Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801871 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2018 et un mémoire enregistré le 27 novembre 2018, M.B..., représenté par Me Jammes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 du préfet de la Gironde ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors que la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas visée et que l'ensemble des éléments relatifs à sa situation n'ont pas été pris en compte ;
- par son arrêté du 15 mars 2018, le préfet de la Gironde fait obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 février 2016 ;
- le préfet de la Gironde a commis une erreur de droit en considérant qu'il ne pouvait lui délivrer un titre de séjour eu égard à la circonstance qu'il n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant alors que cette contribution s'analyse nécessairement en fonction et à hauteur de ses ressources. Le refus méconnaît ainsi l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que par l'arrêté contesté, il brise deux cellules familiales à savoir la première composée de ses deux enfants issus de sa première union et lui et la seconde composée de son fils A...et lui ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
-l'illégalité dont est entaché l'arrêté est de nature à engager la responsabilité de l'administration et il est ainsi fondé à demander le versement d'une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par ordonnance du 9 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2018 à midi.
Un mémoire présenté par le préfet de la Gironde a été enregistré le 30 novembre 2018.
Un bordereau en production de pièces produit pour M. B...a été enregistré le 4 décembre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Des pièces déposées par M. B...ont été enregistrées le 24 janvier 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. C...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud, premier-conseiller ;
- les conclusions de Mme Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jammes avocat, représentant M. B....
Une note en délibéré présentée pour M. B...a été enregistrée le 8 février 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant gabonais né le 5 mars 1988, est entré régulièrement en France le 18 octobre 2008. Il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, puis en qualité de conjoint de Français à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 2 juillet 2011, puis en qualité de " parent d'enfant français " sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la suite de la naissance de leur fils le 22 avril 2012. M. B...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 11 septembre 2015, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande et a pris à son encontre une mesure d'éloignement. Par jugement du 16 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". En exécution de ce jugement, le préfet de la Gironde a délivré à M. B...une carte de séjour temporaire valable du 14 mars 2016 au 13 mars 2017. M. B...a sollicité, le 7 mars 2017, le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 15 mars 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018 :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. M. B...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif de Bordeaux, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, par le jugement n° 1505002 du 16 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 pour méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, comme le soutient le requérant, le présent litige présente à trancher ce même moyen, le sens de la solution à y apporter dépend d'une appréciation spécifique des faits à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Bordeaux a pu écarter ce moyen et le préfet de la Gironde a pu refuser de délivrer un titre de séjour sans méconnaître l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du 16 février 2016.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a épousé une ressortissante française le 2 juillet 2011 et qu'un enfant français, A..., est né de leur union, le 22 avril 2012. Toutefois, M. B...et son ex-épouse sont divorcés depuis le 10 mars 2014. Selon le jugement de divorce de ce jour, la résidence de l'enfant est fixée au domicile de la mère mais l'autorité parentale demeure conjointe, un droit de visite est accordé à M. B...au point rencontre de Bordeaux et une pension mensuelle de 150 euros est mise à la charge de ce dernier dès qu'il percevra un revenu mensuel équivalent au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Par jugement du 17 octobre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a suspendu le droit de visite consenti à M. B...au motif qu'il " apparaît que la sécurité de l'enfant n'est pas préservée lors de l'exercice du droit de visite, le père étant invité à mettre en place une prise en charge personnelle de ses difficultés physiques s'il entend obtenir le rétablissement d'un droit de visite ". Si l'appelant soutient qu'il est titulaire de l'autorité parentale et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation du jeune A...à hauteur de ses ressources, M. B...ne peut être regardé, du fait de la suspension de son droit de visite, d'abord fixé à quatre heures par mois puis limité à deux heures par mois, comme entretenant des liens réels et effectifs avec son enfant. Dès lors, M. B...ne peut être regardé comme contribuant à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
7. En l'espèce, si M. B...fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis 2008, qu'il a bénéficié de titres de séjour, qu'il travaille et que ses trois enfants résident également sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit précédemment, son droit de visite auprès de son enfantA..., de nationalité française, né à Bordeaux le 22 avril 2012 a été suspendu par un jugement du 17 octobre 2017 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux. De plus, s'agissant de ses deux premiers enfants, Yacha et Sacha, nés au Gabon d'une précédente union les 17 avril 2007 et 2 juillet 2008 et présents en France depuis le mois de janvier 2017, la cour d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 11 octobre 2017, renouvelé le placement de ces derniers chez leurs grands-parents, a restreint le droit de visite de M. B...à une heure par mois et a précisé que si celui-ci avait reconnu sa violence, il estimait néanmoins ne pas avoir besoin de soins. Ce même jugement ajoute, d'une part, que les visites au point rencontre n'ont pu se poursuivre, M. B..." menaçant les personnes présentes " et, d'autre part, que lors de la rencontre du 15 juillet 2017, M. B...avait " donné des coups de poings à son fils et promis de tuer tous les présents. " En outre, comme le rappelle le préfet dans l'arrêt attaqué, M. B...ne peut faire état d'une intégration réussie en France puisqu'il est défavorablement connu des services de police notamment pour des faits de " détention illicite de stupéfiants pour usage personnel, conduite sous l'empire d'un état alcoolique, défaut de permis de conduire et refus de se soumettre aux analyses et examens en vue d'établir la conduite sous influence de stupéfiants " commis le 11 novembre 2011 et des faits de " blessures involontaires ou incapacité inférieure ou égale à trois mois, dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger " en date du 26 octobre 2017. Il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 31 juillet 2012 à six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve durant deux ans pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint ou concubin, puis le 20 septembre 2012 à six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour violation de domicile à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait, ou contrainte, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint ou concubin, et le 9 novembre 2016 à deux mois d'emprisonnement pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants et usage illicite. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que M. B...soit présent sur le territoire français depuis 2008 et où se trouvent, à la date de l'arrêté ses trois enfants, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées pas plus qu'il n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne stipule : " (...) 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. M. B...soutient que la décision contestée aura pour effet de le séparer de ses trois enfants. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt que le requérant s'est montré violent avec ses enfants et que son droit de visite a été suspendu. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ni celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Les conclusions indemnitaires de M. B...se fondant sur l'illégalité de l'arrêté du 15 mars 2018, ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. Axel Basset, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 20 février 2019.
Le rapporteur,
Paul-André BraudLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03277