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17/04/2019 | FRANCE | N°18BX03195

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX03195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Lot lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n°1801308 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Lot de procéder au réexamen de la

situation de Mme C...dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Lot lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n°1801308 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Lot de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2018, le préfet du Lot demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse 24 juillet 2018 et de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision portant refus de titre de séjour : la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est régulière dès lors que les médecins qui y siègent ont été régulièrement désignés et que le médecin qui a établi le rapport médical concernant Mme C...n'y a pas siégé ; la mention du nom du médecin rapporteur n'est pas un élément de procédure devant figurer sur l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- les autres moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2018, MmeC..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête du préfet du Lot, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Lot de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII est incomplet, faute de préciser la durée prévisible des soins nécessités par son état de santé ;

- cet avis n'a pas été édicté conformément aux orientations générales énoncées par l'article 3 et par le C de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 ; en outre, l'autorité préfectorale n'a manifestement fondé sa décision sur aucun des sites officiels énumérés dans cette annexe ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit : le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : l'autorité préfectorale ne justifie pas son refus par l'amélioration de son état de santé ou du système sanitaire arménien mais en raison du changement de l'instance habilitée à se prononcer sur son état de santé ; de plus, une prise en charge médicale ne pourrait être assurée de manière adéquate en Arménie en raison notamment de la circonstance qu'elle y a subi un traumatisme à la suite du décès de son fils ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : ses seules attaches familiales se trouvent en France où résident sa mère, titulaire d'un titre de séjour, sa fille et son beau-fils, tous deux bénéficiaires du statut de réfugié, et ses quatre petits-enfants ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors que la décision attaquée a pour conséquence d'interrompre brutalement la prise en charge spécialisée et psychologique dont elle bénéficie depuis plusieurs années et l'éloignerait de sa fille ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard aux moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ;

- elle ne peut faire l'objet d'une telle décision dès lors qu'elle peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 14 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2018.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D...épouseC..., ressortissante arménienne née le 1er juillet 1962, est entrée irrégulièrement en France le 30 octobre 2015, selon ses déclarations, afin d'y solliciter le bénéfice de l'asile. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 septembre 2016. Le 17 octobre 2016, elle s'est vu délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle a sollicité le renouvellement le 22 août 2017. Par un arrêté du 23 février 2018, le préfet du Lot a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Lot de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai d'un mois. Le préfet du Lot relève appel de ce jugement.

Sur l'appel du préfet du Lot :

2. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".

4. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...). / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

6. Il ressort des pièces versées pour la première fois en appel par le préfet du Lot, en particulier de l'attestation établie le 2 août 2018 par le médecin coordonateur de la zone sud-ouest de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que le rapport médical sur l'état de santé de Mme C...prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin le 22 septembre 2017, pour être soumis au collège de médecins. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, qui avaient été désignés pour participer aux collèges de médecins de l'Office par décision du directeur général de l'Office en date du 17 janvier 2017, s'est réuni le 22 octobre 2017 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet du Lot. Il suit de là que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé, pour annuler la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, sur le motif tiré de ce que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'était pas établi que le médecin auteur du rapport médical n'avait pas siégé au sein du collège.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeC....

Sur la légalité de l'arrêté du 23 février 2018 :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, la décision attaquée vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne de manière circonstanciée le parcours de Mme C..., les démarches entreprises en vue de son admission au séjour, notamment le rejet définitif de sa demande d'asile par la CNDA et la délivrance d'un premier titre de séjour en raison de son état de santé ainsi que sa situation personnelle et familiale, en particulier la présence en France de son époux de même nationalité. Elle précise également que le collège de médecins de l'OFII a, par un avis du 22 octobre 2017, considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Cette décision indique que, compte tenu de son état de santé, Mme C...ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'intéressée n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du même code. Elle précise en outre que Mme C... et son époux se sont vu refuser le séjour et font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, mentionne que l'intéressée n'établit pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans, ni qu'elle serait dans l'impossibilité d'y reconstituer sa cellule familiale avec son époux de sorte qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette décision indique enfin qu'au vu des éléments de sa situation, l'intéressée ne présente pas de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, le préfet du Lot a suffisamment motivé la décision attaquée, en droit comme en fait.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). / L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'OFII ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre. / Les conditions de transmission du certificat médical, telles que prévue dans l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du CESEDA sont assurées dans le respect du secret médical, qui implique que les agents des services préfectoraux ne puissent pas accéder à une information médicale couverte par ce secret. / Ces agents ne peuvent faire état d'informations médicales concernant un étranger que celui-ci a, de lui-même, communiquées, que dans le cadre d'une procédure contentieuse. ". L'article 3 de cet arrêté dispose : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ".

10. D'une part, il résulte tant d'une lecture combinée des dispositions précitées de l'arrêté du 5 janvier 2017 et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, cité au point 5 de présent arrêt, que des exigences propres au secret médical auquel sont soumis les médecins de l'OFII, et qui font obstacle, comme le rappelle l'arrêté du 5 janvier 2017, à ce que l'avis communiqué au préfet comporte des informations couvertes par le secret médical, que l'avis émis par le collège des médecins de l'Office n'avait pas à détailler les motifs pour lesquels il a considéré que l'offre de soins était suffisante pour estimer que Mme C... avait la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

11. D'autre part, si l'intéressée se prévaut de la méconnaissance de l'annexe II de ce même arrêté du 5 janvier 2017 intitulé " outils d'aide à la décision et références documentaires sur les principales pathologies ", cette annexe a pour seul objet de recenser des outils susceptibles d'être utilisés pour émettre l'avis sollicité. Il résulte des propres termes de cette annexe que ces outils " peuvent être mobilisés " et qu'ainsi leur utilisation demeure une simple faculté. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cette annexe est inopérant.

12. Enfin, la circonstance que l'avis du collège de médecin de l'OFII ne fasse pas mention de la durée prévisible pendant laquelle le traitement nécessité par l'état de santé de Mme C...doit être poursuivi est sans incidence sur la régularité de cet avis dès lors qu'une telle indication n'est requise que si le collège de médecins estime que le demandeur ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

13. En troisième lieu, il ressort des termes même de la décision litigieuse que le préfet du Lot ne s'est pas cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme C...le renouvellement du titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet du Lot s'est notamment fondé sur l'avis émis le 22 octobre 2017 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, elle pouvait néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, Mme C...produit divers certificats médicaux indiquant qu'elle est atteinte d'une maladie périodique ainsi que d'un syndrome anxieux et dépressif pour lesquels elle bénéficie d'une prise en charge médicamenteuse. Ces documents, qui ne se prononcent pas sur la disponibilité des traitements nécessités par l'état de santé de l'intéressée dans son pays d'origine, ne sont toutefois pas de nature à contredire utilement l'avis du collège de médecins de l'OFII. Enfin, Mme C...ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le médecin de l'agence régionale de santé avait précédemment émis un avis favorable qui lui avait permis de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressée, le préfet du Lot n'a pas méconnu ces dernières dispositions. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de l'intéressée.

15. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

16. Mme C...se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 2015 et de la présence à ses côtés de son époux, de sa fille majeure et de son gendre, tous deux bénéficiaires du statut de réfugié ainsi que de sa mère, titulaire d'une carte de séjour temporaire. Toutefois, MmeC..., qui n'a d'abord été temporairement admise au séjour que dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, laquelle a été définitivement rejetée par la CNDA le 16 septembre 2016, puis qui a été titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en raison de son état de santé, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales en Arménie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans et où rien ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue. Dans ces circonstances, et eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été édictée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

18. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 13 à 15 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de ce que Mme C...ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle peut se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, doivent être écartés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Lot est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du 23 février 2018 par lequel il a refusé de renouveler le titre de séjour de MmeC..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai d'un mois.

Sur les conclusions présentées par Mme C...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1801308 du 24 juillet 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Lot.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le premier-conseiller,

Paul-André Braud

Le président-rapporteur,

Marianne B...

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°18BX03195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03195
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx03195 ?
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