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31/12/2018 | FRANCE | N°18BX03141

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 31 décembre 2018, 18BX03141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1800869 du 24 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, en

registrés le 6 août 2018 et le 29 novembre 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1800869 du 24 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 août 2018 et le 29 novembre 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau en date du 24 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 9 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de le placer en procédure d'asile normale dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée faut d'indiquer la date de dépôt de sa demande d'asile en France et en raison du caractère stéréotypé de la motivation sur les risques encourus ;

- la motivation ne permet pas de s'assurer que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- lors de l'audience, il a indiqué qu'il était illettré et ne savait lire et écrire que très partiellement, ce que n'a pas rappelé le premier juge. Lors de l'entretien, il n'a indiqué qu'il ne lisait l'arabe " qu'un peu ". L'interprète n'a pas procédé à la lecture des brochures. Dans ces conditions, la remise des brochures en arabe ne permet pas de satisfaire aux obligations d'information imposées par les articles 4 du règlement n° 604/2013 et 29 du règlement n° 603/2013 ;

- la brochure intitulée " guide du demandeur d'asile " qui lui a été remise, date de 2015, de sorte qu'il n'a pas été informé des récentes modifications réglementaires, notamment celles relatives à l'allocation pour demandeur d'asile ; en tout état de cause, pour le même motif que précédemment, il n'a pu prendre connaissance des informations écrites figurant dans la brochure ; la décision attaquée est donc intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- il a sollicité l'asile auprès de la structure de pré-accueil antérieurement au 22 septembre 2017. Or la requête de prise en charge n'a été adressée à l'Italie que le 22 décembre 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai fixé par l'article 21 du règlement n° 604/2013 ;

- il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe des défaillances systémiques en Italie dans le traitement des demandes d'asile, notamment en ce qui concerne l'accès à l'hébergement et aux prestations médicales, l'accès à la procédure d'asile et les informations fournies après l'exécution de la décision de transfert, caractérisant une méconnaissance de l'article 17 de la directive 2013/33/UE. L'Italie refuse même à certains navires d'accoster. Le transfert a été exécuté le 25 septembre 2018 mais il n'a pu enregistrer sa demande d'asile. Le document italien qui lui a été remis a été traduit en français alors qu'il ne comprend ni ne lit cette langue. La décision de transfert méconnaît donc les articles 3.2 du règlement n° 604/2013 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'Italie ne pouvant garantir des conditions d'accueil aux demandeurs d'asile, il incombait au préfet de faire application du 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de veiller au respect du droit d'asile. Il existe un risque de refoulement des ressortissants soudanais vers leur pays d'origine. En l'espèce, les autorités italiennes n'ont pas été en mesure de prendre en charge sa demande d'asile. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée. Il doit pouvoir rester en France pour répondre aux éventuels actes d'instruction à venir ;

- pour les raisons énoncées précédemment, il encourt un risque en cas de retour en Italie. La décision de transfert méconnaît ainsi l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale contre la torture ;

- pour les mêmes motifs, la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'arrêté de transfert vise les textes dont il fait application et mentionne l'état civil de l'intéressé, les éléments afférents à sa situation et les motifs du transfert, en l'occurrence l'entrée irrégulière sur le territoire français, la responsabilité de l'Italie dans l'examen de sa demande d'asile et l'accord des autorités italiennes pour reprendre en charge cette demande. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé ;

- la motivation non stéréotypée qui fait mention des courriers adressés par l'intéressé révèle que sa situation a été prise en compte ;

- M. B...a bénéficié d'un entretien individuel avec le concours d'un interprète en langue arabe. Le guide du demandeur d'asile et les brochures d'information sur le règlement " Dublin III " et le relevé d'empreintes digitales lui ont été remises. Toutes les informations essentielles ont ainsi été portées à sa connaissance ;

- la preuve de l'existence de défaillances systémiques n'est pas rapportée. L'Italie est en mesure de garantir l'exercice du droit d'asile. La plainte a été définitivement classée sans suite par le procureur général près la cour d'appel de Pau le 1er mars 2018. Le principe de non refoulement ne peut être utilement invoqué contre un arrêté de transfert ;

- il résulte des éléments précédemment énoncés que l'exception d'illégalité de la mesure de transfert à l'encontre de la mesure d'assignation à résidence n'est pas fondée.

Par ordonnance du 9 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2018 à midi.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme F...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant soudanais né le 20 décembre 1990, est entré irrégulièrement en France le 17 août 2017 et y a déposé une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de M. B...avaient été relevées par les autorités italiennes le 28 juillet 2017. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a adressé aux autorités italiennes le 22 décembre 2017 une demande de prise en charge de la demande d'asile de M. B...qui a été implicitement acceptée le 22 février 2018. M. B...relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2018 et de la décision du même jour par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, il résulte de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Est ainsi suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. En l'espèce, en mentionnant les textes dont il est fait application, et notamment le règlement n° 604/2013, la consultation du fichier Eurodac faisant apparaître un franchissement irrégulier de la frontière en Italie le 28 juillet 2017 et en se référant aux articles 7 et 13.1 du règlement n° 604/2013, la motivation permet d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de transfert doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté contesté, contrairement à ce que soutient M.B..., le préfet des Pyrénées-Atlantiques a procédé à un examen complet de sa situation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n°604/2013 : " (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend(...) ".

6. En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 ont été remises à M. B...sous la forme de brochures écrites en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. M. B...soutient que la remise de ces brochures ne peut satisfaire aux obligations d'information instituées par cet article dès lors qu'il ne sait lire et écrire que très partiellement. Cependant dès lors qu'il a déclaré lors de l'entretien individuel comprendre l'arabe sans autre forme de précision, le préfet pouvait raisonnablement supposer, au sens de cet article, qu'il s'agissait d'une langue lue par l'intéressé. Il incombait donc à M. D...de préciser qu'il ne savait pas lire cette langue, ce qu'il n'a pas fait. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

7. D'autre part, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par l'article 29 du règlement n° 603/2013 susvisé, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant remise aux autorités italiennes.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 de la directive n° 2013/33 susvisée : " 1. Les États membres informent, au minimum, les demandeurs, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après l'introduction de leur demande de protection internationale, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil. Les États membres garantissent que des informations sont fournies aux demandeurs sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer en ce qui concerne les conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, y compris les soins médicaux. 2. Les États membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le guide du demandeur d'asile, qui comporte les informations relatives aux avantages dont peuvent bénéficier les demandeurs d'asile et aux obligations que les Etats membres doivent respecter en ce qui concerne les conditions d'accueil ainsi qu'une liste non exhaustive d'organisations susceptibles d'assurer une assistance juridique aux demandeurs ou de les aider et les informer s'agissant des conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, a été remis à M.B.... Si ce guide a été remis dans sa version en langue arabe, il s'agit d'une langue dont le préfet pouvait raisonnablement supposer que M. B...la comprenait pour les motifs énoncés au point 6. En outre, s'il est soutenu que ce guide ne serait pas à jour au regard des dernières évolutions règlementaires, il n'est pas précisé en quoi cette circonstance, à la supposer établie, révèlerait une méconnaissance de l'obligation d'information instituée par le 1 de l'article 5 de la directive n° 2013/33. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la directive n° 2013/33 doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 : " Présentation d'une requête aux fins de prise en charge- 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017, qu'une décision de transfert vers un Etat membre autre que celui auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite ne saurait être valablement adoptée une fois expiré le délai de trois mois prévu par le 1 précité de l'article 21 (point 53). La Cour a précisé que ces dispositions contribuent de manière déterminante à la réalisation de l'objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, mentionné au considérant 5 du règlement Dublin III, en garantissant, en cas de retard dans la conduite de la prise en charge, que l'examen de la demande de protection internationale soit effectué dans l'Etat membre où cette demande a été introduite afin de ne pas différer davantage cet examen par l'adoption et l'exécution d'une décision de transfert (point 54).

11. Par ailleurs, aux termes de l'article 20 du règlement n° 604/2013 : " Début de la procédure - 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-670/16, qu'au sens du paragraphe 2 de l'article 20 précité, une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. La cour a également précisé, dans cet arrêt, que, pour pouvoir engager efficacement le processus de détermination de l'Etat responsable, l'autorité compétente a besoin d'être informée, de manière certaine, du fait qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité une protection internationale, sans qu'il soit nécessaire que le document écrit dressé à cette fin revête une forme précisément déterminée ou qu'il comporte des éléments supplémentaires pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, a fortiori, pour l'examen au fond de la demande, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure qu'un entretien individuel ait déjà été organisé (point 88).

12. Enfin, l'article 6, intitulé " Accès à la procédure ", de la directive 2013/32 du 26 juin 2013 dite " procédures " dispose : " 1. Lorsqu'une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande. Si la demande de protection internationale est présentée à d'autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes mais qui ne sont pas compétentes pour les enregistrer, les Etats membres veillent à ce que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande. (...) 3. Les Etats membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné. 4. Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par un demandeur, ou si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat concerné ". Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a procédé à la transposition de cette directive : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 741-1, l'autorité administrative compétente peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale prévue au deuxième alinéa de l'article L. 744-1 ". Le deuxième alinéa de l'article L. 744-1 auquel il est ainsi renvoyé permet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de déléguer à des personnes morales, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.

13. Il résulte de l'application combinée de l'ensemble de ces dispositions que lorsque l'autorité compétente pour assurer au nom de l'Etat français l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a, ainsi que le permet l'article R. 741-2 précité, prévu que les demandes de protection internationale doivent être présentées auprès de l'une des personnes morales qui ont passé avec l'OFII la convention prévue à l'article L. 744-1, la date à laquelle cette personne morale, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l'intention de ce dernier de solliciter la protection internationale doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande de protection internationale au sens du paragraphe 2 de l'article 20 dudit règlement et fait donc partir le délai de trois mois fixé par l'article 21, paragraphe 1, de ce règlement. L'objectif de célérité dans le processus de détermination de l'Etat responsable, rappelé par l'arrêt précité de la CJUE, serait en effet compromis si le point de départ de ce délai devait être fixé à la date à laquelle ce ressortissant se présente au " guichet unique des demandeurs d'asile " de la préfecture ou celle à laquelle sa demande est enregistrée par la préfecture.

14. Si M. B...soutient qu'il a déposé une demande d'asile avant le 22 septembre 2017 auprès d'une structure de pré-accueil, il ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation. Au contraire, M. B...indique dans son courrier du 15 décembre 2017 adressé au préfet des Pyrénées-Atlantiques qu'il a demandé l'asile le 6 novembre 2017. Or, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a adressé la demande de prise en charge de M. B...aux autorités italiennes le 22 décembre 2017, soit dans le délai de trois mois prescrit par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article en raison de la tardiveté de la demande de prise en charge doit être écarté.

15. En sixième lieu, d'une part, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. D'autre part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 (...) ".

17. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

18. Si les rapports d'organisations non gouvernementales révèlent des défaillances sans pour autant que celles-ci puissent être qualifiées de systémiques, il n'est pas établi que les autorités italiennes seraient dans l'incapacité structurelle d'examiner sa demande d'asile. En outre, M. B...ne peut utilement se prévaloir de circonstances postérieures à l'arrêté contesté, en l'occurrence son impossibilité d'enregistrer une demande d'asile à la suite de l'exécution du transfert prévu par l'arrêté contesté. Par ailleurs, le principe de non refoulement, énoncé à l'article 33 de la convention de Genève, est inopérant à l'encontre d'une mesure de transfert, qui n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de contraindre M. B...à regagner son pays d'origine. Enfin, et nonobstant son action judiciaire, M. B...ne produit aucune pièce permettant d'établir que lors de son arrivée en 2017 en Italie, il a été confiné dans un bateau et que les autorités italiennes n'auraient pas assuré sa prise en charge matérielle. Dans ces conditions, en refusant de faire application des dispositions précitées du 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.B.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 et L. 742-1, et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

19. En septième lieu, en se bornant à soutenir, sans toutefois l'établir pour les motifs énoncés au point précédent, que l'Italie n'est pas en capacité de garantir le respect de ses droits fondamentaux, M. B...n'établit pas qu'il encourt un risque de traitement inhumain ou dégradant en Italie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être écartés.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

20. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation à résidence est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui la fonde.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 9 avril 2018. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.E... B... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, présidente,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André A...

La présidente,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03141
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-31;18bx03141 ?
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