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20/02/2019 | FRANCE | N°18BX03216

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 20 février 2019, 18BX03216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 31 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Vienne a décidé de le transférer aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°1801805 du 6 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de sa situation.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2018, le préfet de la Vienne, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 31 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Vienne a décidé de le transférer aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°1801805 du 6 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2018, le préfet de la Vienne, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 6 août 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M.C....

Il soutient que :

- le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est entaché d'erreurs de fait et de droit en ce qu'il a considéré que les documents d'information concernant la procédure Dublin auraient dû être remis en langue pachto ou en dari et non en langue farsi. En effet, le farsi et le dari sont des langues très proches.

- il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2018, M.C..., représenté par MeB..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...fait valoir qu'un entretien postérieur ne peut régulariser la remise de brochures dans une langue non comprise par l'intéressé. En outre, cet entretien ne permet pas d'avoir connaissance de l'ensemble des informations figurant dans les brochures. La jurisprudence citée a retenu l'irrégularité de la procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. de la Taille Lolainvile pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1994, déclare être entré sur le territoire français le 6 octobre 2017 et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de police de Paris le 14 février 2018. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités suédoises. Ces dernières ayant accepté le 16 avril 2018 la demande de reprise en charge adressée par le préfet de la Vienne, celui-ci a, par deux arrêtés du 31 juillet 2018, décidé de transférer M. C...aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois. Le préfet de la Vienne relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 6 août 2018 annulant, à la demande de M.C..., les arrêtés du 31 juillet 2018 pour méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013, l'information prévue par cet article n'ayant pas été remise à M. C...dans une langue qu'il comprend.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3.Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien du 14 février 2018 que M. C...a déclaré qu'il comprenait le dari et le pachto. Or, les brochures comprenant les informations visées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n°604/2013 lui ont été remises dans leur version rédigée en farsi. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a attesté, sans émettre de réserves, lire et comprendre cette langue en signant ces documentations. Si M. C...n'a pas déclaré comprendre la langue farsi, cette dernière est une langue très proche du dari qui use du même alphabet et qui peut être lue par les locuteurs des deux langues. M. C...doit dès lors être regardé comme ayant bénéficié d'une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement précité, par écrit et dans une langue dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend. Par suite, le préfet de la Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 pour annuler les arrêtés du 31 juillet 2018.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur la légalité des arrêtés du 31 juillet 2018 du préfet de la Vienne :

5. Les arrêtés du 31 juillet 2018 ont été signés par M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui a reçu, par un arrêté du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 11 juin 2018, délégation de signature du préfet de la Vienne l'habilitant à signer toute décision afférente à l'application de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le signataire des arrêtés litigieux a été régulièrement habilité par une délégation de signature régulièrement publiée.

En ce qui concerne l'arrêté de transfert :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ".

7. M. C...soutient que l'entretien a été mené sans l'assistance d'un interprète alors qu'il ne comprend pas le français. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu du résumé de l'entretien individuel du 14 février 2018 signé par M.C..., que cet entretien a été mené avec l'assistance d'un interprète en dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, et que M. C...y confirme avoir compris tous les termes de cet entretien. De même, il ressort de l'attestation concernant l'entretien du 31 juillet 2018, que M. C...était assisté d'un interprète lors de cet entretien au cours duquel lui ont été notifiés les arrêtés pris à son encontre du même jour par le préfet de la Vienne. Dans ces conditions, en l'absence de preuve contraire, les entretiens sont réputés avoir été menés dans une langue comprise par M. C.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 paragraphe 3 du règlement n° 604/2013 susvisé doit être écarté.

8. Aux termes des dispositions de l'article 24 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Par dérogation à l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac conformément à l'article 17 du règlement (UE) no 603/2013, la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d'une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, en vertu de l'article 17, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. (...) ".

9. Les dispositions de l'article 24 du règlement n°604/2013 sont relatives à la " présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant ". Or, il n'est pas contesté que M. C...a déposé une demande d'asile en France dès le 14 février 2018, soit plus de cinq mois avant l'arrêté du préfet. Dès lors, M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions du paragraphe 2 de l'article 24 du règlement n°604/2013.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, en invoquant à nouveaux des moyens afférents à l'illégalité de la mesure de transfert, M. C...doit être regardé comme excipant de son illégalité au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la mesure d'assignation à résidence. Il résulte cependant de ce qui précède que cette exception d'illégalité ne peut être accueillie.

11. En deuxième lieu, M. C...soutient que l'arrêté ordonnant son assignation à résidence est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il n'est effectif que pour une durée de quarante-cinq jours, durée qui est inférieure au terme du délai de remise aux autorités suédoises et ne permet pas de remplir son objectif premier. Toutefois, il ressort de l'article 1er dudit arrêté que celui-ci était valable " pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, dans l'attente de l'exécution de la mesure de transfert dont il fait l'objet. " Ainsi, l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation sur la durée de la mesure.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...)1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

13. M. C...semble soutenir que la mesure d'assignation à résidence n'est pas fondée dès lors qu'elle ne se justifiait pas par une nécessité impérieuse relevant d'un trouble à l'ordre public et qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes. Il résulte cependant des dispositions précitées que ces circonstances à les supposer établies, sont sans incidence sur la faculté d'édicter une mesure d'assignation dès lors que M. C...se trouvait dans la situation décrite au 1° bis de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du préfet de la Vienne du 31 juillet 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C...à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n°1801805 du 6 août 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...C..., à Me B...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 20 février 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 18BX03216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03216
Date de la décision : 20/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-20;18bx03216 ?
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