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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX01929

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX01929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Pasteur a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le directeur général de

l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine a refusé de l'autoriser à exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardio-vasculaires en hospitalisation à temps partiel et d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine de lui délivrer

cette autorisation.

Par un jugement n° 1600536 du 18 avril 2017, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Pasteur a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le directeur général de

l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine a refusé de l'autoriser à exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardio-vasculaires en hospitalisation à temps partiel et d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine de lui délivrer cette autorisation.

Par un jugement n° 1600536 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2017 et 26 décembre 2018,

la société anonyme (S.A.) Clinique Pasteur, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine a refusé de l'autoriser à exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardio-vasculaires en hospitalisation à temps partiel ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine de lui délivrer cette autorisation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement de réexaminer sa demande d'autorisation dans le délai de deux mois sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur de droit sur la notion de conversion telle qu'elle résulte de

l'article L. 6122-6 du code de la santé publique ;

- les premiers juges ont méconnu la portée de la motivation en droit à laquelle doit satisfaire la décision litigieuse qui ne saurait se limiter au seul visa de dispositions légales ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'application des objectifs définis par le schéma régional d'organisation des soins ;

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée en droit ;

- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure dès lors que les membres de la commission spécialisée de l'organisation de soins n'ont pas disposé en temps utile des documents nécessaires à leur délibération lors de la séance du 4 décembre 2015 pour apprécier en toute connaissance de cause le bien-fondé de son projet ;

- son projet est compatible avec les objectifs du schéma régional d'organisation des soins, de sorte que le refus d'autorisation est entaché d'une erreur de droit ;

- si les objectifs du schéma régional d'organisation des soins étaient la création en Dordogne d'une implantation de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardiovasculaires en hospitalisation à temps partiel par la seule substitution de capacités d'hospitalisation complète, ces objectifs seraient illégaux au regard des besoins de la population et des articles L. 1434-7, L. 1434-9 et D. 6121-7 du code de la santé publique et priveraient de base légale la décision litigieuse ;

- la décision litigieuse a été prise en l'absence d'examen particulier des circonstances de l'affaire ;

- le directeur général de l'agence régionale de santé s'est mépris sur la notion de conversion telle qu'elle résulte du deuxième alinéa de l'article L. 6122-6 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2018, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Clinique Pasteur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la SA Clinique Pasteur.

Une note en délibéré présentée par la SA Clinique Pasteur a été enregistrée le 14 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Clinique Pasteur, qui exploite la clinique Pasteur située sur le territoire de la commune de Bergerac (Dordogne), exerce une activité de court et moyen séjour pluridisciplinaire d'une capacité de 141 lits et places. Par un arrêté du 7 octobre 2014, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine a ouvert une période de dépôt de demande d'autorisation notamment d'activités de soins de suite et de réadaptation. Dans ce cadre, la SA Clinique Pasteur a déposé une demande visant à obtenir l'autorisation d'exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardiovasculaires en hospitalisation partielle par la création d'une unité de 15 places. Après l'avis favorable rendu le 4 décembre 2015 par la commission spécialisée de l'organisation des soins d'Aquitaine, le directeur général de l'ARS d'Aquitaine a refusé de lui délivrer cette autorisation par une décision du 15 décembre 2015. La SA Clinique Pasteur relève appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a retenu tout d'abord que le schéma régional d'organisation des soins - projet régional de santé Aquitaine 2012-2016 (SROS-PRS) avait pour objectifs s'agissant des soins de suite et de réadaptation, d'une part, une diversification des prises en charge par le développement de l'hospitalisation à temps partiel mais à partir de l'offre existante, d'autre part, la contractualisation de la transformation de lits d'hospitalisation complète en places d'hospitalisation à temps partiel. Il en a ensuite déduit que le directeur général de l'ARS avait pu légalement estimer que le projet de la SA Clinique Pasteur d'une création de 15 places supplémentaires par rapport à l'offre existante n'était pas compatible avec les préconisations du SROS-PRS. La circonstance que la décision litigieuse ait employé, fort maladroitement, le terme non de " transformation " mais de " conversion ", lequel est défini précisément par l'article L. 6122-6 du code de la santé publique, est, pour regrettable qu'elle soit, sans incidence sur sa légalité. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis d'examiner ce moyen qui était inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 6122-40 du code de la santé publique : " La lettre par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé notifie la décision explicite qu'il a prise après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie dans les cas prévus aux articles L. 6122-9, L. 6122-12 et L. 6122-13, comporte la motivation de cette décision et est adressée au demandeur de l'autorisation (...) ".

4. La décision en litige vise notamment, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les articles L. 6122-1 et suivants du code de la santé publique et les articles R. 6122-23 à R. 6122-44 et D. 6122-38 du même code ainsi que l'arrêté du directeur général de l'ARS d'Aquitaine

du 1er mars 2012 fixant le SROS-PRS pour la période 2012 à 2016 et l'arrêté du 14 avril 2015 de cette même autorité relatif au bilan quantifié de l'offre de soins. Par ailleurs, la décision mentionne que si la demande de la clinique répond aux besoins de la population identifiés par le schéma régional d'organisation des soins et son annexe territoriale, elle n'est pas compatible avec les objectifs fixés par ce même schéma, dans son volet " soins de suite et de réadaptation ", qui prévoit que la création de places d'hospitalisation à temps partiel n'est possible sur ce territoire que par transformation de lits d'hospitalisation complète, alors que le projet déposé par la société appelante repose sur la création d'une unité de 15 places d'hospitalisation à temps partiel en sus de l'offre existante dans l'établissement. Ainsi, cette décision comporte dans ses visas et ses motifs, d'une manière suffisamment précise, toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit par suite être écarté.

5. D'autre part, aux termes de l'article D. 1432-50 du code de la santé publique : " (...) Sauf urgence, les membres des différentes formations reçoivent dix jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites. ".

6. En se limitant à se prévaloir de certains commentaires émis sur les besoins et sur l'offre de soins de suite et de réadaptation en cardiologie par des membres de la commission spécialisée de l'organisation des soins lors de sa séance du 4 décembre 2015, la société appelante n'apporte pas d'élément susceptible d'établir que son dossier de demande d'autorisation et le rapport d'instruction remis sur son projet par les services de l'ARS n'auraient pas été communiqués en temps utile aux membres de la commission spécialisée de l'organisation des soins pour que ces derniers puissent rendre un avis en toute connaissance de cause. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit ainsi être écarté. Au reste, la commission s'est prononcée favorablement sur le projet, de sorte qu'à le supposer même établi, le vice de procédure allégué n'aurait pu entacher d'illégalité la décision litigieuse dès lors qu'il n'a pu être susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise et n'a pu priver d'une garantie l'intéressée, laquelle a pu présenter son projet et ses observations au cours de la séance.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu et contrairement à ce que soutient la SA Clinique Pasteur, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision litigieuse, que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier du projet qu'elle a présenté au regard des dispositions légales qui lui étaient applicables.

8. En second lieu et aux termes de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 ; 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma (...). Aux termes de l'article R. 6122-34 du même code : " une décision de refus d'autorisation (...) ne peut être prise que pour l'un ou plusieurs des motifs suivants : (...) 3° Lorsque le projet n'est pas compatible avec les objectifs du schéma d'organisation des soins (...) ".

9. Selon les dispositions du volet hospitalier - Chapitre n° 5 intitulé " soins de suite et de réadaptation " du schéma régional d'organisation des soins - projet régional de santé Aquitaine 2012-2016 (SROS-PRS) : " Points de vigilance : Les alternatives à 1'hospitalisation à temps complet sont peu développées pour certaines pathologies, tant en hospitalisation à temps partiel qu'en soins de ville. Des prises en charge en hospitalisation complète sont ainsi réalisées par manque de structures ou de dispositifs adaptés ". Objectifs généraux et objectifs spécifiques " Parcours de santé " : Objectifs généraux (...) Objectif 1.2. Optimiser le fonctionnement des établissements SSR (...) Développer la prise en charge en hospitalisation à temps partiel pour les patients résidant à proximité des centres. Pour l'hospitalisation complète et dès lors qu'elle est justifiée, favoriser et organiser la prise en charge de patients résidents de territoires faiblement équipés ou non équipés pour ce type de prise en charge. Diversifier la prise en charge à partir de l'offre existante afin de répondre aux besoins des patients nécessitant des soins médicaux techniques spécialisés. Objectif 3 : Développer l'hospitalisation à temps partiel : Développer la prise en charge SSR spécialisés en hospitalisation à temps partiel afin de permettre un maintien à domicile dès lors que l'état du patient et son environnement socio-familial sont compatibles avec ce mode de prise en charge (...). Objectif 3.2: Mise en place d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel dans les SSR spécialisés : chaque établissement concerné devra contractualiser sur la transformation de lits d'hospitalisation complète en places d'hospitalisation à temps partiel (...) ".

10. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il résulte de ces dispositions qu'en ce qui concerne les soins de suite et de réadaptation spécialisés, le SROS-PRS préconise une diversification des prises en charge par le développement de l'hospitalisation à temps partiel mais à partir de l'offre existante, de sorte qu'est recherchée pour les établissements concernés, une transformation de lits d'hospitalisation complète en places d'hospitalisation à temps partiel. La société appelante n'établit pas que ces objectifs ne prendraient pas en compte les besoins de santé de la population par territoire de santé, en se prévalant de la seule circonstance qu'une réévaluation de ces besoins n'aurait été faite pour l'année 2015 qu'" a minima " pour reprendre les termes employés lors de la séance de la commission spécialisée de l'organisation des soins du 4 décembre 2015, dans l'attente de l'établissement d'un nouveau schéma à compter de 2016. Contrairement à ce que soutient également l'appelante, le SROS-PRS n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de méconnaître le pouvoir de décision unilatérale d'autorisation dévolu à l'autorité administrative compétente par les dispositions précitées du code de la santé publique. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du SROS-PRS au regard de ces dispositions et de celles des articles L. 1434-7, L. 1434-9 et D. 6121-7 du même code ne peut donc qu'être écarté.

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SA Clinique Pasteur consiste en une création de 15 nouvelles places de soins de suite et de réadaptation spécialisés dans la prise en charge des affections cardiovasculaires en hospitalisation partielle qui viennent s'ajouter à l'offre existante. Cependant, ainsi qu'il vient d'être dit, le SROS-PRS d'Aquitaine 2012-2016 prévoit que la création de places d'hospitalisation à temps partiel ne peut être admise que par la transformation de lits d'hospitalisation complète à offre de soins constante. Par suite, le directeur de l'ARS a pu, en estimant que le projet de la société appelante n'était pas compatible avec les préconisations du SROS-PRS, légalement refuser de lui délivrer l'autorisation sollicitée.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la circonstance que la décision litigieuse ait maladroitement employé le terme non de " transformation " mais de " conversion ", lequel est défini précisément par l'article L. 6122-6 du code de la santé publique, est, pour regrettable qu'elle soit, sans incidence sur sa légalité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Clinique Pasteur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions d'excès de pouvoir et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la SA Clinique Pasteur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Clinique Pasteur et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise, pour information, à l'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01929
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-07-01-03 Santé publique. Établissements privés de santé. Autorisations de création, d'extension ou d'installation d'équipements matériels lourds. Conditions de fond de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORMIER - BADIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx01929 ?
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