La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2018 | FRANCE | N°18BX02782

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 31 décembre 2018, 18BX02782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704607 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet

2018, M.G..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704607 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, M.G..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- cet arrêté n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il ressort des certificats versés au dossier que l'état de santé de son épouse n'a pas évolué et que le traitement nécessaire à sa pathologie n'est pas disponible en Algérie. Ce traitement ne figure pas sur la liste des médicaments remboursables en Algérie. Son épouse et lui ne disposant d'aucune ressource et vivant dans une grande précarité, elle ne pourra pas bénéficier du traitement nécessaire à son état de santé ;

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, sa présence est indispensable aux côtés de son épouse dès lors qu'ils sont mariés depuis le 2 août 1987 et qu'ils vivent ensemble. De plus, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis du 12 février 2016, qu' " il y a un caractère nécessaire de la présence de l'accompagnant aux côtés du malade au regard de l'état de santé de ce dernier " ;

- le préfet de la Haute-Garonne a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il est dans l'impossibilité de poursuivre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine dès lors que son épouse est actuellement suivie et traitée en France ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'arrêté contesté n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- l'appelant, auquel il appartient d'apporter une telle preuve, ne démontre nullement ne pas pouvoir accéder aux soins nécessaires pour son épouse ;

- les autres moyens soulevés par M. G...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à 12h00.

M. A...G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...G..., ressortissant algérien né le 20 février 1961, déclare être entré en France le 12 septembre 2013. A la suite d'un contrôle d'identité en date du 17 mars 2014, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le même jour, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 mars 2014. M. G...est de nouveau entré en France et a sollicité, le 14 décembre 2015, son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, en qualité d'accompagnant de son épouse malade, et a bénéficié, à ce titre, d'une autorisation provisoire de séjour valable du 22 mars 2016 au 7 mars 2017. Par arrêté du 28 juillet 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer un titre de séjour à M.G..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi. M. G...relève appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 18 octobre 2018, M. G...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté contesté, que la décision de refus de séjour opposée à M. G...a été précédée d'un examen circonstancié de sa situation personnelle et familiale.

4. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " En vertu de article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Pour justifier l'arrêté en litige, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur le fait que son épouse faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement compte tenu de l'avis du 12 juin 2017 par lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de cette dernière nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie.

6. D'une part, l'appelant soutient que son épouse souffre d'une pathologie oculaire sévère et d'une ostéite chronique du membre inférieur gauche, qui, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'OFII, nécessiterait un traitement dont elle ne pourra bénéficier dans son pays d'origine, et qui impliquerait également, compte tenu de ses troubles invalidants, sa présence permanente à ses côtés. Cependant, les certificats médicaux produits par le requérant, dont l'un est au demeurant postérieur à la date de la décision contestée, même s'ils font état d'une baisse d'acuité visuelle importante résultant d'un décollement de la rétine, ne se prononcent pas de manière circonstanciée sur l'absence de disponibilité du traitement ophtalmologique adapté en Algérie. En particulier, le certificat médical du DrD..., médecin généraliste en date du 2 février 2016, se borne à indiquer que " le traitement spécialisé n'est pas disponible dans le pays d'origine ". Le requérant ne peut utilement se prévaloir de deux certificats médicaux des 17 juillet 2015 et 9 mars 2017 du Dr E...B..., ophtalmologue, indiquant qu' " en cas d'aggravation de la pathologie, des injections de Lucentis devront être envisagées " et que ce traitement n'est pas disponible dans le pays d'origine dès lors qu'à la date de la décision contestée, l'état de santé de Mme G...ne nécessitait pas de telles injections. A ce titre, si l'appelant produit des ordonnances prescrivant à son épouse une injection de Lucentis, cette ordonnance, datée de mars 2018, est postérieure de huit mois à l'arrêté en litige et ne justifie donc pas que l'état de santé de l'intéressée nécessitait un tel traitement à la date de cet arrêté. Dans ces conditions, l'épouse de l'appelant pouvant, à la date de la décision contestée, bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, rien ne faisait obstacle à son éloignement du territoire français et, en conséquence, à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Algérie.

7. D'autre part, M.G..., qui est entré en France à l'âge de 53 ans, n'établit ni même n'allègue avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français en dehors de sa cellule familiale. De plus, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident trois de ses enfants et ses parents. Dans ces conditions, et eu égard à la mesure d'éloignement prise à l'encontre de son épouse, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, le refus litigieux n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.

9. En second lieu, il résulte de ce qui est indiqué aux points 5 et 6 du présent arrêt que la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. G...au regard des buts qu'elle poursuit et qu'elle n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. M. G...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 juillet 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. G...tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. G...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...G...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, présidente,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André C...

La présidente,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX02782

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02782
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BENHAMIDA DJAMILA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-31;18bx02782 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award