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02/07/2019 | FRANCE | N°18BX04511

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 02 juillet 2019, 18BX04511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1802723 du 6 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté précité du 2 décembre 2018.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et des pièces, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1802723 du 6 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté précité du 2 décembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et des pièces, enregistrées le 11 janvier 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2018 et de rejeter la demande présentée par M.A....

Il soutient que :

-dans le cadre d'une procédure Dublin, et conformément aux dispositions de l'article 26 du règlement UE n° 604/2013, l'arrêté de transfert ne peut être notifié à l'intéressé qu'après avoir obtenu l'accord explicite ou implicite du pays membre saisi ; en outre, dans le cadre d'une telle procédure, l'arrêté de placement en rétention administrative ne peut être fondé que sur l'arrêté de transfert lui-même, ou bien lorsque l'accord du pays membre n'est pas encore parvenu, sur la demande de reprise en charge transmise à ce dernier ; enfin, cette demande ne peut être effectuée qu'à l'appui du résultat positif Eurodac ;

-en l'espèce, les résultats Eurodac ne sont pas parvenus avant la fin de la retenue, l'interpellation de l'intéressé ayant eu lieu un dimanche ; c'est pour cette raison qu'a été pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire, pour permettre le placement en rétention de l'intéressé dans l'attente du résultat Eurodac permettant ensuite la saisine de l'Etat responsable ; la mesure d'éloignement était d'ailleurs parfaitement motivée en ce sens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, M. A...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

-le préfet s'est livré à un détournement de procédure pour placer en rétention un demandeur d'asile en prenant à son encontre une mesure d'éloignement ;

-la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne vise ni la convention de Genève ni le règlement Dublin ni les articles L. 742 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-en lui faisant obligation de quitter le territoire, le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il était demandeur d'asile ou devait être considéré comme tel en application des articles L. 742 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; aucune mesure d'éloignement ne pouvait donc être prise à son encontre avec renvoi vers son pays d'origine dans l'attente d'une vérification ultérieure, puisque le fait qu'il ait invoqué l'asile devait entraîner automatiquement le bénéfice du statut de demandeur d'asile ;

-la mesure fixant le pays de renvoi est entaché des mêmes illégalités, d'ordre externe et interne ; un demandeur d'asile ne peut être renvoyé vers le pays à l'encontre duquel il sollicite une protection ;

-la décision portant refus d'accorder un délai de départ est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-1-III 1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que d'un défaut de motivation.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. C...de la Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

Considérant ce qui suit :

1.M. LassanaA..., dont le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait valoir que l'identité n'est pas établie, disant être né le 7 juin 1993 et se déclarant de nationalité malienne, a été interpellé le 2 décembre 2018 dépourvu de tout justificatif d'entrée régulière sur le territoire français. Il a déclaré, lors de son audition qui été effectuée le même jour par les agents de la direction interdépartementale de la police aux frontières des Pyrénées-Atlantiques et des Landes, avoir déposé une demande d'asile en Allemagne et avoir transité par l'Italie où ses empreintes ont été relevées. Le même jour, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a édicté à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d'un an et fixation du pays de renvoi. Par un second arrêté du même jour, il l'a placé en rétention administrative pour une durée de 48 heures, " pendant la durée nécessaire à l'organisation de son transfert ". Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2018, qui a annulé le premier de ces deux arrêtés, motif pris de ce que la mesure d'éloignement était entachée d'une erreur de droit.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2018 portant éloignement sans délai vers le pays de destination :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

3. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a, au cours de son audition, indiqué être demandeur d'asile en Allemagne et avoir également transité par l'Italie où ses empreintes ont été relevées et qu'il a présenté un récépissé de demande d'asile délivré par les autorités allemandes, valable jusqu'au 31 décembre 2018. Le préfet fait valoir que M. A...a été interpellé un dimanche, que la véracité de ses déclarations pouvait être mise en doute, que néanmoins, dès le lendemain 3 décembre, il a exercé toutes diligences aux fins de mise en oeuvre de la procédure de transfert vers l'Etat responsable de la demande d'asile de l'intéressé et a ainsi transmis aux autorités allemandes et italiennes une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18.1 b) du règlement n° 604/2013, mais que les autorités allemandes n'ont répondu que le 5 décembre, soit après la fin de la période de rétention, en indiquant que l'Italie était responsable de la demande d'asile, que les autorités de ce dernier Etat n'avaient cependant toujours pas répondu à cette date et que, par ordonnance du 5 décembre, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours. Cependant, nonobstant les circonstances que fait ainsi valoir le préfet, la situation de M. A...n'entrait pas, dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français comme étant entachée d'erreur de droit ainsi, que par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 2 décembre 2018 portant éloignement sans délai de M. A...vers son pays d'origine en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. A...aurait déposé une demande d'aide juridictionnelle au titre de la présente instance. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A...une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04511
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CASAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-02;18bx04511 ?
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