Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 pour un montant total de 913 886 euros en droits et pénalités ou, subsidiairement, de le décharger de la majoration de 80 % qui lui a été infligée.
Par un jugement n° 1400070 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2016 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition d'office ne pouvait s'appliquer dans la mesure où il disposait d'une possibilité de régularisation ouverte par l'article L. 67 du livre des procédures fiscales et où l'administration n'établit pas que les déclarations qu'il a remises le 30 juin 2011 serait intervenues plus de trente jours après l'envoi de mises en demeure ;
- il résulte de la chronologie des faits qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire sur le caractère professionnel ou pas et imposable ou non de ses gains de jeux ;
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;
- dans ses réponses aux observations du contribuable, l'administration n'évoque pas la question de sa résidence en France, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'année 2007 était prescrite ;
- l'administration ne démontre pas que ses intérêts économiques sont en France ; en effet, l'essentiel de ses gains au poker sont réalisés dans le monde entier et peu en France ; il ne peut donc être regardé comme résident français ;
- la pratique habituelle des jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profit au sens de l'article 92 du code général des impôts ; or, le Texas Hold'hem qu'il pratique est pour l'essentiel un jeu de hasard ; les profits qu'il en tire ne sont donc pas un revenu imposable ;
- les gains de sponsoring ne présentent aucun caractère de régularité puisqu'il peut y être mis fin dès que la notoriété du joueur faiblit ; ces versements ne peuvent être regardés comme correspondant à une activité professionnelle ;
- seule l'importance de ses gains a conduit l'administration à l'imposer ; ce faisant, elle a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- subsidiairement, il ne peut être regardé comme ayant exercé professionnellement son activité de poker de façon occulte ; en effet, s'il n'a pas déclaré ses gains, c'est parce qu'il a pu considérer de bonne foi que ces gains étaient exonérés, au regard notamment de la doctrine fiscale (instruction 5 G-116) ;
- la majoration de 80 % a fait l'objet d'une motivation erronée ; elle n'est pas justifiée au fond.
Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel et tardive et, par suite, irrecevable ;
- le requérant n'a jamais déposé de déclarations fiscales dans le délai légal et son activité était occulte ; le délai de reprise était donc de dix ans en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et l'administration a pu exercer son droit de reprise y compris pour l'année 2007 :
- il n'appartient pas à l'administration d'ouvrir un débat sur le principe de l'imposition avant d'adresser des mises en demeure de produire des déclarations ;
- l'administration n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;
- c'est à bon droit que la procédure d'imposition d'office a été mise en oeuvre ;
- les réponses aux observations du contribuable étaient suffisamment motivées ; dès lors que c'est la procédure d'imposition d'office qui a été suivie, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales est inopérant ;
- la seule adresse connue du requérant est une adresse en France, où se trouvent également ses comptes bancaires ; il a d'ailleurs admis durant le contrôle résider en France ;
- le jeu de poker fait largement appel aux qualités intrinsèques du joueur et ne peut donc être regardé comme un jeu de hasard ; le requérant exerçait une activité lucrative en tant que joueur professionnel et était d'ailleurs connu en tant que tel dans le milieu considéré ; il n'a pas exercé d'autres activités au cours des années en litige ; il a tiré de cette activité de jeu des gains substantiels et a bénéficié d'un sponsor ; ses gains doivent donc être regardés comme des revenus professionnels ;
- les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce ;
- la majoration de 80 % a été suffisamment motivée et est justifiée par le caractère occulte de l'activité à l'origine des revenus du requérant.
Par ordonnance du 7 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour les années 2007, 2008 et 2009, qui a révélé qu'il avait perçu au cours de ces années des gains substantiels provenant de la pratique du jeu de poker. L'administration a également procédé à la vérification de comptabilité de cette activité au titre des mêmes années. A l'issue de ces contrôles, le service a procédé à l'évaluation d'office, sur le fondement des dispositions combinées du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 68 du même livre, des revenus tirés par l'intéressé de son activité de joueur au titre des années 2007 à 2009, qu'elle a regardés comme des bénéfices non commerciaux taxables sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts. L'administration a également appliqué à M. A...la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue par le c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. M. A...a contesté en vain les impositions et pénalités résultant de ces rectifications, et il relève désormais appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à leur décharge.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 décembre 2017 a été notifié à M. A...le 20 janvier 2017. Par suite, sa requête d'appel, enregistrée auprès de la cour le 15 mars 2017, n'est pas tardive et la fin de non-recevoir opposée à ce titre par le ministre de l'action et des comptes publics ne peut être accueillie.
Sur le principe de l'imposition :
En ce qui concerne la résidence fiscale :
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) c) le centre de ses intérêts ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer d'un contribuable célibataire s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.
4. Il résulte de l'instruction que M.A..., célibataire et sans enfants, a indiqué au cours du contrôle avoir eu la qualité de résident fiscal en Grande-Bretagne à compter seulement de l'année 2010. Les déclarations fiscales qu'il a déposées les 24 et 30 juin 2011 pour les années 2007 à 2009 mentionnaient une adresse au 12, chemin de Carredon à Cornebarrieu, seule adresse communiquée aux services fiscaux et correspondant à un logement dont il est propriétaire, et il n'a fourni aucun élément attestant de l'occupation effective et à titre habituel, au cours de ces mêmes années, d'une autre habitation située hors de France. S'il invoque en particulier une domiciliation à Londres, cette allégation n'est corroborée par aucun justificatif. L'adresse de Cornebarrieu est d'ailleurs également celle qui avait été indiquée aux établissements bancaires français dans lesquels il détenait des comptes actifs au cours desdites années, et celle qui figurait au fichier national des automobiles, des passeports et des cartes nationales d'identité, consulté par l'administration. Dans ces conditions, le requérant, quand bien même l'essentiel de ses gains provenaient de tournois qui se déroulaient à l'étranger, n'établit pas ne pas avoir conservé pour autant son foyer en France durant les années d'imposition en litige, au sens et pour l'application des dispositions précitées.
En ce qui concerne la qualification des sommes perçues :
5. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".
S'agissant des gains de jeu :
6. Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
7. En premier lieu, si le jeu de poker et plus particulièrement la version de ce jeu dénommé " Texas Hold'em Poker " pratiqué par M.A..., comporte une part de hasard liée à la distribution des cartes propres à chaque joueur ou des cartes communes, un joueur peut parvenir, grâce à son expérience, à une stratégie adéquate fondée notamment sur l'estimation des différentes combinaisons de cartes possibles, et à une analyse de la psychologie de ses adversaires, à atténuer notablement le caractère aléatoire du résultat de ce jeu et à accroître sensiblement sa probabilité de percevoir des gains importants et réguliers. Dans une telle hypothèse, et dès lors qu'une personne se livre à une pratique habituelle de ce jeu dans l'intention d'en tirer des bénéfices, ceux-ci doivent être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, et imposables en application de cet article.
8. Il résulte de l'instruction que M. A...est membre de l'équipe " Team Winamax " depuis l'année 2007 et participe en cette qualité, sous le pseudonyme de " Sir Cuts ", à différents tournois de poker. Le tribunal a ainsi relevé, sans que ces mentions du jugement soient contestées en appel, qu'" il a été classé 2ème au tournoi du World Poker Tour (WPT) organisé à Barcelone le 11 octobre 2007 et 11ème à l'occasion de l'European Poker Tour (EPT) qui s'est déroulé à Dublin le 30 octobre de la même année ; qu'il a gagné 295 200 euros à Barcelone et 23 820 euros à Dublin ; qu'au cours de l'année 2008, il a participé à trois tournois organisés dans le cadre de l'EPT à Budapest, Varsovie et Prague les 28 octobre, 15 novembre et 9 décembre où il a respectivement remporté des prix d'une valeur de 5 320 euros, 32 843 euros et 13 800 euros ; qu'au cours de l'année 2009, il a remporté 40 000 euros et 5 360 euros en terminant 1er au casino Barrière de Toulouse le 8 mars et 14ème lors du Barrière Poker Tour le 23 octobre ; qu'il s'est classé 27ème à San Remo le 21 mars 2009 et 21ème à Monte Carlo le 28 avril suivant dans le cadre de l'EPT avec des gains associés de 5 000 euros et 52 000 euros ; qu'il a participé aux World Series Of Poker (WSOP) de Las Vegas où il a été classé 38ème, 34ème et 16ème les 3 juin, 6 juin et 3 juillet 2009 et a empoché 6 970 dollars, 17 085 dollars et 500 557 dollars ; que lors du tournoi organisé à Marrakech le 16 octobre 2009 dans le cadre du WPT, il s'est classé 3ème et a remporté 164 789 euros ; que dans le cadre du contrôle, M. A... a identifié des crédits d'un montant total de 356 285,42 euros sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Mutuel à Le Bouscat dont les 295 200 euros gagnés lors de sa participation au tournoi WPT de Barcelone ; que les quatre virements, de 10 000 euros chacun, crédités sur son compte, ouvert au Crédit Mutuel à Colomiers, proviennent de gains de poker en ligne ; que la société " Enjoy service Ltd " lui a versé deux fois la somme de 10 000 euros les 28 janvier et 26 février 2009 sur ce dernier compte sur lequel le total des sommes encaissées et identifiées comme gains de poker s'élève à 551 369,99 euros ; que ces montants ont été identifiés comme étant des gains de jeu par le contribuable, par l'entremise de son conseil, dans un courrier du 10 juin 2011 (...) ". Ainsi, et compte tenu de l'absence d'exercice d'une autre activité professionnelle susceptible de lui procurer des revenus, du caractère régulier et conséquent des gains de jeux réalisés par M. A... et de sa notoriété internationale, celui-ci doit être regardé comme ayant exercé à titre habituel, au cours des années 2007 à 2009, une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 précité du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société Winamax avait la possibilité de mettre à tout moment un terme à son partenariat.
9. Les différents textes portant réglementation de la police des jeux, notamment des jeux en ligne, ainsi que des dispositions de l'article 126 de l'annexe IV au code général des impôts relatives à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements, ou encore la décision de la Cour de cassation du 30 octobre 2013 qu'invoque le requérant, sont sans incidence sur l'application par le juge de l'impôt de la loi fiscale, telle qu'interprétée aux points 6 et 7.
10. Enfin, si le requérant invoque le paragraphe n° 118 de la documentation de base 5 G 116, à jour au 15 septembre 2000, selon lequel " La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ", cette instruction ne concerne pas la pratique de jeux d'argent dans les conditions indiquées aux points 6 et 7 et, dans tous les cas, ne mentionne pas qu'elle concernerait le jeu de poker. Par suite elle ne contient aucune interprétation formelle du texte fiscal dont M. A... pourrait utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
S'agissant des sommes reçues de la société Winamax :
11. Il résulte de l'instruction qu'en vertu d'un contrat de partenariat conclu avec la société Winamax, M.A..., en contrepartie de la prise en charge de ses frais de participation à des tournois et de rétributions, autorisait cette société à exploiter son nom et son image de joueur de poker pour la promotion de son site internet et s'engageait à participer pour elle à diverses activités ou animations en ligne tels que des cours de poker et des forums de discussion. Dès lors que, d'une part, l'utilisation du nom et de l'image de joueur de poker du requérant ne porte pas sur une marque commerciale et que, d'autre part, il n'est pas allégué que les prestations de promotion réalisées par le requérant pour la société Winamax impliqueraient la mise en oeuvre de moyens matériels particuliers ou de tout autre élément de nature à conférer un caractère commercial à cette activité, les revenus provenant de l'exécution de ce contrat de partenariat relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux.
12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a regardé comme des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les gains de jeux perçus par M. A...au cours des années 2007 à 2009, ainsi que les rémunérations reçues de la société Winamax durant les mêmes années dans le cadre d'un contrat de partenariat.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. " ; Et aux termes des dispositions de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite ".
14. Ainsi qu'il a été dit, M. A...a exercé au cours des années 2007 à 2009 une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 précité du code général des impôts. Il était, de la sorte, astreint au dépôt d'une déclaration n° 2035. Il n'est pas contesté qu'il n'a pas satisfait à ses obligations déclaratives, et ne s'est pas davantage fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. S'il fait valoir qu'il a déposé des déclarations de régularisation le 30 juin 2011 à la suite de la notification de mises en demeure, et soutient que l'administration n'établit pas que ce dépôt serait intervenu au-delà du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, il admet que les mises en demeure au titre des trois années en litige avaient été remises en mains propres à son conseil dès le 11 mars 2011. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne conteste que son conseil était mandaté pour le représenter dans le cadre des opérations de contrôle, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne justifie pas de la notification régulière de ces mises en demeure, ni que la date de cette notification ne lui serait pas opposable. Par suite, l'administration a pu légalement procéder à l'imposition d'office des gains de jeux réalisés par l'intéressé au cours des années 2007 à 2009 sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales.
15. En deuxième lieu, le requérant n'apporte aucun élément précis ou explication sérieuse permettant de retenir qu'il n'aurait pas été mis en mesure de faire valoir que son activité ne relevait pas des bénéfices non commerciaux, ni que le vérificateur, lors des opérations de vérification de comptabilité, se serait refusé à un débat sur ce point lors des entretiens tenus, à sa demande, dans les locaux de l'administration et avec son conseil. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur avant l'évaluation d'office de ses bénéfices non commerciaux. Par ailleurs, ni les articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, ni la charte du contribuable vérifié, ni aucune autre disposition légale ou règlementaire n'imposent à l'administration un débat oral et contradictoire spécifique avec le contribuable avant l'envoi de mises en demeure de déposer des déclarations de bénéficies non commerciaux.
16. Enfin, l'administration ayant mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office, elle n'était pas tenue de répondre aux observations présentées par le contribuable le 15 septembre 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration, dans le courrier n° 3926 qu'elle lui adressé le 29 mars 2012, n'a pas répondu à son argumentation relative à sa résidence fiscale et aurait ainsi méconnu le dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, est en tout état de cause inopérant.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'année 2007 :
17. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
18. Si le service soutient que M. A...doit être regardé comme ayant exercé, au cours des années en litige, faute d'avoir déposé de déclaration ni de s'être fait connaître d'un centre de formalités des entreprises, une activité occulte de joueur de poker, il résulte de l'instruction que ce n'est que postérieurement auxdites années que la jurisprudence et l'administration fiscale ont expressément estimé que les gains réalisés au poker étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu. La circonstance que le poker soit qualifié de jeu de hasard par les juridictions civiles et pénales au sens des lois et règlements relatifs à la police des jeux était en outre de nature à induire en erreur le contribuable sur la nature de ses obligations déclaratives. Enfin, aucune règle précise ne permettait, au cours des années d'imposition, de distinguer la pratique du poker selon qu'elle était exercée à des fins ludiques ou lucratives. Par suite, l'absence de souscription de déclarations par M. A...doit être regardée comme ayant constitué une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations. Il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que le droit de reprise de l'administration était prescrit le 2 août 2011, lorsque lui ont été notifiées les rectifications afférentes à l'année 2007.
En ce qui concerne les années 2008 et 2009 :
19. D'une part, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'autre part, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu le principe général du droit à la sécurité juridique en prenant en considération l'importance de ses gains, dès lors que cette prise en compte a servi, de manière logique, à établir le caractère habituel de l'exercice de l'activité, critère déterminant de l'application de l'article 92 du code général des impôts telle que définie au point 6. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique doivent être écartés.
Sur la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts :
20. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".
21. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
22. Ainsi qu'il a été au point 18, il y a lieu de considérer que, s'agissant des gains de jeu, c'est par erreur et de bonne foi que M. A...ne s'est pas acquitté de ses obligations déclaratives. Il suit de là que l'application de la majoration pour activité occulte prévue par les dispositions du c) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts n'est pas justifiée en ce qui concerne ces gains.
23. En revanche, le requérant ne pouvait ignorer l'obligation dans laquelle il se trouvait de déclarer les rémunérations perçues de la société Winamax en contrepartie des cours de poker en ligne qu'il dispensait sur le site internet de cette société, et qui correspondent d'ailleurs aux revenus qu'il a déclaré tardivement le 30 juin 2011, après que des mises en demeure de souscrire des déclarations lui ont été adressées par l'administration. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que, dans cette mesure, l'administration n'établit pas le bien-fondé de l'application de la majoration de 80 %.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait, d'une part, à la décharge des rehaussements d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, afférents à l'année 2007 et, d'autre part, à la décharge de la majoration de 80 % assortissant les rappels d'impôt sur le revenu afférents à l'imposition des gains de jeu, au titre des années 2008 et 2009.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. A...est déchargé des rappels d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités y afférentes, ainsi que de la majoration de 80 % qui assortit les rappels d'impôt sur le revenu assignés au titre des années 2008 et 2009, dans la mesure où ces rappels portent sur les gains de jeu.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1400070 du 6 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00795