Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801043 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018, MmeF..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 5 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision portant refus de certificat de résidence est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant refus de certificat de résidence a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Haute-Vienne aurait dû demander l'avis de la commission du titre de séjour en application des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-Algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont privées de base légale, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de certificat de résidence ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation privée et familiale ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme F...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. David Katz a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante algérienne entrée régulièrement en France le 4 avril 2017, sous couvert d'un passeport algérien en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour valable du 4 avril 2017 au 30 septembre 2017 s'est maintenue irrégulièrement à l'issue de la validité de son visa avant de solliciter, le 19 octobre 2017 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " visiteur ". Elle relève appel du jugement du 5 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2018 du préfet de la Haute-Vienne refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour du 19 octobre 2017, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux retrace les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme F...et de son époux. Il mentionne notamment ses attaches familiales en France en précisant la situation respective de son époux et d'elle-même au titre du séjour. Il détaille la filiation, l'âge et le lieu de résidence de chaque membre de sa famille. L'arrêté précise encore les attaches familiales de Mme F...dans son pays d'origine. L'autorité préfectorale constate le montant des ressources mensuelles de son couple au regard des documents qu'elle et son mari lui ont produits. Le préfet ajoute que l'intéressée n'entre dans aucune des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne démontre pas ni même allègue être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne, a contrairement à ce que soutient l'appelante, suffisamment motivé son arrêté et procédé à un examen complet de la situation de MmeF....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Pour justifier de la réalité et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, Mme F...se prévaut de la présence sur le territoire français, d'une part, d'une de ses filles chez laquelle elle vit à Limoges, Mme B...F..., et, d'autre part, d'un de ses fils, M. E...F..., reconnu réfugié par la Cour nationale du droit d'asile et vivant à Guéret. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, dont la présence en France était très récente à la date de l'arrêté contesté, a vécu jusqu'à l'âge de 68 ans en Algérie, pays dans lequel vivent encore quatre de ses enfants et ses petits-enfants. En outre, si la requérante se prévaut de ce que son époux malade a obtenu, par jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 novembre 2018, l'annulation d'un refus de titre de séjour le concernant, avec injonction adressée à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de la situation de ce dernier, ni les faits relatés dans les motifs de ce jugement, ni les deux certificats médicaux produits par la requérante, rédigés par un médecin généraliste et un masseur kinésithérapeute, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent d'établir que la présence de Mme F...serait indispensable aux côtés de son époux. Dans ces conditions, la décision portant refus de certificat de résidence ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6, de l'accord franco-algérien. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) a) les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent (...) un certificat valable un an portant la mention " visiteur " (...). " L'article 9 du même accord stipule que : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titre mentionnés à l'alinéa précédent ".
6. Il résulte de ces stipulations que la délivrance du certificat prévu à l'article 7 de l'accord franco-algérien est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour. Or, Mme F...est entrée sur le territoire français munie seulement d'un visa de court séjour valable du 4 avril 2017 au 30 septembre 2017. Pour ce seul motif, le préfet de la Haute-Vienne pouvait légalement rejeter sa demande de titre de séjour formée sur le fondement de ces stipulations. Il suit de là que les erreurs commises sur ses ressources, à les supposer établies sont sans incidence sur le sens de la décision attaquée. Dès lors, les moyens tirés des erreurs commises dans l'appréciation des faits et des erreurs de droit doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, il ne résulte ni des termes de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet, n'aurait pas apprécié sa situation au regard de l'ensemble des éléments produits au soutien de sa demande, qu'il se serait estimé en situation de compétence liée du fait de l'absence de visa long séjour ou de ressources insuffisantes pour prendre le refus de séjour litigieux et qu'il aurait renoncé à l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour régulariser la situation d'un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour. Le préfet n'a donc pas méconnu l'étendue de sa compétence.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".
9. En sixième lieu, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Limoges au soutien du moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
10. En septième lieu, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent obtenir en France un titre de séjour sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit qu'un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français. Le moyen soulevé par Mme F...tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc inopérant. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne se serait abstenu d'examiner si la situation de la requérante pouvait faire l'objet d'une telle mesure. Pour les motifs énoncés au point 4, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de prendre une mesure de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et celle fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision portant fixation du pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité du refus de certificat de résidence opposé à Mme F...doit être écarté.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement et la décision portant fixation du pays de renvoi seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 5 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. David Katz, premier-conseiller,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.
Le rapporteur,
David KatzLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX04111