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29/05/2019 | FRANCE | N°18BX04313

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 29 mai 2019, 18BX04313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à créer cinq réserves de substitution et à les remplir par prélèvements sur le bassin du Mignon.

Par un jugement n°1600785 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 24 avril 2015 et a mis à la charge de l'Etat et

de l'association syndicale autorisée des Roches le versement des sommes de 600 euros c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à créer cinq réserves de substitution et à les remplir par prélèvements sur le bassin du Mignon.

Par un jugement n°1600785 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 24 avril 2015 et a mis à la charge de l'Etat et de l'association syndicale autorisée des Roches le versement des sommes de 600 euros chacune à l'association Nature environnement 17.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 4 avril 2019, l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches, représentée par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de mettre à la charge de l'association Nature environnement 17 le versement à son profit d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'avis du commissaire-enquêteur sur le projet est suffisamment motivé dès lors qu'il comporte une appréciation des avantages et inconvénients du projet ainsi que l'indication des raisons qui ont déterminé le sens favorable de l'avis personnel du commissaire enquêteur ; la motivation de l'avis ressort des conclusions mais aussi du rapport dans lequel le commissaire-enquêteur a procédé à un examen minutieux et technique des observations qui lui ont été adressées ; en tout état de cause, un défaut de motivation des conclusions, au regard de l'ensemble du rapport, n'est pas susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision et n'a pas privé les intéressés d'une quelconque garantie ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'étude d'impact n'est pas insuffisante s'agissant des effets du rabattement de la nappe au droit des forages ; il n'a jamais été apporté la moindre preuve technique de ce que d'éventuels à-secs des cours d'eau seraient imputables aux forages de remplissage des réserves ; au contraire, le tribunal a jugé l'inverse dans un jugement du 13 juillet 2017 ; l'étude d'impact comporte de nombreux développements sur ce point, notamment l'étude de modélisation des prélèvements réalisée par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) ; de plus, des échelles limnométriques et des piézomètres ont été prévus pour mesurer tout effet éventuel des prélèvements ; l'administration a d'ailleurs été en capacité de vérifier la pertinence de ces mesures et de fixer un suivi dans les articles 10 et 20 de l'arrêté ; le comité de suivi a au demeurant noté un impact positif sur la nappe en période d'étiage ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu une tromperie sur les volumes antérieurement prélevés en période d'étiage ; elle n'a en rien dissimulé la méthode de calcul ni la période de référence retenue pour le calcul des volumes antérieurement prélevés ; seule peut être retenue la notion de consommation maximale et non celle de consommation moyenne ou médiane, les réserves de substitution ayant pour but de couvrir les besoins agricoles en palliant les aléas météorologiques et de faire face aux étés les plus secs et aux besoins en eau importants ; la période de référence retenue est conforme à l'instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de l'eau des retenues de substitution qui, si elle n'a pas de valeur réglementaire, apparaît dans l'ordonnancement juridique ;

- le tribunal ne pouvait davantage retenir le caractère incomplet de l'étude en ce qui concerne l'évaluation des impacts sur l'état initial de la faune ; au vu du faible intérêt de la faune piscicole constaté dans plusieurs études, l'étude d'impact est suffisamment développée sur ce point ; l'étude d'impact relève au surplus que le projet aura des effets positifs durables pour les peuplements piscicoles ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles 7D3 et 7D4 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire Bretagne et de l'article 8A1 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Sèvre niortaise - Marais poitevin ne pouvaient pas non plus être retenus ; contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement, le tribunal, commettant une erreur de droit, a appliqué le SDAGE 2010-2015 et non le SDAGE 2016-2021 en application duquel les années à prendre en considération sont les années antérieures et non les années immédiatement antérieures ;

- le tribunal ne pouvait retenir l'incompatibilité du projet avec le SDAGE au motif que le volume annuel maximal prélevé excèderait largement le seuil des 80 % dès lors qu'il a commis une erreur d'appréciation sur la méthode de calcul du volume annuel maximal et sur la détermination de la période de référence ; le tribunal ne s'est pas placé à l'échelle du territoire couvert par le SDAGE pour apprécier la compatibilité du projet avec ce schéma ;

- les premiers juges n'ont pas motivé le jugement quant à l'ampleur du dépassement du seuil de 80 %, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le moyen tiré de l'incompatibilité avec le SDAGE pour absence d'amélioration du milieu aquatique est également erroné et le tribunal n'a pas motivé son jugement sur ce point ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le projet ne conduit pas à une augmentation des volumes prélevés incompatible avec le SAGE.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2019 et un mémoire non communiqué enregistré le 10 avril 2019, l'association Nature environnement 17, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle justifie de son intérêt à agir et de l'habilitation de son représentant ;

- la requête n'est pas recevable dès lors que l'association requérante n'a pas pris la peine de démontrer que les moyens qu'elle invoque sont sérieux ; en demandant le sursis à exécution près de cinq mois après le dépôt de sa requête d'appel au fond, l'association ne démontre pas en quoi elle aurait un intérêt distinct à demander le sursis à exécution ;

- les éléments dont se prévaut l'association requérante ne valent pas exposé des raisons d'un avis personnel du commissaire-enquêteur ;

- les forages utilisés pour le remplissage des ouvrages sont tous situés en bordure de cours d'eau et de la zone humide du Marais poitevin classée zone Natura 2000 ; l'étude ne comporte pas de développement sur les rabattements de nappes induits par les prélèvements ; les cours d'eau concernés comportent une faune et une flore potentiellement impactées par les prélèvements et alimentent une zone Natura 2000 et des zones humides ; l'étude d'impact ne traite pas de ces points ; de nombreuses preuves des à-secs provoqués par les prélèvement ont été produites en première instance ; un rapport de constatations établi suite à un contrôle du 17 mars 2017 démontre encore les incidences des prélèvements ; l'étude du BRGM dont se prévaut l'association requérante ne faisait pas partie du dossier de demande et n'a pas été produit en première instance ; au surplus, cette étude ne prend en compte que les prélèvements opérés par l'association des Roches et pas les trois réserves situées à Saint-Pierre-d'Amilly et ne retient que le Mignon et non les cours d'eau locaux ; les conditions de remplissage fixées par l'arrêté ne permet dont pas de prévenir les assèchements des cours d'eau ; le tribunal n'a pas examiné ce moyen mais il s'agit d'un moyen fondé ;

- le tribunal ne s'est pas référé à un calcul erroné pour retenir que l'obligation d'économie d'eau avait été contournée ;

- l'ichtyofaune n'a pas été recensée dans l'étude d'impact comme l'a relevé le tribunal alors que cette faune est présente ; la circonstance que le projet améliorerait la situation des milieux aquatiques l'été n'a aucune incidence sur les lacunes de l'étude d'impact ;

- l'autorisation litigieuse a pour effet d'autoriser les adhérents de l'association syndicale à stocker plus d'eau qu'ils n'en ont consommé depuis 2006 ; le tribunal n'a commis aucune erreur dans l'appréciation des prélèvements de la période de référence ; le SDAGE ne précise pas comment déterminer le volume maximum de l'ouvrage ; il n'y a aucune raison d'exclure les volumes de lestage ; la cour a statué en ce sens par arrêt du 29 décembre 2017 ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- le tribunal s'est bien livré à une analyse globale de la compatibilité du projet avec le SDAGE ;

- l'amélioration du milieu aquatique du fait du projet n'est ni démontrée ni indiscutable ;

- l'absence de compatibilité avec le SAGE a été retenue à bon droit par le tribunal ;

- aucun des moyens invoqués par la requérante ne paraît donc sérieux ;

- en outre, l'association ne démontre pas en quoi les moyens soulevés en première instance et non examinés par le tribunal ne permettraient pas de confirmer la solution d'annulation retenue par le tribunal.

Par ordonnance du 4 avril 2019 la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 avril 2019 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête au fond n° 18BX03146.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- et les observations de MeA..., représentant l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches et de MmeC..., représentant l'association Nature environnement 17.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

2. Par jugement du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par l'association Nature environnement 17, a prononcé l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à créer cinq réserves de substitution et à les remplir par prélèvements sur le bassin du Mignon. L'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches demande, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement.

3. Pour prononcer l'annulation de la décision contestée, les premiers juges ont retenu plusieurs motifs d'annulation de l'arrêté du 24 avril 2015. Les moyens invoqués par l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à l'appui de sa demande de sursis à exécution du jugement et tendant à contester le motif d'annulation, retenu par le tribunal, tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur la ressource en eau, ne paraissent pas sérieux en l'état de l'instruction. Par suite, et alors même que des moyens invoqués par l'association requérante à l'encontre d'autres motifs d'annulation retenus par le tribunal paraissent sérieux, l'association ne peut être regardée comme invoquant des moyens paraissant de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement. L'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches n'est, dès lors, pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches qui n'est pas la partie gagnante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association requérante le versement à l'association Nature environnement 17 d'une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches est rejetée.

Article 2 : L'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches versera à l'association Nature environnement 17 la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches, au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association Nature environnement 17. Copie en sera transmise au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeait Mme Elisabeth Jayat, président de chambre.

, Lu en audience publique le 29 mai 2019.

Le président de la 5ème chambre,,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX043132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 18BX04313
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-06 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-29;18bx04313 ?
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