déduction de l'allocation provisionnelle déjà versée en application de l'ordonnance du président de la cour du 28 février 2019.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. E... F... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les frais de l'expertise ordonnée avant-dire droit par l'arrêt de la cour du 7 février 2019, taxés et liquidés à la somme de 7 033,75 euros, sont mis à parts égales à la charge de l'Etat et de M. E... F..., sous déduction de l'allocation provisionnelle déjà versée en application de l'ordonnance du président de la cour du 28 février 2019.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E... F..., au ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Guintoli, à la société Soletanche Bachy France, à la société Soletanche Bachy Tunnels et à la société Impresa Pizzarotti et CSPA.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre Beuve B...Le président,
Catherine Girault
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX01599