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22/03/2019 | FRANCE | N°18BX02337

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 mars 2019, 18BX02337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...veuve D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 juillet 2017 portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800045 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, Mme C...veuveD..., représent

ée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2018 du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...veuve D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 juillet 2017 portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800045 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, Mme C...veuveD..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence algérien, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :

- cette décision est insuffisamment motivée au regard des exigences posées aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la gravité de son état de santé et méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dont elle remplit les conditions pour obtenir un certificat de résidence. Contrairement à ce qu'indique le préfet, il n'existe pas de soins accessibles en Algérie puisque les médicaments de son traitement ne sont même pas disponibles. Ainsi le préfet de la Haute-Vienne n'a manifestement pas apprécié l'effectivité de l'accès aux soins contrairement à ce que prévoit la convention franco-algérienne.

- cette décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dont elle remplit également les conditions.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée des mêmes vices concernant la légalité externe et interne exposés dans le cadre du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

- l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination ;

- elle est insuffisamment motivée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.

Mme C...veuve D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2018/012489 du 20 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Cécile Cabanne pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...C...veuveD..., ressortissante algérienne née le 31 janvier 1939, est entrée en France le 25 décembre 2016. Elle a présenté, le 21 février 2017, une demande de délivrance d'un certificat de résidence algérien en se prévalant de son état de santé. Elle relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité du refus de certificat de résidence :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) " ;

4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment le paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et expose les motifs du refus en indiquant, d'une part, que le traitement requis par son état de santé est disponible en Algérie, et d'autre part, que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à son arrivée récente sur le territoire national alors qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 77 ans. Dès lors, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien à un Algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence algérien sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'Algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.

6. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en date du 25 avril 2017, si l'état de santé de Mme C...veuve D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme C...veuve D...soutient que le traitement requis n'est pas disponible en Algérie. Au soutien de cette allégation, la requérante produit différents articles faisant état de difficultés d'approvisionnement récurrentes pour de nombreux médicaments et un certificat d'un médecin généraliste d'Oran du 31 octobre 2017 indiquant que l'Ozurdex 700 mg et l'Eylea 40 mg ne sont pas en vente en Algérie, les autres documents produits ne se rapportant pas à l'existence du traitement en Algérie. Cependant si les documents produits décrivent son état de santé, et pour certains d'entre eux l'état de santé postérieur à l'arrêté, ils ne détaillent pas les soins requis ou à tout le moins ne font pas mention de prescription d'Ozurdex et d'Eylea, alors au demeurant que ce dernier est disponible en Algérie selon la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques de la médecine humaine produite par le préfet. Dans ces conditions, les documents produits par la requérante ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'existence du traitement requis en Algérie. Enfin, elle ne fait valoir aucune circonstance démontrant qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier en Algérie du traitement dont elle a besoin pour soigner le diabète avec complication de rétinopathie diabétique, l'anémie et l'ostéoporose dont elle souffre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

7. En troisième lieu, si Mme C...veuve D...se prévaut de la présence de quatre de ses enfants dont deux ont la nationalité française, il ressort des pièces du dossier que Mme veuve D...est entrée récemment en France, le 25 décembre 2016, à l'âge de 77 ans. Elle n'est en outre pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident deux de ses filles. Enfin, elle n'établit pas que, comme elle le soutient, ses enfants résidant en France lui apporteraient une assistance indispensable compte-tenu de son état de santé. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le refus opposé à sa demande de titre serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, Mme veuve D...reprend à l'encontre de la décision litigieuse les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de certificat de résidence. Ces moyens doivent être écartés pour les motifs énoncés lors de l'examen de la légalité du refus de certificat de résidence.

9. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, Mme C...veuve D...reprend à l'encontre de la décision litigieuse les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de certificat de résidence et de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 2 à 9 ces moyens doivent être écartés. A cet égard, l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle encourt personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine et n'est donc pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

11. En second lieu, l'arrêté litigieux vise les articles L. 513-1 à L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que la requérante n'établit ni même n'allègue être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fixant le pays de destination est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...veuve D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 juillet 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...veuve D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...veuve D...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02337
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DUPONTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-22;18bx02337 ?
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