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06/11/2019 | FRANCE | N°19BX00310

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2019, 19BX00310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1805588 du 3 janvier 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. B..., représenté par Me A...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2019 du magistrat désigné du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1805588 du 3 janvier 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demandeur d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de 72 heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnaît l'article 4 du règlement 604/2013/UE ;

- il n'a bénéficié d'aucune information lors du relevé de ses empreintes ;

- l'article 5 du règlement 604/2013/UE a été méconnu, dès lors que l'entretien individuel n'a pas été mené par une personne qualifiée dans des conditions respectant la confidentialité ;

- en application de l'article 22 du règlement 604/2013/UE, il appartient au préfet de justifier de l'accord explicite des autorités autrichiennes du 30 octobre 2018 ;

- la décision méconnaît les articles 3.2 et 17 du règlement 604/2013 dès lors que le préfet ne s'est pas interrogé sur la question de savoir si elle pouvait bénéficier de la clause dérogatoire, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a été exposé à des difficultés majeures en Autriche dans le cadre de l'accueil qui lui a été réservé par les autorités ;

Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mars 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et fait valoir que :

- l'arrêté portant transfert n'est pas caduc dès lors qu'il a été exécuté ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 24°avril°2019.

Le préfet a produit un mémoire le 23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité afghane, a déposé une demande d'asile le 10 octobre 2018. La consultation des données Eurodac ayant révélé que l'Autriche était responsable du traitement de sa demande, le préfet de la Gironde, par arrêté du 18 décembre 2018, a décidé de remettre l'intéressé aux autorités autrichiennes. M. B... relève appel du jugement du 3 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux, de son insuffisante motivation et de l'absence d'accord explicite des autorités autrichiennes pour son transfert. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... s'est vu remettre le 10 octobre 2018 le guide du demandeur d'asile en France, ainsi que les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", ces documents ayant été traduits en langue pachtou. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait méconnu le droit de l'intéressé à être informé dans une langue qu'il comprend doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

6. Il ressort du " résumé de l'entretien individuel " signé par M. B... le 10 octobre 2018 que cet entretien a été mené ce même jour par un agent de la préfecture de la Gironde, qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013, par le biais d'un interprète en langue pachtou. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien aurait eu lieu dans des conditions ne garantissant pas la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 doit être écarté.

7. En quatrième lieu, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'État français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

8. En cinquième lieu et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

9. Si M. B... soutient qu'il a été " exposé à des difficultés majeures en Autriche dans le cadre de l'accueil qui lui a été réservé par les autorités " et que la décision du préfet serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, il n'apporte aucune précision ni aucun élément au soutien de cette allégation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2019.

La rapporteure,

E...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00310 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00310
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-06;19bx00310 ?
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