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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX01002

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX01002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 224 598,09 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1401541 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à Mme C...la somme de 30 201,23 euros, sous déduction de la

provision de 6 000 euros allouée par un jugement du 15 mars 2016.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 224 598,09 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1401541 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à Mme C...la somme de 30 201,23 euros, sous déduction de la provision de 6 000 euros allouée par un jugement du 15 mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2017 et le 4 mai 2018, l'ONIAM représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 janvier 2017 en tant qu'il l'a condamné à verser à MmeC..., la somme de 2 001,23 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, celle de 1 450 euros au titre de l'assistance par tierce personne, une somme excédant 748,37 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne et une somme excédant 1 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

2°) de rejeter les conclusions incidentes de MmeC... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le calcul opéré par les premiers juges apparaît erroné, en tant qu'il n'a pas pris en compte, en ce qui concerne la détermination de la perte de gains professionnels actuels, les indemnités journalières pour affection de longue durée perçues par Mme C...entre le 24 octobre 2011 et le 31 août 2012, soit 5 082 euros, ce qui réduit à néant le montant desdites pertes ;

- le jugement attaqué est également erroné s'agissant du montant des dépenses relatives à l'assistance par une tierce personne, en ce qu'il retient une période de 141 jours et non de 51 jours, soit la période de traitement, ce qui conduit à allouer une somme de 748,37 euros au maximum, sur la base d'un taux horaire de 13 euros ;

- le tribunal n'a, en outre, pas tenu compte de ses propres constatations pour fixer le montant de la réparation du préjudice lié à l'incidence professionnelle ;

- enfin, l'intimée n'établit pas la réalité du préjudice esthétique temporaire auquel elle se réfère.

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2017, MmeC..., représentée par la SELARL Coubris, Courtois et associés, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnisation au paiement de laquelle l'ONIAM a été condamné en première instance soit portée à 71 020,19 euros.

Elle soutient que :

- l'expert et, à sa suite, le tribunal, ont sous-estimé la durée de l'assistance quotidienne qui lui est nécessaire, qui ne saurait être inférieure à trois heures et doit être indemnisée sur le fondement d'un taux horaire de 18 euros pendant 91 jours et, par voie de conséquence, la somme qui doit lui être allouée à ce titre doit être portée à 5 560,19 euros ;

- par ailleurs, la part de 25 % de l'incidence sur sa vie professionnelle du traitement suivi pour combattre le VHC, au titre de la période du 24 octobre 2011 au 31 août 2012, ne correspond pas à la réalité ; ainsi, non seulement, cette incidence s'est poursuivie au-delà du 31 août 2012 mais, de plus, elle explique entièrement son licenciement et son incapacité à travailler ; par conséquent, elle est en droit d'obtenir, au titre de ses pertes de gains professionnels actuels une somme totale de 11 710 euros ; en tout état de cause, si les indemnités journalières doivent être déduites, elles ne peuvent l'être que du montant global de la perte de revenus avant application d'une éventuelle perte de chance ;

- de plus, elle n'est plus apte à exercer des tâches professionnelles impliquant un engagement physique intense, malgré son jeune âge, de sorte que le montant qui doit lui être accordé afin d'indemniser l'incidence professionnelle doit être porté à 30 000 euros ;

- elle a subi un préjudice esthétique temporaire en raison de son amaigrissement durant le traitement et les mois qui ont suivi, ainsi que du fait d'un prurit urticant diffus avec éruption érythémateuse, qui a causé des lésions dues au grattage, poste qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

Par ordonnance du 8 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2018.

Un mémoire présenté pour Mme C...a été enregistré le 18 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée le 20 décembre 2010. Celle-ci a saisi, le 6 février 2012, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de sa contamination, qu'elle impute aux transfusions de produits sanguins réalisées en 1988 et 1989 au cours de la période néonatale. Par lettre du 18 mars 2014, l'ONIAM a présenté une offre d'indemnisation pour un montant total de 15 000 euros. MmeC..., qui a rejeté cette offre, a formé un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux en demandant une expertise et la condamnation de l'ONIAM à lui verser une somme de 15 000 euros à titre provisionnel. Par un jugement du 15 mars 2016, ledit tribunal a reconnu l'origine transfusionnelle de la contamination, a ordonné une expertise pour mesurer l'étendue des préjudices supportés par Mme C...et lui a accordé une provision de 6 000 euros. L'expert désigné par le président du tribunal administratif précité a déposé son rapport le 3 août 2016.

2. Mme C...a ensuite demandé au tribunal précité de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 224 598,09 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C. L'ONIAM demande à la cour la réformation du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme C... la somme de 30 201,23 euros, sous déduction de la provision de 6 000 euros allouée par un jugement du 15 mars 2016, en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C...la somme de 2 001,23 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, celle de 1 450 euros au titre de l'assistance par tierce personne, une somme excédant 748,37 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne et une somme excédant 1 000 euros au titre de l'incidence professionnelle. Par la voie de l'appel incident, Mme C...demande à la cour de porter à la somme de 71 020,19 euros l'indemnisation au paiement de laquelle l'ONIAM a été condamné en première instance.

Sur les conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué :

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels actuels :

3. Mme C...exerçait la profession d'auxiliaire de vie et a été licenciée pour inaptitude physique le 16 octobre 2012. Elle demande l'indemnisation des pertes de revenus qu'elle aurait subies du 24 octobre 2011 jusqu'au 31 décembre 2015. Elle évalue sa perte de revenus à 11 710 euros.

4. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, lesquels ont ainsi implicitement mais nécessairement écarté la date du 31 décembre 2015 revendiquée par l'intéressée comme étant celle de la fin de la période au titre de laquelle l'indemnisation de ce chef de préjudice est demandée, il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport d'expertise, d'une part, que le traitement antiviral mis en oeuvre et ses effets ont fait entièrement obstacle à la poursuite des activités professionnelles de l'intéressée pour la période allant du 24 octobre 2011 au 13 mars 2012 et, d'autre part, que, du fait de l'état antérieur de la victime et du caractère plurifactoriel de l'asthénie dont elle souffre, la contamination n'est entrée que pour 25 % dans son incapacité à continuer d'exercer son activité professionnelle du 14 mars 2012 au 31 août 2012. En outre et comme l'a également jugé à bon droit le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que le licenciement de MmeC..., qui souffrait d'autres pathologies et a repris une activité professionnelle ensuite, résulte directement et certainement de sa contamination par le VHC.

5. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en premier lieu, que les revenus soumis à imposition que Mme C...aurait dû percevoir, au regard de sa moyenne annuelle de revenus de référence, non contestée, de 11 129 euros, peuvent être évalués à la somme totale de 9 543,50 euros au titre de la période du 24 octobre 2011 au 31 août 2012 et, en second lieu, qu'elle n'a effectivement perçu que des revenus soumis à imposition s'élevant à la somme de 4 668,55 euros au titre de la même période. Par voie de conséquence, la perte de revenus imposables s'établit à la somme totale de 4 874,95 euros, indépendamment de l'application du taux de 25 % cité au point précédent. Cependant et comme le soutient l'ONIAM devant la cour, il y a lieu de tenir compte des indemnités journalières versées à l'intéressée entre le 6 novembre 2011 et le 31 août 2012, soit la somme de 5 082 euros. Cette somme excédant la perte de revenus imposables de MmeC..., l'ONIAM est fondé à soutenir, en tout état de cause, qu'aucune indemnisation ne doit être allouée à cette dernière au titre de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'asthénie dont Mme C...reste atteinte réduit ses capacités professionnelles mais n'empêche pas l'exercice d'une activité professionnelle, notamment sédentaire. D'ailleurs et comme l'ont relevé les premiers juges, l'intéressée, qui avait obtenu en 2007 une CAP " petite enfance ", s'est reconvertie comme garde d'enfants à domicile. Cependant, il résulte de l'instruction que cette activité est marquée par une certaine précarité. Mme C...a, du reste, fait l'objet d'un licenciement économique en 2016. Par conséquent et alors que l'expert a reconnu que le reclassement professionnel était imputable pour 25 % à l'hépatite, c'est par une juste évaluation que le tribunal a alloué à l'intimée une somme de 5 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle subie du fait des conséquences de la contamination sur la possibilité d'exercer une activité professionnelle.

En ce qui concerne les dépenses d'assistance par une tierce personne :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme C...a subi un traitement antiviral par bithérapie du 24 octobre 2011 au 13 décembre 2011, soit pendant 51 jours, et, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, que, pour tenir compte des effets invalidants de la bithérapie antivirale et de la décompensation anxio-dépressive ayant suivi l'échec de ce traitement, qui a dû être interrompu, Mme C...a eu besoin d'une aide pour les gestes de la vie courante à raison d'une heure par jour du 24 octobre 2011 jusqu'au 13 mars 2012, soit pendant 141 jours, ainsi que l'a jugé le tribunal. De même, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que Mme C...n'établissait pas que son asthénie ait été telle qu'elle ait dû se faire aider par une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne pendant trois heures par jour et qu'elle ait eu besoin d'une présence passive à ses côtés pendant 21 heures comme elle le prétend.

8. Il y a lieu, par conséquent, d'attribuer à l'intimée au titre de ce chef de préjudice une somme de 2 069,03 euros, déterminée sur la base d'un taux horaire de 13 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés et des jours fériés.

En ce qui concerne le préjudice esthétique temporaire :

9. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, Mme C...n'apporte pas d'éléments suffisants à l'appui de sa demande d'indemnisation d'un préjudice esthétique, alors, au demeurant, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le traitement n'a pas altéré l'apparence physique de l'intéressée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'ONIAM est seulement fondé à demander que la somme que le jugement attaqué l'a condamné à verser à Mme C...soit ramenée à 28 819,03 euros, et, d'autre part, que les conclusions incidentes de cette dernière doivent être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme que demande l'ONIAM au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à Mme C...une somme de 28 819,03 euros, sous déduction de la provision de 6 000 euros allouée par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mars 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de l'ONIAM et de Mme C...relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme B...C..., à l'établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées atlantiques.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01002
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Dons du sang.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx01002 ?
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