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21/05/2019 | FRANCE | N°18BX03714

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 21 mai 2019, 18BX03714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1800229 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2018, M.A..., représ

enté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limog...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1800229 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2018, M.A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et que le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser un titre de séjour ;

- l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5 alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant les pays de renvoi doivent être annulées en raison de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 26 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2019 à 12 heures.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à l'entrée, au séjour et à l'emploi des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., né le 9 novembre 1999, de nationalité algérienne, est entré en France le 14 août 2015 muni d'un visa de court séjour pour rejoindre son père, titulaire d'une carte de résident, ainsi que sa mère et plusieurs membres de sa fratrie. Par un arrêté du 30 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation. M. A...relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " peut être délivré " au ressortissant algérien, qui n'entre dans aucune des catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est régulièrement entré en France alors qu'il était âgé de 15 ans, que l'ensemble de sa famille, à l'exception d'un de ses frères, y réside également et que son père, titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, subvient à ses besoins. En outre, il a été scolarisé dès son entrée sur le territoire national et était inscrit, à la date de l'arrêté litigieux, en deuxième année du certificat d'aptitude professionnelle de " vendeur conducteur routier marchandises ". Dans ces conditions, eu égard à la présence en France de la plupart des membres de sa famille, à l'intensité des liens qu'il entretient avec eux ainsi qu'à son investissement dans ses études, M. A...est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté le 30 novembre 2017 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien.

4. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer un titre de séjour à M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, le versement d'une somme de 1 200 euros à Me D...au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juin 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 30 novembre 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer un certificat de résidence algérien à M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Me D...de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Vienne et à MeD....

Délibéré après l'audience du 17 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel C...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No18BX03714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03714
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-21;18bx03714 ?
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