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16/07/2019 | FRANCE | N°19BX01423

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (juge unique), 16 juillet 2019, 19BX01423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2017 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé Mme Hélène Martin commissaire-priseuse judiciaire à la résidence de Fort-de-France, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de sa candidature à l'office de commissaire-priseur à la résidence de Fort-de-France dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de mettre à la char

ge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2017 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé Mme Hélène Martin commissaire-priseuse judiciaire à la résidence de Fort-de-France, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de sa candidature à l'office de commissaire-priseur à la résidence de Fort-de-France dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700183 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté contesté du 31 janvier 2017 à compter du 1er juillet 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de M.D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2019, Mme Martin, représentée par MeB..., qui a fait appel de ce jugement du tribunal administratif de la Martinique par une requête enregistrée sous le n° 19BX01159, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution et de mettre à la charge de M. D...la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'ayant pas respecté le contradictoire à son égard, puisqu'elle a été avisée tardivement de la requête de M.D..., le jugement contesté est irrégulier ;

- la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif était irrecevable à défaut pour l'intéressé, qui est en résidence en Guadeloupe et exerce en Martinique sans y avoir créé un bureau annexe, de démontrer que la décision litigieuse lui fait grief ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est entaché d'erreur de droit ; en effet, si le décret n° 73-541 du 19 juin 1973 dans sa rédaction applicable en l'espèce faisait obstacle à la nomination en tant que commissaire-priseur d'une personne ne remplissant pas les conditions d'aptitude à cette profession, il n'exigeait pas la justification du respect de ces conditions lors du dépôt des candidatures ; la légalité de l'acte de nomination devant s'apprécier à la seule date à laquelle il a été pris, et dès lors qu'elle justifiait, à la date de l'acte contesté, posséder le certificat d'aptitude à la profession de commissaire-priseur, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler sa nomination, sur ce que, à la date d'expiration du délai de dépôt des candidatures, elle ne remplissait pas les conditions d'aptitude générale aux fonctions de commissaire-priseur ;

- contrairement à ce qu'a soutenu M.D..., les consultations réglementaires ont été valablement mises en oeuvre : le procureur général a été régulièrement saisi ; la chambre de discipline a également été saisie ; en tout état de cause, le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, applicable aux procédures en cours, a supprimé l'obligation de la consulter ainsi que l'obligation de consulter la commission de proposition de nomination ;

- le processus de nomination n'étant enfermé dans aucun délai, le moyen tiré de sa durée excessive doit être écarté ;

- les règles de procédure définies par l'article 34 du décret du 19 juin 1973 dans sa rédaction applicable ont été parfaitement respectées ;

- eu égard aux qualités respectives des candidatures en présence, notamment au fait qu'elle s'était engagée à occuper pleinement la fonction de commissaire-priseur judiciaire en résidence à Fort-de-France, la décision de la nommer n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'exécution du jugement entraîne des conséquences difficilement réparables tant pour le fonctionnement du service public de la justice en Martinique que pour la survie de son étude.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au sursis à exécution du jugement attaqué.

Elle soutient que :

- l'exécution de l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2017 entraînerait des conséquences graves et difficilement réparables ;

- la légalité de cet arrêté devant s'apprécier à la date de son édiction, le fait que Mme Martin n'était pas titulaire du certificat d'aptitude au 31 octobre 2014 ne saurait justifier l'annulation prononcée par le tribunal administratif ;

- la procédure prévue par le décret du 19 juin 1973 a été parfaitement suivie : le procureur général a été saisi pour avis ; il a saisi la chambre de discipline ; si cette dernière n'a jamais répondu, le décret du 20 mai 2016 a supprimé sa consultation ainsi que celle de la commission visée à l'article 31 du décret du 19 juin 1973 ;

- l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2019, M.D..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme Martin à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en sa qualité de candidat évincé, il justifie d'un intérêt à demander l'annulation de l'acte de nomination litigieux, d'autant qu'il dispose d'un bureau secondaire en Martinique ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le garde des sceaux, ministre de la justice, était tenu de rejeter la candidature de Mme Martin dès lors qu'elle ne remplissait pas au 31 octobre 2014, date d'expiration du délai de dépôt des candidatures, les conditions générales d'aptitude aux fonctions de commissaire-priseur exigées par l'article 2 du décret du 19 juin 1973 ;

- alors que la saisine, pour avis, de la chambre de discipline de Paris était requise par le décret du 19 juin 1973 dans sa rédaction applicable à la date à laquelle a été lancée la procédure, cette saisine n'a pas été effectuée ; il s'agit d'un vice ayant eu une influence sur la suite de la procédure et sur le choix du candidat, ce qui entraîne l'annulation de l'acte de nomination critiqué ;

- le délai anormalement long du processus de nomination, qui excède le délai raisonnable, n'est pas justifié et ne peut s'expliquer que par la volonté de favoriser la candidature de Mme Martin qui n'a obtenu le certificat d'aptitude que le 15 décembre 2016 ;

- la nomination de Mme Martin ne pouvait être prononcée en dehors de la procédure fixée par les articles 28 à 34 du décret du 19 juin 1973 ;

- le choix de nommer Mme Martin est entaché d'erreur manifeste d'appréciation : il s'explique, en réalité, par la volonté de nommer une personne née en Martinique, au détriment du principe d'égalité, sans prendre en considération l'expérience de M. D...et son installation en Martinique pour exercer les fonctions de commissaire-priseur.

M. D...a produit le 11 juillet 2019 deux mémoires tendant aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Mme Martin a présenté un mémoire qui a été enregistré le 14 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 73-541 du 19 juin 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse ;

- les observations de MeB..., représentant Mme Martin ;

- et les observations de MeC..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. En vertu du second alinéa de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17.

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

3. Pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que, à la date d'expiration du délai de dépôt des candidatures, soit le 31 octobre 2014, Mme Martin ne remplissait pas les conditions d'aptitude générale aux fonctions de commissaire-priseur. Pour contester ce motif d'annulation, Mme Martin fait valoir, d'une part, que le décret du 19 juin 1973 dans sa version applicable au moment du dépôt des candidatures n'exigeait pas la possession, lors de ce dépôt, du certificat d'aptitude à la profession de commissaire-priseur, d'autre part, que la légalité de l'acte de nomination doit s'apprécier à la date à laquelle il a été pris et que précisément elle justifiait, à la date de sa nomination, posséder le certificat d'aptitude à la profession de commissaire-priseur. Ce moyen paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. Les autres moyens invoqués par M. D...à l'encontre de l'arrêté du 31 janvier 2017 en litige ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer l'annulation de cet acte.

4. Eu égard à ce qui précède il y a lieu de faire droit à la demande de Mme Martin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté.

5. Mme Martin n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. D...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D...le versement à Mme Martin de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce que la cour statue sur les appels formés par Mme Martin ainsi que par la garde des sceaux, ministre de la justice, à l'encontre du jugement n° 1700183 du tribunal administratif de la Martinique du 10 janvier 2019 annulant, à compter du 1er juillet 2019, l'arrêté du 31 janvier 2017 nommant Mme Martin commissaire-priseuse judiciaire en résidence à la Martinique, il est sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : M. D...versera la somme de 1 500 euros à Mme Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. D...tendant à la condamnation de Mme Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Hélène Martin, à M. A...D...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Lu en audience publique le 16 juillet 2019.

Le président de chambre,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19BX01423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 19BX01423
Date de la décision : 16/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-03 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Sursis à exécution d'une décision administrative.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Avocat(s) : OVEREED AVOCATS PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-16;19bx01423 ?
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