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29/07/2019 | FRANCE | N°18BX02490,18BX02801

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2019, 18BX02490,18BX02801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 9 janvier 2018 et du 11 juin 2018 du préfet de l'Ariège portant respectivement, d'une part, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination, et, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n°1800439 du 12 mars 2018, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa deman

de tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018 du préfet de l'Ariège.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 9 janvier 2018 et du 11 juin 2018 du préfet de l'Ariège portant respectivement, d'une part, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination, et, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n°1800439 du 12 mars 2018, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018 du préfet de l'Ariège.

Par un jugement n°1802824 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 11 juin 2018 du préfet de l'Ariège.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 juin 2018 sous le numéro 18BX02490, le préfet de l'Ariège demande à la cour d'annuler ce jugement n°1802824 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 juin 2018.

Il soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale car il apporte la preuve de la notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile le 18 décembre 2017. L'exception d'illégalité de cette décision retenue par le premier juge n'est donc pas fondée.

Par ordonnance du 20 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2018 à midi.

II. Par une requête enregistrée le 18 juillet 2018 sous le numéro 18BX02801, Mme B..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnel provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement n° 1800439 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 12 mars 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège du 9 janvier 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège de reéxaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le jugement attaqué :

- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a omis de viser et statuer sur le moyen soulevé à l'audience tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit dès lors que l'arrêté a été adopté en méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a jamais eu notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 41 et 51 paragraphe 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne en tant qu'elle n'a pas pu être entendue alors que la décision n'a pas été prise concomitamment à un refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée en fait au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît son droit à mener une vie privée et familiale normale tel que prévu par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'elle justifie de sérieux efforts d'intégration, d'attaches familiales sur le territoire français et de la scolarisation de ses enfants ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en raison des persécutions que ses enfants risquent en cas de retour dans leur pays d'origine au regard de leur origine, liées à la condamnation des personnes ayant abusées l'un de ses enfants, du suivi psychologique que ce dernier ne peut avoir dans son pays d'origine, et alors qu'ils sont scolarisés en France.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée en fait au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison des risques d'atteintes à son intégrité physique et à celle de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- il n'a pas méconnu le droit d'être entendu de la requérante ;

- il a motivé son arrêté au regard de la situation personnelle de la requérante ;

- il a examiné la situation personnelle de la requérante ;

- il n'a pas méconnu l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la requérante avait eu notification de la décision de rejet de sa demande d'asile de la Cour nationale du droit d'asile ;

- il n'a pas porté atteinte au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle est arrivée récemment en France, n'a ni attaches ni famille ni travail en France, et que la circonstance qu'elle participe à des activités bénévoles et prennent des cours de français ne suffit pas à démontrer qu'elle a le centre de ses intérêts privés en France ;

- pour les mêmes motifs, il a procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante ;

- il n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que les faits dont elle se prévaut la survenance en Albanie ne sont pas démontrés, ni la circonstance qu'un suivi psychologique de son fils ne serait pas possible en Albanie.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision n'est pas dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est légale ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que la requérante n'établit pas une menace directe et certaine pour sa vie ou sa liberté ou qu'il soit exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays.

Par ordonnance du 13 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à midi.

La demande d'aide juridictionnelle déposée Mme B... a été rejetée par une décision du 28 juin 2018. Le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance du 25 juillet 2018, rejeté le recours formé contre cette décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme D... C... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. E... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 25 mars 1970, est entrée dans l'espace Schengen, selon ses déclarations, le 13 décembre 2016 muni d'un passeport en cours de validité, accompagnée de son mari et de ses trois enfants. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 mai 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre 2017. Par un premier arrêté du 9 janvier 2018, le préfet de l'Ariège, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n°1800439 du 12 mars 2018. Cette mesure n'ayant pas été exécutée, le préfet de l'Ariège, par un second arrêté du 11 juin 2018, l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 1802824 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du 11 juin 2018. Par une requête enregistrée sous le numéro 18BX02490, le préfet de l'Ariège relève appel du jugement du 19 juin 2018 tandis que Mme B..., par une requête enregistrée sous le numéro 18BX02801, relève appel du jugement du 12 mars 2018.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 18BX02490 et 18BX02801 concernent toutes les deux la situation de Mme B.... Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 18BX02801 :

En ce qui concerne la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par décision du 28 juin 2018 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle déposée par Mme B.... Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Si Mme B... soutient que le premier juge aurait omis de viser et de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui aurait été soulevé lors de l'audience, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce moyen aurait effectivement été soulevé en première instance. Par suite, et en tout état de cause, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'omission à statuer ainsi invoquée.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 9 janvier 2018 :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

5. En premier lieu, l'arrêté litigieux mentionne d'une part, les textes sur lesquels se fonde l'obligation de quitter le territoire français, notamment le 6° du I et le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part les circonstances de fait qui en constituent le fondement en indiquant qu'elle est accompagnée de son mari, dans la même situation administrative qu'elle, et de ses enfants mineurs et que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, de sorte qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire national. La mesure d'éloignement est ainsi suffisamment motivée. Par ailleurs, cette motivation révèle que le préfet de l'Ariège a procédé à un examen individuel de sa situation, et ne s'est pas cru lié par les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

7. D'une part, il résulte la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, invoqué par le requérant, s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa violation par l'arrêté attaqué, pris par une autorité d'un Etat membre, est inopérant.

8. D'autre part, l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français au titre de l'asile, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient donc, lors du dépôt de sa demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par conséquent, le droit de l'intéressé d'être entendu implique seulement que l'autorité administrative prenne en compte ces nouveaux éléments, mais n'impose pas à cette dernière, en particulier lorsque, comme en l'espèce, elle fait application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur cette mesure d'éloignement. En l'espèce, il n'est ni établi ni même allégué que, postérieurement au dépôt de sa demande d'asile, Mme B... ait été empêchée de présenter, par écrit ou par oral, des éléments nouveaux. Son droit d'être entendue avant toute mesure d'éloignement n'a donc pas été méconnu.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent (...) " Enfin, aux termes des dispositions du III de l'article R. 723-19 de ce code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques et fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

10. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé des informations de la base de données "Telemofpra " que la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 1er décembre 2017 a été notifiée à l'intéressée le 18 décembre 2017. En application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, et doit être regardée comme la date effective de notification en l'absence de tout élément permettant d'infirmer cette date. Ainsi, le 18 décembre 2017, Mme B... qui avait reçu notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile, ne pouvait plus se prévaloir d'un droit de se maintenir sur le territoire sur le fondement de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

13. Si Mme B... se prévaut de la présence en France de son mari et de ses enfants mineurs, il n'est pas contesté que son mari fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Dès lors, eu égard à la durée du séjour et nonobstant les efforts d'intégration de l'intéressée, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Ariège n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

15. Si Mme B... fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France depuis leur arrivée en décembre 2016, il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas être scolarisés en Albanie où ils ont vécu jusqu'aux âges de 15 et 13 ans. M. et Mme B... faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec leurs enfants dans leur pays d'origine. En outre, la requérante soutient que son benjamin aurait été victime de sévices sexuels ayant donné lieu à une condamnation de leurs auteurs et qu'il fait depuis l'objet d'un suivi psychologique, elle ne produit aucun document démontrant l'existence d'un suivi ainsi que l'impossibilité d'en bénéficier en Albanie. Enfin, si Mme B... soutient que ses enfants encourent un risque de persécutions en Albanie en raison de leurs origines azérie, elle ne produit pas davantage d'éléments au soutien de cette allégation. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

17. En deuxième lieu, l'arrêté vise les articles L. 513-1 à L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale des droits de l'enfant et mentionne la nationalité de Mme B.... D'autre part, l'arrêté fait mention du rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et de ce qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, l'arrêté énonce les considérations de droit et de fait fondant la décision fixant le pays de destination.

18. En troisième lieu, Mme B... se prévaut des risques énoncés au point 15 mais ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. De même s'il ressort des pièces produites que M. et Mme B... ont indiqué avoir été victimes d'un incendie, qui serait d'origine criminelle et lié à la condamnation évoquée auparavant, aucun élément ne permet d'établir la matérialité de ces faits, lesquels remontent au demeurant à 2009 et ne permettent donc, en tout état de cause, pas d'établir l'existence d'un risque actuel en cas de retour en Albanie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 9 janvier 2018. Par voie de conséquences les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

Sur la requête n° 18BX02490 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

20. Pour annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège du 11 juin 2018 portant assignation à résidence de Mme B..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a accueilli l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2018 qui fonde la mesure d'assignation à résidence en retenant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de preuve de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

21. Le préfet de l'Ariège produit pour la première fois en appel le relevé des informations de la base de données "Telemofpra " indiquant que la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 1er décembre 2017 a été notifiée à l'intéressée le 18 décembre 2017. En application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, et doit donc, en l'absence de tout élément contraire, être regardée comme la date effective de notification. Ainsi, Mme B... ne pouvait se prévaloir, à la date de l'obligation de quitter le territoire français, d'un droit de se maintenir sur le territoire sur le fondement de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut donc qu'être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ariège est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a, pour ce motif, accueilli l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour annuler l'arrêté du 11 juin 2018. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 11 juin 2018 :

S'agissant de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français :

23. Dans le cadre de l'exception d'illégalité, Mme B... invoque les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de l'instance concernant l'obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2018. Ces moyens doivent être écartés pour les motifs énoncés aux points 5 à 15 lors de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2018. Par suite, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueillie.

S'agissant des moyens propres à l'assignation de résidence :

24. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

25. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise la convention européenne et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 561-2. Il indique également que Mme B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 9 janvier 2018, avec un délai de départ volontaire de trente jours, qu'elle se maintient illégalement sur le territoire depuis l'expiration de ce délai de départ volontaire, et que l'exécution de ce précédent arrêté demeure une perspective raisonnable. En outre, il mentionne que Mme B... présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustrait à la présente obligation en attente de l'exécution effective de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet, et qu'elle sera hébergée avec son mari et ses trois enfants mineurs, dans un hôtel situé à Pamiers. La circonstance que l'arrêté ne fasse pas mention de la scolarisation de ses enfants et du recours intenté contre l'obligation de quitter le territoire français ne saurait révéler un défaut de motivation. L'arrêté, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est donc suffisamment motivé. En outre, il ressort de cette motivation que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de l'Ariège a procédé à un examen complet de sa situation individuelle.

26. En deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique la décision l'assignant à résidence, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

27. Comme indiqué au point 8, Mme B... a pu présenter ses observations sur l'irrégularité de son séjour et la perspective d'éloignement dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile. Dans ces conditions, l'administration n'avait pas l'obligation de mettre Mme B... à même de présenter des observations spécifiques à la mesure d'assignation à résidence. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

28. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ". Aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie (...) ".

29. Il résulte des dispositions précitées que la remise du formulaire d'information mentionné au point précédent doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Ainsi, cette formalité peut être remplie postérieurement à l'édiction de la décision d'assignation à résidence. Par suite, l'absence d'information telle que prévue aux articles L. 561-2-1 et R. 561-5 précités est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, laquelle s'apprécie à la date de son édiction.

30. En quatrième lieu, si Mme B... soutient que la mesure d'assignation à résidence méconnaît en elle-même l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, cette mesure n'a pas pour effet de séparer la cellule familiale. En outre, l'hôtel où est hébergé la famille de la requérante ainsi que les lieux de scolarisation de ses enfants se trouvent à Pamiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

31. En cinquième lieu, comme indiqué précédemment, la mesure litigieuse n'implique pas la séparation de Mme B... des autres membres de sa famille. Dès lors, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

32. En sixième lieu, la décision d'assignation à résidence n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de fixer le pays où l'intéressée devrait le cas échéant être éloignée. Par suite, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, elle ne peut utilement se prévaloir des risques encourus en cas de retour en Albanie pour soutenir que la mesure d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ariège est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 11 juin 2018.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme B... dans l'instance n° 18BX02801.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... enregistrée sous le n° 18BX02801 est rejeté.

Article 3 : Le jugement n°1802824 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 4 : La demande présentée par Mme G... B... devant le tribunal administratif de Toulouse dans l'instance n° 1802824 est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., au préfet de l'Ariège et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. E... A..., premier-conseiller,

M. Romain Roussel, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne PougetLe greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

12

N° 18BX02490, 18BX02801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02490,18BX02801
Date de la décision : 29/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-29;18bx02490.18bx02801 ?
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