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21/05/2019 | FRANCE | N°18BX03562

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 21 mai 2019, 18BX03562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble, la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que l'arrêté du 22 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa remise aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1604771, 1604859 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du pr

fet de la Haute-Garonne du 22 septembre 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble, la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que l'arrêté du 22 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa remise aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1604771, 1604859 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 septembre 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2018 ainsi que des mémoires enregistrés les 22 décembre 2018 et 9 janvier 2019, M.E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et contre la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble, la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- les décisions en litige méconnaissent les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme D...C...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 juillet 2011, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par M.E..., ressortissant kosovar né le 8 février 1992 à Suharekë (Kosovo). A la suite de son mariage avec une ressortissante portugaise, celui-ci s'est toutefois vu délivrer un titre de séjour valable jusqu'au 29 septembre 2015 en sa qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne. Par un arrêté du 28 juillet 2016, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de M. E...tendant au renouvellement de ce titre de séjour puis a implicitement rejeté son recours gracieux. Par un second arrêté du 22 septembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé sa remise aux autorités portugaises. M. E...demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 juillet 2018, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2016 et de la décision de rejet de son recours gracieux.

2. Par une décision du 29 novembre 2018, M. E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

3. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux du 28 juillet 2016 serait insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, M. E...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2°(...) ". En application des dispositions de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé au 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Enfin, l'article R. 121-4 de ce code précise que : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. (...) La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. ". Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. E...a cessé ses études, qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle et qu'à la date de l'arrêté litigieux, elle ne percevait d'autres revenus que les allocations que lui versait la caisse d'allocations familiales pour un montant total de 533, 62 euros. Celle-ci ne pouvait en conséquence être regardée comme disposant de ressources suffisantes pour elle et les membres de sa famille au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'épouse du requérant ne remplissait pas les conditions alternatives posées soit par le 1° soit par le 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que les décisions en litige, qui, contrairement à ce qu'il soutient, n'ajoutent pas à la loi, ont méconnu les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. M. E...fait valoir qu'il a régulièrement travaillé en France, à titre principal ou accessoire, de juillet 2014 à août 2016 et qu'il est le père d'un enfant né en France le 24 octobre 2013 de son union avec une ressortissante portugaise qui réside en France depuis son enfance et dont les parents résident également sur le territoire national. Il soutient également résider à titre habituel sur le territoire national depuis 2010. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que l'épouse de M. E...ne satisfait à aucune des conditions auxquelles est subordonné le droit au séjour en France d'un citoyen de l'Union européenne pour une durée supérieure à trois mois. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer hors de France, en particulier au Portugal, dès lors, notamment, que l'épouse de M. E...n'exerce aucune activité professionnelle et que leur enfant n'était âgé que de 2 ans à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, M. E...n'est pas fondé à soutenir que les décisions litigieuses auraient porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elles auraient été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elles n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2016 et de la décision de rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. E...tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel F...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No18BX03562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03562
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-21;18bx03562 ?
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