Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801094 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 octobre 2018 et des pièces complémentaires enregistrées les 17 octobre et 17 décembre 2018, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 du préfet de la Charente ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas état des démarches qu'elle a entamées afin de solliciter un tire de séjour en tant qu'étranger malade et que la motivation quant à l'absence d'atteinte à la vie privée et familiale de cette décision est stéréotypée ;
- la préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation dans la mesure où la décision attaquée a été prise automatiquement en raison de la fin de la procédure d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a été prise sur le fondement erroné des dispositions des articles L. 741-1 et L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que ces dispositions ne font état que de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors que, d'une part, elle séjourne en France depuis le 6 mars 2017 avec son mari et ses enfants, que le couple a multiplié les efforts d'intégration notamment par du bénévolat, que leurs enfants sont scolarisés et que, d'autre part, elle souffre de troubles psychologiques graves nécessitant un traitement médical quotidien à base de psychotropes qui ne peut être envisagé dans son pays d'origine ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'il n'est pas fait état de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la nécessité de continuer ses soins en France ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où son état de santé empêche son éloignement du territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle est dans l'impossibilité d'avoir accès aux soins dont elle a besoin en Albanie ;
- la décision portant fixation du pays de renvoi doit être annulée pour les mêmes motifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 17 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2018 à 12 heures.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. F...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., ressortissante albanaise née le 7 mai 1993 est entrée en France le 6 mars 2017, selon ses déclarations, accompagnée de son époux et leurs deux enfants mineurs, afin d'y solliciter l'asile politique. Sa demande a été rejetée le 15 juin 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 décembre 2017. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de la Charente a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de MmeB..., en particulier l'article L. 511-1 6°. La décision précise que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA et qu'elle ne peut en conséquence prétendre à un titre de séjour au titre du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet de la Charente précise que l'intéressée est entrée en France récemment, qu'elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine et que son époux fait également l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le préfet de la Charente, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'appelante, en particulier le fait qu'elle avait pris rendez-vous à la préfecture pour demander un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile, a suffisamment motivé en droit et en fait l'arrêté du 17 avril 2018. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente n'aurait pas procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de MmeB....
4. En troisième lieu, Mme B...reprend en appel le moyen tiré de l'erreur de droit entachant l'arrêté attaqué au motif qu'il aurait été pris sur le fondement erroné des dispositions des articles L. 741-1, L. 752-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". En application de ces stipulations et de ces dispositions, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Pour soutenir que la décision en litige a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme B...se prévaut de son intégration dans la société française où elle suit notamment des cours de français, de son engagement auprès de diverses institutions caritatives et de son besoin d'un suivi médical en raison de troubles psychologiques. Toutefois, Mme B...ne peut être regardée comme ayant tissé des liens particuliers en France alors qu'elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales. Par ailleurs, l'appelante ne produit aucun élément permettant d'estimer que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine, son conjoint, de même nationalité, ayant également fait l'objet d'un refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la scolarité des enfants ne pourrait s'y poursuivre. Enfin, son bulletin d'hospitalisation au centre hospitalier universitaire Camille Claudel d'une durée de deux jours indiquant qu'elle a été prise en charge pour une perte d'élan vital, une aboulie, une anhédonie, un trouble du sommeil, de l'appétit et un important ralentissement psycho moteur ainsi que des idées suicidaires, accompagné de prescriptions médicales pour des antidépresseurs et anxiolytiques ainsi que le certificat médical confidentiel à adresser au médecin de l'OFII, versé au dossier en appel et postérieur à la décision attaquée, ne permettent pas de considérer qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'elle a déjà eu recours à des consultations en psychiatrie en Albanie. Si l'appelante soutient que ses problèmes de santé sont en lien avec des événements vécus en Albanie, elle n'en apporte pas la preuve. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 et 3, il y a lieu d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle dont serait entachée la décision contestée.
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont serait entachée la décision contestée.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6, que l'appelante ne démontre pas qu'elle ne pourra bénéficier de soins en Albanie. Dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si Mme B...soutient que, compte tenu de son état de santé, un éloignement vers son pays d'origine aurait pour effet de l'exposer à des traitements prohibés par les stipulations sus mentionnées, il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'elle n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse B...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, présidente,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 février 2019.
Le rapporteur,
Florence E...
La présidente,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03618
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