Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1801432 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 3 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 29 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation dans un délai à fixer par la cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 à verser à son conseil au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit tirée du défaut d'examen gracieux de sa demande ;
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu aux conclusions et moyens invoqués à l'encontre de la décision abrogeant le récépissé délivré le 23 avril 2018 ;
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas tenté d'obtenir frauduleusement un titre de séjour et qu'elle est intégrée dans la société française ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet de la Vienne ne s'est pas prononcé sur la possibilité de lui délivrer un titre de séjour à titre gracieux ;
- le préfet de la Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du délai de départ volontaire :
- le préfet a méconnu le droit d'être entendu reconnu par l'Union européenne et notamment par sa jurisprudence, faute de lui permettre de faire valoir ses observations avant la notification de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- le préfet a méconnu le droit d'être entendu reconnu par l'Union européenne et notamment par sa jurisprudence à l'encontre de cette décision ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision abrogeant le récépissé délivré le 23 avril 2018 :
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- il est renvoyé aux développements relatifs au refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme D...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante camerounaise née le 7 septembre 1984, est entrée en France le 5 décembre 2014 sous couvert d'un visa " conjoint de scientifique " puis a bénéficié d'un titre de séjour " conjoint de scientifique " valable du 5 février au 30 septembre 2015. Mme C...a sollicité le 24 septembre 2015 le renouvellement de ce titre de séjour mais n'a pu joindre d'attestation de communauté de vie. Mme C...a alors sollicité le 23 juin 2016 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " dont l'instruction n'a pu aboutir en l'absence de réponse de son employeur. L'intéressée a ensuite sollicité le 23 octobre 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Vienne a pris un arrêté le 29 mai 2018 portant refus de délivrance du titre sollicité, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et abrogation du récépissé de demande de titre de séjour. Mme C...relève appel du jugement du 3 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérante, le tribunal a répondu aux points 4, 5 et 6 du jugement au moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'inexactitude matérielle des faits. Dès lors, le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer à ce titre.
3. En deuxième lieu, si les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance des titres de séjour n'imposent pas au préfet, sauf disposition spéciale contraire, de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonné le droit d'obtenir ce titre, la faculté pour le préfet de prendre, à titre gracieux et exceptionnel, une mesure favorable à l'intéressé pour régulariser sa situation relève de son pouvoir d'appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Ainsi, en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre. Il peut donc à ce titre soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Mme C...soutient que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen gracieux de sa demande par le préfet. Eu égard au raisonnement exposé au point précédent, Mme C...doit nécessairement être regardée comme invoquant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Or le jugement attaqué a répondu à ce moyen au point 5. Par suite, l'omission à statuer alléguée manque en fait.
5. En troisième lieu, Mme C...soutient que le tribunal a omis de statuer sur les moyens invoqués dirigés contre l'abrogation de son récépissé de demande de titre de séjour comprise dans l'arrêté du 29 mai 2018. Il ressort des écritures de première instance de Mme C...que le seul moyen invoqué à l'encontre de cette décision est l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français fondant cette abrogation. Or, en indiquant au point 16 de son jugement, après avoir écarté les moyens invoqués tant à l'encontre du refus de titre de séjour que de l'obligation de quitter le territoire français, qu'il " résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de la Vienne a abrogé son récépissé ", le tribunal administratif a statué sur ce moyen. Dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité à ce titre.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, Mme C...soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de fait en indiquant qu'elle a tenté d'obtenir frauduleusement un titre de séjour " conjoint de scientifique " en 2015 alors qu'elle était déjà séparée de son époux. Cependant, si Mme C...soutient que la rupture de la vie commune est imputable à son mari et non à elle, il n'est pas contesté qu'il n'y avait plus de communauté de vie à la date de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Or, elle n'établit pas avoir fait état de la rupture de la vie commune au soutien de sa demande de renouvellement, laquelle a été révélée par le courrier de son mari du 11 septembre 2015 adressé au préfet et par l'absence de production d'une attestation de communauté de vie. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux n'est entaché à ce titre d'aucune erreur de fait.
7. En deuxième lieu, la requérante soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une autre erreur de fait en indiquant que son insertion dans la société française n'est pas démontrée. Si la requérante produit des attestations pour établir son insertion, elle n'établit ni même n'allègue ne les avoir jointes à sa demande de titre de séjour, laquelle précise uniquement qu'elle s'exprime en français et qu'elle suit des études supérieures à l'université de Poitiers. Dans ces circonstances, en indiquant que Mme C...ne démontrait pas son insertion dans la société française, l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune erreur de fait.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. Il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui est sans charge de famille, ne fait état d'aucune attache familiale en France alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident ses cinq frères. Dans ces conditions, la circonstance qu'elle vit en France depuis décembre 2014 où elle suit avec assiduité des études, comme en attestent les pièces versées au dossier, et la production d'une promesse d'embauche datée du 24 décembre 2015, ne permettent pas d'établir que le refus de titre de séjour litigieux porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été édicté. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Le moyen tiré de ce que le préfet de la Vienne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation doit être écarté pour les mêmes motifs.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont prises concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
11. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme C...en se prévalant d'une espérance légitime à voir son droit au séjour renouvelé, le droit de l'intéressée d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre celle-ci à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 9.
13. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne garantissant le droit d'être entendu et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent respectivement être écartés pour les motifs énoncés aux points 10, 11 et 9.
15. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
Sur la légalité de l'abrogation du récépissé de demande de titre de séjour :
16. Mme C...a entendu reprendre à l'encontre de cette décision l'ensemble des moyens soulevés contre les autres décisions comprises dans l'arrêté du 29 mai 2018. Il résulte de ce qui précède que ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
17. Par ailleurs, il résulte également de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision abrogeant le récépissé de demande de titre de séjour en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2018 du préfet de la Vienne. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président- assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2018.
Le rapporteur,
Paul-André A...Le président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03702