Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801056 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 octobre 2018, des pièces nouvelles enregistrées les 17 et 19 octobre 2018, et des mémoires enregistrés le 16 novembre et le 3 décembre 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 du préfet de la Charente ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour au regard des critères du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que ces dispositions constituaient bien le fondement de sa demande de titre de séjour ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour ;
- il est insuffisamment motivé en fait dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles il a entendu solliciter un titre de séjour, ce qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il a été pris à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2018 le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A...a été rejetée par une décision du 24 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. E...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant ivoirien né le 5 mars 1999, est entré en France le 30 octobre 2015, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire à l'aide sociale à l'enfance le 5 novembre 2015 puis a été pris en charge par le département de la Charente au titre d'une mesure de tutelle prononcée le 11 décembre 2015. Cette mesure a pris fin le 15 juillet 2016 à la suite d'une ordonnance du juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance d'Angoulême au motif qu'il n'apportait pas la preuve de sa minorité. Le 18 novembre 2017, il a sollicité un titre de séjour mention " étudiant ". Par un arrêté en date du 18 avril 2018, le préfet de la Charente a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi M. A... relève appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 avril 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A...soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen soulevé dans sa requête introductive d'instance tiré du défaut d'examen de la demande de titre de séjour qu'il a entendu solliciter sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a seulement demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen par le préfet de la demande de titre de séjour au regard de ces dispositions est inopérant et le tribunal n'était pas de tenu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 avril 2018 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. Après avoir visé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que notamment les articles L 313-11-2° bis, L 313-11-7°, L 313-14 et L313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision attaquée mentionne, outre son identité, les conditions d'entrée et de séjour en France de M.A..., en particulier sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance en sa qualité de mineur isolé par le département de la Charente du 11 décembre 2015 au 15 juillet 2016, date à laquelle il a été mis fin à son placement au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de sa minorité. La décision indique que M. A...ne peut bénéficier d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 2° bis et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il n'est plus confié à l'aide sociale à l'enfance et qu'il ne suit pas de formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins six mois, qu'il ne peut obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant faute d'être entré en France muni d'un visa de long séjour et que sa situation ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ajoute qu'étant arrivé récemment en France et n'établissant pas être totalement isolé dans son pays d'origine, le refus de titre de séjour n'est pas de nature à comporter pour sa situation familiale ou personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'établit pas qu'il serait en danger en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la décision de refus de titre de séjour qui comporte l'énoncé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux.
5. Il ressort des termes mêmes de la motivation de la décision contestée, telle qu'elle vient d'être exposée au point 3 que le préfet de la Charente, que le requérant n'avait saisi que d'une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de M. A...en examinant, comme il lui était loisible de le faire à titre gracieux, la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la dite décision serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation doit être écarté. En outre, pour le même motif qu'indiqué au point 2, le moyen tiré du défaut d'examen par le préfet de la demande de titre de séjour au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...ne vit en France que depuis la fin de l'année 2015 et qu'il a bénéficié frauduleusement d'une prise en charge en tant que mineur étranger isolé en produisant des actes d'état-civil dont l'authenticité a été remise en cause. En dehors du couple qui l'héberge depuis un an, il ne dispose en France d'aucune attache personnelle. M. A...ne dispose en France d'aucun lien familial et n'établit pas avoir perdu toute attache dans son pays d'origine dans lequel il a passé l'essentiel de son existence. S'il poursuit sa scolarité en classe de 4ème à la Maison Familiale Rurale et bénéficie d'une promesse d'embauche en tant qu'apprentis, M. A...ne fait état d'aucun élément de nature à établir une intégration particulière dans la société française. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée prise à l'encontre de l'intéressé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Charente n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle.
8. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".
9. Ces dispositions font obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'établit pas pouvoir prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Charente n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A...n'établit pas l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'Intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, présidente,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 février 2019.
Le rapporteur,
Florence D...
La présidente,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03629