Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 1802724 du 6 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées le 11 janvier 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2018.
Il soutient que :
- les résultats Eurodac n'étant pas connus avant la fin de la retenue, prendre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français était le seul moyen en l'espèce de placer l'intéressé en rétention ;
- la procédure de transfert a été mise en oeuvre dès le 3 décembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, M. C... A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- en lui faisant obligation de quitter le territoire français alors qu'il est demandeur d'asile, le préfet a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté en litige ne pouvait être fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est entré régulièrement en France ;
- la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 1° du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et témoigne d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant malien né le 10 mai 1996, a été interpelé le 2 décembre 2018 par la police aux frontières des Pyrénées-Atlantiques et des Landes. Par un arrêté du 2 décembre 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a estimé que le préfet des Pyrénées-Atlantiques avait commis une erreur de droit en prenant à l'encontre de M. A...une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
3. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.
4. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises, mais de celles d'un autre État, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3. En revanche, en application des dispositions précitées de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'État qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français.
5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., interpellé le 2 décembre 2018 en situation irrégulière, a indiqué lors de son audition avoir sollicité l'asile en Italie puis en Allemagne et a présenté un récépissé de demande d'asile délivré par les autorités allemandes, expiré depuis le 24 novembre 2018. Il n'est pas établi, ni même allégué, que la demande d'asile présentée par l'intéressé en Italie ou en Allemagne ait été définitivement rejetée. Au demeurant, il ressort des démarches entreprises par le préfet des Pyrénées-Atlantiques postérieurement à l'arrêté en litige que l'Italie a accepté de reprendre en charge M.A.... Par suite, la situation de M. A...n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français comme étant entachée d'erreur de droit ainsi, que par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 2 décembre 2018.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. A...aurait déposé une demande d'aide juridictionnelle au titre de la présente instance. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à M. A...en application de l' article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. A...une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
No 18BX04510