Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 mars 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1702783 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, M. E... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de le munir, dans l'attente, d'un récépissé l'autorisant à séjourner et à travailler en France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- il est entaché d'erreur de fait en ce qu'il justifie de l'ancienneté de son séjour en France et qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par une ordonnance du 1er juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2019.
Un mémoire, enregistré le 2 septembre 2019, a été présenté par le préfet de la Gironde.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ; le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant marocain né le 26 octobre 1974, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 4 décembre 2001. Par une demande en date du 1er octobre 2012, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 août 2013, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. D.... Par un arrêté en date du 24 mars 2017, le préfet de la Gironde a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. D.... Ce dernier relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. En appel comme en première instance, M. D... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où il réside depuis le 4 décembre 2001, où il a acquis au cours de l'année 2009 des parts dans une société de construction et dispose d'une promesse d'embauche dans un secteur d'activité correspondant à ses qualifications et où il est parfaitement intégré. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que pour établir sa présence en France depuis 2001, M. D... ne produit, outre des attestations très peu circonstanciées, au titre de l'année 2002, qu'une ordonnance médicale en date du 26 avril, au titre de l'année 2003, qu'un courrier de l'assurance maladie en date du 13 juin, au titre de l'année 2004, qu'une facture d'un opérateur téléphonique en date du 20 avril, au titre de l'année 2005, qu'un justificatif de soins hospitaliers en date du 23 février, au titre de l'année 2006, qu'un devis de travaux en date du 22 juin et une facture d'achat en date du 19 septembre, au titre de l'année 2007, qu'un devis de travaux en date du 15 mai, un relevé bancaire en date du 17 avril et un courrier daté du 15 avril, au titre de l'année 2008, qu'une pièce médicale en date du 23 décembre et une facture en date du 3 février et, enfin, au titre de l'année 2010, qu'un courrier de l'assurance maladie et des services postaux en date du 29 juin et la preuve de l'ouverture d'un livret A courant juin. Ces documents, qui ne révèlent qu'une présence ponctuelle de l'intéressé par ailleurs titulaire jusqu'au 4 décembre 2019 d'un permis de séjour délivré par les autorités espagnoles, ne permettent pas, par leur nombre et leur nature, d'établir sa résidence habituelle et continue en France pour ces années et, par suite, sur la période alléguée de séjour de dix ans à la date de l'arrêté contesté. En outre, l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière durant la totalité de son séjour. Par ailleurs, M. D..., célibataire et sans charge de famille, n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine même si ces parents sont décédés et qu'il n'a ni frère ni soeur. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. En lui opposant ce refus, le préfet de la Gironde, dont l'arrêté n'est pas entaché d'erreur de fait, n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Les moyens tirés de l'erreur de fait, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés.
4. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
5. D'une part, l'ancienneté du séjour en France ne constitue pas, à elle seule, un motif exceptionnel ou une considération humanitaire justifiant l'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les circonstances alléguées par M. D..., telles qu'exposées au point 3, ne sont pas de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
6. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D... ne justifie pas d'une résidence habituelle de plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Dès lors, le préfet de la Gironde n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02133 5