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28/05/2019 | FRANCE | N°17BX01097

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17BX01097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...C..., Mme F...C...et MM. D...et G...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Saintonge, situé à Saintes, à leur verser une somme de 134 263,85 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des fautes commises par cet établissement dans la prise en charge de Jean-PierreC....

Par un jugement n° 1502319 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Saintonge à verser

Mme I...C..., une somme de 31 809 euros, à Mme F...C...et à MM. D...et G...C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...C..., Mme F...C...et MM. D...et G...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Saintonge, situé à Saintes, à leur verser une somme de 134 263,85 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des fautes commises par cet établissement dans la prise en charge de Jean-PierreC....

Par un jugement n° 1502319 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Saintonge à verser à Mme I...C..., une somme de 31 809 euros, à Mme F...C...et à MM. D...et G...C..., une somme de 3 000 euros chacun et aux ayants droit de Jean-PierreC..., une somme de 3 750 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 avril 2017 et 25 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime (CPAM), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 février 2017 en tant qu'il n'a pas condamné solidairement le centre hospitalier de Saintonge et toute personne responsable, à lui verser une première somme de 197 598,61 euros en remboursement de ses débours et une seconde somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Saintonge et de toute personne déclarée responsable, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires ;

- elle justifie de la réalité et de l'imputabilité de ses débours.

Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2017, Mme I...C..., Mme F...C...et MM. D...et G...C..., représentés par MeB..., concluent à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de Saintonge à verser à Mme I...C..., la somme de 53 013,95 euros, à Mme F...C...et à MM. D...et G...C..., une somme de 5 000 euros chacun et aux ayants droit de Jean-PierreC..., une somme de 6 259 euros.

Ils soutiennent que le centre hospitalier de Saintonge a commis une erreur de diagnostic puis a omis de former le patient et son entourage aux risques d'une insulinothérapie et a commis des erreurs dans ses prescriptions médicamenteuses ; que ces fautes sont les causes exclusives du décès de Jean-Pierre C...et qu'ils justifient de la réalité et du montant de leurs préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2018, le centre hospitalier de Saintonge, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que c'est à juste titre que les premiers juges ont appliqué un taux de perte de chance de 60 %, que leur évaluation des préjudices des intéressés résulte de justes appréciations et que la CPAM ne justifie pas des débours dont elle se prévaut.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.H...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2013, Jean-Pierre C...a été hospitalisé au sein du service de gastro-entérologie du centre hospitalier de Saintonge, à Saintes, pour des douleurs épigastriques. Après la mise en place d'une insulinothérapie, Jean-Pierre C...a regagné son domicile, le 26 février 2013, muni d'une prescription lui permettant de poursuivre son traitement par insulinothérapie avec l'aide d'une infirmière à domicile. Le 4 mars 2013, l'infirmière qui s'est rendue au domicile de Jean-Pierre C...a constaté qu'il était plongé dans un coma profond. Il a alors été transféré au service de réanimation du centre hospitalier de Saintonge où il est décédé le 22 juillet 2013, à l'issue d'un coma hypoglycémique de quatre mois. L'expert nommé par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) a remis son rapport le 20 mars 2014. La caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime (CPAM) et les consorts C...demandent à la cour, d'une part, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 février 2017 en tant qu'il n'a pas statué sur les demandes de la CPAM tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saintonge à lui rembourser ses débours, d'autre part, à la réformation de ce jugement en tant qu'il retient que les fautes commises par cet établissement, avait seulement fait perdre à Jean-Pierre C...une chance d'éviter la survenue d'un coma hypoglycémique, évaluée à 60 %.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la CPAM a produit un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 5 janvier 2017 par lequel elle demandait que le centre hospitalier de Saintonge soit condamné à lui rembourser ses débours, pour un montant de l97 598,61 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion, mais que les premiers juges n'ont pas statué sur ces conclusions et que le jugement attaqué indique, au contraire, que la CPAM n'a pas produit de mémoire à l'instance.

3. Dans ces conditions, la CPAM est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et qu'il doit être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions. Par suite, il y a lieu pour la cour de se prononcer sur celle-ci par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par les consortsC....

Sur les préjudices :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

5. D'autre part, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que le retard pris par le centre hospitalier de Saintonge dans l'établissement du diagnostic correspondant à l'état de Jean-Pierre C...ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec le décès de celui-ci, ainsi que l'ont relevé les premiers juges. En revanche, il n'est plus contesté en appel qu'en omettant de former le patient et son entourage aux risques d'une insulinothérapie puis en lui délivrant des ordonnances prescrivant une augmentation de la posologie prescrite durant son hospitalisation, cet établissement a commis des fautes qui ont " augmenté de façon importante le risque d'hypoglycémie chez un patient qui en présentait déjà ", risque qui s'est réalisé. Toutefois, il résulte également de l'instruction, notamment du rapport de l'expert nommé par la CRCI et de la littérature médicale citée par les parties, d'une part, que les diabètes pancréatiques sont la cause d'hypoglycémies fréquentes, imprédictibles et particulièrement sévères, en particulier au sortir de l'hospitalisation du " sujet inactif dans son lit, abstinent et recevant des repas appropriés " comportant " des risques de séquelles cérébrales ou de décès ", d'autre part que l'état antérieur très dégradé de Jean-PierreC..., dû, en partie, à l'administration au long cours d'un traitement inefficace, n'a pu que contribuer à la survenue du coma hypoglycémique dont il a été victime. Dans ces conditions, la fixation à 60 % de la perte de chance subie par Jean-Pierre C...d'éviter la survenue de ce coma résulte d'une juste appréciation des premiers juges qu'il y a lieu de confirmer.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions des consorts C...tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de Saintonge à les indemniser de l'intégralité de leurs préjudices doivent être rejetées.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction que, par les pièces qu'elle produit, la CPAM, qui ne sollicite le remboursement que des débours qu'elle a exposés à compter de la survenue du coma hypoglycémique dont a été victime Jean-PierreC..., justifie suffisamment de la réalité de ces débours et de leur imputabilité aux fautes commises par le centre hospitalier de Saintonge. Par suite, compte tenu de la fixation à 60 % de la perte de chance subie par Jean-PierreC..., il y a lieu de condamner cet établissement à verser à la CPAM la somme de 118 559,16 euros.

9. En outre, il résulte de ce qui précède que la CPAM est fondée à demander que le centre hospitalier soit condamné à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant a été fixé à la somme de 1 080 euros par l'arrêté du l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent les consorts C...soit mise à la charge du centre hospitalier de Saintonge. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la CPAM.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 février 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la CPAM.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saintonge est condamné à verser à la CPAM une première somme de 118 559,16 euros en remboursement de ses débours ainsi qu'une seconde de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le centre hospitalier de Saintonge versera à la CPAM une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par les consorts C...et le surplus des conclusions présentées par la CPAM sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...C..., à Mme F...C..., à MM. D...et G...C..., au centre hospitalier de Saintonge, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime, et à la Carsat Nord Picardie.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel H...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°17BX01097

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