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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX01926

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX01926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Pasteur a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du directeur de l'offre de soins et de l'autonomie de l'agence régionale de santé d'Aquitaine du 23 mai 2014 en tant que cette décision lui interdit d'augmenter sa capacité et en tant que, selon elle, elle instaure un régime contractuel de création d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel propre à la Région Aquitaine.

Par un jugement n° 1403171 du 18 avril 2017, le tribunal administra

tif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Pasteur a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du directeur de l'offre de soins et de l'autonomie de l'agence régionale de santé d'Aquitaine du 23 mai 2014 en tant que cette décision lui interdit d'augmenter sa capacité et en tant que, selon elle, elle instaure un régime contractuel de création d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel propre à la Région Aquitaine.

Par un jugement n° 1403171 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, la société Clinique Pasteur, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du directeur de l'offre de soins et de l'autonomie de l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine du 23 mai 2014 en tant que cette décision lui interdit d'augmenter sa capacité et en tant que, selon elle, elle instaure un régime contractuel de création d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel propre à la Région Aquitaine ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, d'une part, en ce qui concerne la circonstance que les notions " d'extension " et " d'évolution du nombre de journée " ne seraient pas entachées d'erreur de droit et seraient sans incidence sur la légalité de l'acte litigieux, d'autre part, en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de ce que la création d'une activité de soins sous la forme de l'hospitalisation à temps partiel ne relève pas d'un régime de contractualisation mais du régime de l'autorisation unilatérale du directeur général de l'ARS, de sorte que, par la décision litigieuse, le directeur de l'offre de soins et de l'autonomie a institué incompétemment un tel régime juridique de contractualisation ;

- les premiers juges ont méconnu la portée de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique qui n'impose qu'un rapport de compatibilité entre un projet et les objectifs du schéma régional d'organisation des soins (SROS) et non un rapport de conformité ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en appliquant à l'ensemble de la région un objectif qui ne concerne que les départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne ;

- la décision litigieuse portant refus d'augmentation de capacité est entachée d'une erreur de droit en se référant aux notions d'extension et de nombre de journées ;

- l'article R. 6122-32-2 du code de la santé publique permet au titulaire d'une autorisation de présenter lors de la demande de renouvellement de cette autorisation, des modifications répondant aux objectifs du SROS, la création de quinze places supplémentaires répondant à l'objectif de poursuivre la réduction des écarts d'équipements entre les territoires et d'améliorer l'efficience du parcours de soins ;

- la décision litigieuse en tant qu'elle rappelle la nécessité d'une contractualisation présente un caractère décisoire alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la création de lits d'hospitalisation à temps partiel ne puisse se faire que par la transformation de lits d'hospitalisation à temps complet ;

- il résulte en outre de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique que la création d'une activité de soins sous la forme d'une hospitalisation à temps partiel relève du régime de l'autorisation unilatérale du directeur général de l'ARS et non pas d'un régime contractuel ;

- la décision litigieuse est illégale pour avoir été prise en application d'un SROS

lui-même illégal en ce qu'il fixe des objectifs d'évolution du nombre de journées sur le territoire de santé de la Dordogne alors que les dispositions du 3° de l'article D. 6121-7 du code de la santé publique ont été abrogées par l'article 2 du décret n° 2012-192 du 7 février 2012 ;

- le SROS est également illégal en ce que, sur l'objectif 1.1, il prévoit la création d'un établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) à Libourne, en Gironde, par redéploiement d'un service de SSR situé à Cambo-les-Bains dès lors que les besoins de la population ne doivent être appréciés que dans le cadre géographique d'un territoire de santé, et non, comme en l'espèce, au niveau d'une commune voire de deux communes ;

- le SROS, s'il imposait une contractualisation est contraire aux dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique ;

- le projet de création de quinze lits supplémentaires de SSR répond à l'objectif n° 1 du SROS qui est de poursuivre la réduction des inégalités infra-régionales et l'adaptation de l'offre de soins, alors que l'optimisation de l'offre de soins ne concerne que les départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne, et que l'augmentation des besoins de santé du Bergeracois est visible depuis l'année 2009 ;

- le refus litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard

des besoins de la population.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2017, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société clinique Pasteur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Clinique Pasteur.

Une note en délibéré présentée par la SA Clinique Pasteur a été enregistrée

le 15 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Clinique Pasteur, qui exploite la clinique Pasteur située sur le territoire de la commune de Bergerac (Dordogne), est titulaire, par décision du directeur de l'agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine du 31 mai 2010, d'une autorisation d'exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation non spécialisés, d'une durée de validité de cinq ans. Elle a déposé auprès de l'ARS, le 31 mars 2014, un dossier d'évaluation en vue du renouvellement de son autorisation d'activité. Dans son dossier, la société mentionnait le projet de créer quinze places supplémentaires. Par lettre du 23 mai 2014, le directeur général de l'ARS d'Aquitaine a accordé le renouvellement en l'état de l'autorisation pour une nouvelle durée de cinq ans à compter du 31 mai 2015. Dans cette même lettre, l'ARS invitait la SA Clinique Pasteur à l'" informer des suites qui seront données aux remarques suivantes : l'augmentation de capacité est incompatible avec les objectifs d'évolution du nombre de journées sur le territoire de santé de la Dordogne, dès lors, le projet d'extension n'est pas autorisé " et rappelait

que " Ce renouvellement n'autorise aucune augmentation d'activité sur la durée de l'autorisation et que la mise en place d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel doit systématiquement faire l'objet d'une contractualisation engageant la transformation de lits d'hospitalisation à temps complet ". La SA Clinique Pasteur a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 23 mai 2014 en tant que, selon elle, cette décision porte refus de création de quinze places supplémentaires et institue un régime de contractualisation propre à la Région Aquitaine pour la création de secteurs d'hospitalisation à temps partiel. Elle relève appel du jugement

du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a expressément répondu aux moyens soulevés par la SA Clinique Pasteur. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a, après avoir retenu que le projet d'extension de quinze places n'était pas compatible avec les objectifs du schéma régional d'organisation des soins - projet régional de

santé 2012-2016 (SROS-PRS), considéré, au point 8 de son jugement, que l'emploi du terme " d'extension " et la référence à la notion dorénavant dépourvue de portée " d'évolution du nombre de journées " étaient, dans ces circonstances, sans incidence sur la légalité de la décision. Les premiers juges ont également retenu que le simple rappel des objectifs du SROS-PRS, qui prévoient que les lits d'hospitalisation à temps partiel ne peuvent être créés que par transformation de lits à temps complet sans augmentation de l'offre existante, ne présentait aucun caractère décisoire, de sorte que les conclusions dirigées contre ce rappel étaient irrecevables. Ils n'avaient donc pas à répondre aux moyens soulevés à l'appui de telles conclusions. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir été insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Selon l'article L. 6122-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1o Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 ; / 2o Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma (...) ". Aux termes de l'article L. 6122-10 du même code : " Le renouvellement de l'autorisation est subordonné au respect des conditions prévues à l'article L. 6122-2 et L. 6122-5 et aux résultats de l'évaluation appréciés selon des modalités arrêtées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un projet ne peut être autorisé que s'il répond au schéma régional d'organisation des soins. Il en est de même du renouvellement de l'autorisation antérieurement accordée.

4. Aux termes de l'article R. 6122-32-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier justificatif prévu à l'article R. 6122-32 comporte : 1° (...) d) L'indication des objectifs du schéma d'organisation sanitaire auxquels le demandeur entend répondre ainsi que ceux, quantifiés, de l'offre de soins (...) ". Et aux termes de

l'article R. 6122-32-2 de ce code : " (...). Le titulaire de l'autorisation (...) présente les modifications qu'il envisage, pour la période de validité de l'autorisation renouvelée, sur les points suivants : a) Les objectifs mentionnés au d du 1° de l'article R. 6122-32-1 ; b) Les conventions de coopération ou l'appartenance aux réseaux de santé mentionnés au f du 1° du même article ; c) L'état des personnels mentionnés au 2° de cet article ; d) L'organisation des installations, des services ou des équipements matériels lourds mentionnés au b du 3° du même article (...).. À défaut de présentation de ces modifications, le renouvellement est considéré comme étant sollicité à l'identique. (...) Les éléments mentionnés au a et au b ci-dessus (...) tiennent compte : -des dispositions du schéma d'organisation des soins, applicables à l'activité de soins (...).".

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de création de quinze places supplémentaires mentionné par la SA Clinique Pasteur dans son dossier de demande de renouvellement de son autorisation d'exercer l'activité de soins de suite et de réadaptation non spécialisés à hauteur de trente places, n'est pas, contrairement à ce qu'elle soutient, au nombre des modifications prévues par les dispositions précitées, lesquelles sont distinctes des modifications des conditions d'exécution de l'autorisation d'activité de soins prévues par les dispositions du II de l'article D. 6122-38 du code de la santé publique. Dans ses écritures de première instance, communiquées à la SA Clinique Pasteur et auxquelles se réfère le ministre en appel, le directeur général de l'ARS d'Aquitaine s'est prévalu de ce motif, lequel justifiait à lui seul, au 23 mai 2014, le refus litigieux et qu'il convient de substituer au motif erroné tiré de l'incompatibilité du projet avec l'évolution du nombre de journées sur le territoire de santé de la Dordogne, dès lors que cette substitution ne prive pas la SA clinique Pasteur d'une garantie procédurale liée au motif ainsi substitué. Par suite, les moyens tirés des erreurs de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation commises par l'administration doivent être écartés comme inopérants.

6. Au reste, le SROS-PRS dans son chapitre 5 intitulé " Soins de suite

et de réadaptation " prévoit, au titre de son objectif 1 : " poursuivre la réduction des

inégalités infra-régionales et l'adaptation de l'offre aux besoins ", un objectif 1.1 : " poursuivre la réduction des écarts d'équipements entre les territoires " par la création d'un établissement de SSR à Libourne (Gironde) par redéploiement d'un service de SSR situé à Cambo-les-Bains (Navarre-Côte Basque), par l'amélioration de l'offre des territoires déficitaires, par redéploiement des territoires les plus dotés, optimisation de l'offre existante ou transformation d'activité de court séjour, et par l'amélioration de la pertinence du recours à l'hospitalisation pour tous les types de SSR et quel que soit le territoire de résidence des patients et un

objectif 1.2 " optimiser le fonctionnement des établissements SSR ", notamment en diversifiant la prise en charge à partir de l'offre existante. La société appelante n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, que ces dispositions, ni d'ailleurs d'autres dispositions du SROS, fixeraient des objectifs d'évolution du nombre de journées sur le territoire de santé de la Dordogne et méconnaîtraient ainsi les dispositions du 3° de l'article D. 6121-7 du code de la santé publique. Elle n'établit pas plus que le redéploiement envisagé aurait été prévu sur d'autres bases que les territoires de santé alors même que sont identifiées les communes concernées par ce redéploiement. Dès lors, elle n'est pas fondée à exciper, par voie d'exception, de l'illégalité du SROS-PRS. Par ailleurs, les objectifs ci-dessus énoncés visent à réduire les écarts d'équipements entre les territoires par redéploiement, optimisation de l'offre existante ou transformation d'activité de court séjour en diversifiant la prise en charge à partir de l'offre existante, sans que ces modalités soient expressément limitées aux seuls départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne. Dès lors, ainsi que le fait valoir l'administration, le projet de création de quinze lits supplémentaires de soins n'entre pas dans le cadre de ce schéma et, par suite, n'est pas compatible avec les objectifs de ce document.

7. Enfin, la mention par laquelle le directeur général de l'ARS a, après avoir accordé à compter du 31 mai 2015 le renouvellement de l'autorisation détenue par la SA Clinique Pasteur depuis le 31 mai 2010, tenu à " rappeler que ce renouvellement n'autorise aucune augmentation d'activité sur la durée de l'autorisation et que la mise en place d'un secteur d'hospitalisation à temps partiel doit systématiquement faire l'objet d'une contractualisation engageant la transformation de lits d'hospitalisation à temps complet " s'est bornée à rappeler les objectifs du SROS, sans prescrire d'interdiction, ni instaurer un régime de contractualisation. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'annulation de cette mention, qui ne présente aucun caractère décisoire et qui, par suite, ne fait pas grief, sont irrecevables ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Clinique Pasteur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la SA Clinique Pasteur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Clinique Pasteur et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise, pour information, à l'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01926
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-07 Santé publique. Établissements privés de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORMIER - BADIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx01926 ?
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