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07/10/2019 | FRANCE | N°19BX01695

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 octobre 2019, 19BX01695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1804650 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019

, Mme A... E... épouse F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1804650 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, Mme A... E... épouse F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 9 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- sa demande, datant du 23 décembre 2016, devait être examinée par le service médical de l'agence régionale de santé (ARS) et non par celui de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- en l'absence de communication des extraits " themis " permettant de s'assurer que, conformément à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, les trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII ont effectivement délibéré, la procédure est irrégulière ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII dont la motivation révèle qu'il ne s'est livré à aucune appréciation propre de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, dans son pays d'origine, elle ne peut bénéficier du suivi psychologique que son état de santé nécessite pour être stabilisé ;

- elle est entachée d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle caractérisée, d'une part, par le fait qu'elle n'a pas fraudé dans le cadre de sa demande d'asile et, d'autre part, par la circonstance qu'elle est bien intégrée en France.

S'agissant de la décision portant fixation du pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, du fait des persécutions subies en raison de son origine caucasienne et de sa conversion aux Témoins de Jéhovah, elle encourt des risques en cas de retour en Russie.

Par une ordonnance du 22 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à 12 h.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'en l'absence de tout nouvel élément produit, il confirme les termes de son mémoire de première instance.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B..., présidente-assesseure,

- et les observations de Me D..., représentant Mme E... épouse F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... épouse F..., ressortissante russe née le 4 janvier 1987, est entrée irrégulièrement en France à la fin de l'année 2013 en compagnie de son époux. Le 24 janvier 2014, elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée, le 17 avril 2015, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le 26 octobre 2015, par la Cour nationale du droit d'asile. Les demandes de réexamen, présentées les 1er décembre 2015 et 8 novembre 2017 ont également été rejetées. Par arrêté du 12 janvier 2016, le préfet de la Gironde a prononcé à l'encontre de l'intéressée une obligation de quitter le territoire français qui n'a pas été exécutée. Après avoir obtenu, le 12 septembre 2016, une autorisation provisoire de séjour en qualité " d'étranger malade ", régulièrement renouvelée jusqu'au 1er avril 2018, Mme F... a sollicité, le 23 décembre 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 9 avril 2018, le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme F... relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".

3. L'arrêté contesté, contenant la décision de refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire obtenue par Mme F... en raison de son état de santé ainsi que la décision de rejet de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée dans le cadre des dispositions de l'article L 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est rédigé de la manière suivante : " d'après l'avis du collège de médecins de l'OFII du 28 septembre 2017, il apparait que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale ; le défaut de prise en charge médicale peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine ; qu'elle ne peut ainsi se voir renouveler son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ". Il s'évince de cette motivation éclairée par les autres éléments du dossier que le préfet de la Gironde s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans chercher à apprécier lui-même la situation de l'intéressée, ainsi que le lui imposent pourtant les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Dès lors, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, Mme F... est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre par le préfet de la Gironde le 9 avril 2018 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas la délivrance à Mme F... d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 mars 2019. Son conseil peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans ces circonstances, et sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1804650 du 17 janvier 2019 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Gironde du 9 avril 2018 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2019.

La présidente assesseure,

Karine B...Le président,

Pierre Larroumec Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX01695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01695
Date de la décision : 07/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-07;19bx01695 ?
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