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21/05/2019 | FRANCE | N°18BX02214

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 21 mai 2019, 18BX02214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet née le 24 juillet 2017 du silence gardé par le préfet du Lot sur sa demande de titre de séjour, ensemble l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704079, 1704801 du 20 mars 2018, le tribun

al administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet née le 24 juillet 2017 du silence gardé par le préfet du Lot sur sa demande de titre de séjour, ensemble l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704079, 1704801 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2018, Mme D...représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet du Lot du 14 septembre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D...soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de séjour n'a pas été préalablement saisie ainsi que le prescrivent les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au bénéfice du regroupement familial sur place ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par une ordonnance du 29 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 27 août 2018 à midi.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante marocaine née le 1er décembre 1973, est entrée en France le 18 mars 2015 munie d'un visa Schengen de court séjour. Le 24 mars 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Cette demande a été implicitement rejetée puis, par un arrêté du 14 septembre 2017, le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D...relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté litigieux pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 4 septembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Lot a donné à M. Marc Makhlouf, secrétaire général de la préfecture, délégation de signature à l'effet de signer tous actes, décisions et arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de la réquisition du comptable et de la force armée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus de titre de séjour et fixation du pays de renvoi et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans apporter aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée ni critiquer utilement la réponse qui a été faite par les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a épousé le 16 avril 2015 un compatriote résidant régulièrement en France depuis 1968 et titulaire d'une carte de résident. Si elle établit, sans être utilement contestée, résider depuis leur union avec son époux, la vie commune était encore relativement récente à la date de l'arrêté litigieux. Par ailleurs, Mme D...se prévaut de ce que son époux, atteint d'un diabète de type 2 insulino-traité et d'hypertension artérielle, nécessite son aide quotidienne et de ce qu'elle prend également soin du fils de ce dernier, handicapé, placé sous tutelle et qui vit avec eux. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux du Dr A...en date des 5 et 16 avril 2018, au demeurant postérieurs à l'arrêté contesté, se bornant à faire état de ce que M. D... et son fils présentent un état de santé nécessitant la présence d'une tierce personne, qu'elle seule pourrait leur apporter l'aide nécessitée par leur état de santé ou que ceux-ci ne pourraient bénéficier des aides et allocations susceptibles de leur permettre de rémunérer une tierce personne les assistant dans les actes de la vie quotidienne. En outre, si l'appelante se prévaut également de la présence régulière en France de sa soeur, de son beau-frère, de ses neveux et nièces ainsi que de la famille de son beau-frère, elle ne justifie ni de l'intensité des relations qu'elle entretient avec eux ni de son insertion dans la société française en se bornant à faite état de son inscription à des cours de français et de l'existence de relations amicales. Enfin, elle ne justifie pas davantage être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans. Dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent de sa présence en France, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle sans pouvoir utilement se prévaloir à cet égard, au demeurant sans l'établir, qu'elle remplissait, à la date de sa demande, les conditions permettant une admission au séjour au titre du regroupement familial.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3./(...). ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

7. Dès lors que, comme il a été dit au point 5, l'appelante ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.

9. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que le préfet du Lot n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5, Mme D...n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Lot du 14 septembre 2017. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Lot.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

M.Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel E...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

18BX02214 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02214
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT LAURENT BELOU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-21;18bx02214 ?
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