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12/06/2019 | FRANCE | N°18BX03073

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 18BX03073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...A...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 28 mars 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1700880 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, respecti

vement enregistrés le 1er août 2018 et le 7 janvier 2019, Mme B...D...A...C..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...A...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 28 mars 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1700880 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, respectivement enregistrés le 1er août 2018 et le 7 janvier 2019, Mme B...D...A...C..., représentée par Me Hussein, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 28 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle : le préfet mentionne qu'elle ne justifie d'aucun lien familial et que sa famille a vocation à se reconstituer dans son pays d'origine alors que son père est titulaire d'une carte de résident et que ses frères et soeurs ont la nationalité française et que c'est pour les rejoindre qu'elle est entrée en France et qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle justifie être entrée régulièrement en France en novembre 2016 munie d'un visa court séjour pour rejoindre sa famille, notamment ses parents âgés dont elle s'occupait jusqu'au décès de sa mère ; elle ne s'occupe depuis que de son père pour qui sa présence est indispensable ; elle ne dispose d'aucune attache dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle justifie d'une considération humanitaire particulière dès lors qu'elle a la charge de son père qui ne peut vivre seul en raison de son état de santé ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2019, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête de Mme A...C....

Il fait valoir que :

- les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen, soulevés pour la première fois en appel, sont irrecevables dès lors qu'aucun moyen de légalité externe n'était soulevé en première instance à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- les autres moyens soulevés par Mme A...C...ne sont pas fondés.

Mme A...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2018.

Les parties ont été informées par courrier en date du 22 février 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, moyen de légalité externe, fondé sur une cause juridique distincte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah De Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...A...C..., ressortissante brésilienne née le 26 avril 1976, est entrée en France le 25 novembre 2016 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 25 janvier 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 mars 2017, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme C...A...relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Mme A...C...soutient pour la première fois en appel que le préfet de la Guyane n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et familiale. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Guyane, ce moyen n'est pas irrecevable du seul fait qu'il ne figurait pas dans la demande de première instance dès lors que ce moyen de légalité interne procède de la même cause juridique que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur sa situation personnelle. Dès lors, le préfet de la Guyane n'est pas fondé à soutenir que ce moyen devrait être écarté comme irrecevable en appel.

3. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour refuser à Mme A...C...la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qu'elle avait sollicitée sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Guyane a notamment considéré qu'elle ne justifiait d'aucun lien personnel et familial en France et que sa famille avait vocation à se reconstituer dans son pays d'origine. Or, il ressort des pièces du dossier que plusieurs des membres de la famille de Mme A...C...résidaient alors sur le territoire français, et tout particulièrement son père, titulaire d'une carte de résident d'une validité de dix ans valable jusqu'au 12 octobre 2017 ainsi que ses frères et soeurs tous de nationalité française, éléments que l'intéressée avait portés à la connaissance du préfet. Cette motivation en fait, incomplète et lacunaire de la décision de refus de séjour et, partant, de la mesure d'éloignement, quant à la nature des liens familiaux qu'elle entretient sur le territoire français, révèle que l'autorité préfectorale n'a pas, ainsi qu'il lui incombait pourtant de le faire, procédé à un examen particulier et attentif de sa situation personnelle et familiale. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour encourt l'annulation pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi, lesquelles sont privées de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 28 mars 2017 ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi comprises dans ce même arrêté.

Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...). ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, cette annulation implique néanmoins que le préfet de la Guyane réexamine la situation de Mme A...C...en lui délivrant, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Mme A...C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Hussein, avocat de Mme A...C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hussein de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1700880 du tribunal administratif de la Guyane du 1er mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Guyane du 28 mars 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme A...C...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Hussein une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hussein renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...C...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...A...C..., au ministre de l'Intérieur, au ministre des Outre-mer, au préfet de la Guyane et à Me Hussein.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le premier conseiller,

Paul-André Braud

Le président-rapporteur,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°18BX03073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03073
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : HUSSEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;18bx03073 ?
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