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29/10/2019 | FRANCE | N°19BX01928

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 octobre 2019, 19BX01928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1804942 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les

10 mai et 7 août 2019, Mme B... représentée par Me Julien Plouton, avocat, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1804942 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 10 mai et 7 août 2019, Mme B... représentée par Me Julien Plouton, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que contrairement à ce qui est indiqué par l'avis du collège des médecins de l'OFII, elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un accès à des soins dans son pays d'origine ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne peut bénéficier effectivement d'un traitement médical dans son pays d'origine ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale tel que prévu par la CEDH dès lors qu'elle dispose de liens très forts privés et familiaux en France dont son compagnon qui est en situation régulière et dont elle est enceinte, et qu'elle démontre une réelle volonté d'insertion, méconnaissant également l'article L. 313-11 7° ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour l'expose à des traitements inhumains ou dégradants en tant qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine et que son bourreau la tuerait en cas de retour dans son pays ;

- sa situation correspond à des questions humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et de l'article 2 de la CEDH ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures de première instance, dont il joint le mémoire.

Par ordonnance du 12 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 septembre 2019 à midi.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. E... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 21 février 1993, est entrée en France le 18 octobre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juillet 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 décembre 2015. Elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 29 septembre 2016 au 28 septembre 2017. Le 25 juillet 2107, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 22 août 2018, le préfet de la Gironde lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313- 22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Par un avis du 4 mars 2018 le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale pouvant entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contredire cet avis, la requérante produit des certificats médicaux datant de 2015, une évaluation sociale menée en partie par une psychologue, un certificat médical postérieur à l'arrêté litigieux, et soutient qu'en raison de la pauvreté de sa famille elle ne pourrait bénéficier effectivement à un traitement dans son pays d'origine. Les certificats médicaux de 2015 sont anciens et ne se prononcent pas sur les possibilités d'un accès effectif à des soins dans son pays d'origine. De plus, le certificat réalisé par le docteur Leal, médecin généraliste, le 13 septembre 2018, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, se borne à " affirmer que son état de santé nécessite son maintien sur le territoire français pour une durée d'un an ", sans justification ni précision du traitement ou suivi médical dont elle devrait bénéficier. De même, l'attestation du 19 août 2018 de la psychologue, directrice de l'association " ARPEJe " selon laquelle Mme B... souffre d'un syndrome post-traumatique, ne se prononce pas sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un suivi dans son pays d'origine. Enfin, la grossesse dont elle se prévaut est postérieure à l'arrêté attaqué, et ne saurait utilement être invoquée. Dès lors, le préfet la Gironde a pu, sans erreur d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Mme B... se prévaut de ce qu'elle est en concubinage avec un ressortissant de même nationalité en situation régulière sur le sol français, dont elle attend un enfant. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, un enfant issu de cette union serait né et que la relation alléguée serait établie. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier qu'au titre de l'insertion professionnelle qu'elle allègue, Mme B... n'avait conclu que deux contrats à durée déterminée et à temps partiel, lui procurant des revenus faibles. Enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident son père, sa mère et ses cinq frères et soeurs. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée, et n'a donc pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1°et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

7. D'une part, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressée peut prétendre à une autorisation de séjour sur un fondement ne figurant pas dans la demande. D'autre part, il ne ressort pas de sa demande de renouvellement de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que Mme B... aurait formulé une demande subsidiaire sur un autre fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme étant inopérant.

8. En quatrième lieu, Mme B... soutient que le préfet a commis une erreur de fait dans son arrêté litigieux. Toutefois, elle ne précise pas quelle serait cette erreur.

9. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que le refus de séjour opposé méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme est inopérant à l'encontre d'une décision portant refus de séjour qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine. Dès lors, pour ce motif, il doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions accessoires de la requête à fin d'injonction et relatives aux frais d'instance doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. E... A..., président,

Mme C... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

La présidente-assesseure,

Fabienne F...Le président-rapporteur,

Dominique A...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01928
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELAS JULIEN PLOUTON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-29;19bx01928 ?
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