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31/12/2018 | FRANCE | N°16BX04278

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 16BX04278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Esprit a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1500136 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2016, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Esprit a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1500136 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2016, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Esprit a prononcé sa mise à la retraite d'office ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Esprit de le réintégrer dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Esprit la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- les membres du conseil de discipline n'étaient pas impartiaux ;

- les six griefs retenus contre lui devant le conseil de discipline sont infondés en fait et en droit et ne sont pas constitutifs de fautes ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2017, la commune de Saint-Esprit conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de M. D... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par une ordonnance du 21 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., nommé directeur général des services de la commune de Saint-Esprit par arrêté du maire en date du 1er juillet 2005, a été suspendu de ses fonctions, à titre conservatoire, à compter du 30 septembre 2014. Le 15 janvier 2015, le conseil de discipline s'est prononcé en faveur de sa mise à la retraite d'office, sanction du 4ème groupe. Cette sanction lui a été infligée par arrêté du maire de la commune de Saint-Esprit en date du 29 janvier 2015. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 2015, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

2. En premier lieu, M. D... soutient que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie.

3. Il ressort des termes de l'arrêté du 29 janvier 2015 qu'il est reproché à M. D... d'avoir " engagé des discussions avec l'établissement public foncier local (EPFL) pour tenter de revendre son terrain déclassé irrégulièrement et de réaliser une importante plus-value, alors même qu'il savait dès l'année 2011 que le plan local d'urbanisme était menacé d'annulation, notamment en raison du déclassement irrégulier de ladite parcelle ", d'avoir " dissimulé à l'EPFL, notamment à son directeur, qu'une procédure en annulation était en cours devant le tribunal administratif, laquelle concernait directement la parcelle S 973 lui appartenant, laissant ainsi l'établissement public foncier faire l'acquisition de ladite propriété pour un montant de 1 283 000 euros (...) par délibération n° 13-28 du 15 novembre 2013 " et d'avoir " traité le dossier contentieux du PLU (Préfet de la Martinique / Commune de Saint-Esprit) avec la plus grande opacité (disparition du dossier des archives de la mairie, choix unilatéral par M. D... de l'avocat par simple mail, absence de courrier du maire désignant l'avocat pour cette affaire, en dépit des demandes de l'avocat d'obtenir un courrier officiel le désignant, comme en atteste une lettre de Me A...en date du 29 avril 2013) ".

4. En ce qui concerne les deux premiers motifs, la circonstance que M. D... a engagé des discussions avec l'EPFL afin de lui vendre un terrain cadastré S 973, et ce alors que la délibération du 17 décembre 2010 approuvant le plan local d'urbanisme ayant autorisé le classement de ce terrain en zone constructible faisait l'objet d'un déféré préfectoral introduit le 5 juillet 2011, n'est pas, en tant que telle, constitutive d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par ailleurs, la circonstance que le classement en zone constructible de la parcelle en litige a été contesté par le préfet de la Martinique dans le cadre d'un déféré devant la juridiction administrative ne suffit pas à faire regarder un tel classement comme irrégulier. A cet égard, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce classement aurait fait l'objet d'une annulation contentieuse en raison de son illégalité. Par suite, il ne saurait être reproché à M. D... d'avoir proposé à l'EPFL d'acquérir une parcelle " irrégulièrement déclassée ". Si d'autre part il a été reproché à M. D...d'avoir laissé l'EPFL faire l'acquisition de ladite parcelle pour un montant de 1 283 000 euros en s'abstenant d'informer son directeur de l'existence d'un déféré préfectoral à l'encontre de son classement au plan local d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que cet établissement n'a jamais finalisé cette acquisition. Dans ces conditions, seule est établie la matérialité du motif tenant à ce que M. D... s'est abstenu d'informer l'EPFL de ce que le classement de la parcelle cadastrée S n° 973 en zone constructible faisait l'objet d'un recours contentieux.

5. En ce qui concerne le troisième motif, si la commune de Saint-Esprit soutient que la disparition en mairie du dossier relatif à l'action introduite par le préfet de la région Martinique à l'encontre de la délibération du 17 décembre 2010 ayant approuvé son plan local d'urbanisme est imputable à M. D..., elle ne produit aucun élément ou document permettant de corroborer cette allégation. Il est par ailleurs constant que MeA..., contacté en urgence par le requérant pour se constituer avocat dans ce dossier au début de l'année 2013, avait défendu les intérêts de la commune dans le cadre de l'action en référé introduite par le préfet le 20 juin 2011, tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 17 décembre 2010. La décision de solliciter à nouveau ce conseil, dans le cadre de l'action au fond, alors qu'il convenait de déposer rapidement des écritures en défense, n'apparait dès lors pas dénuée de fondement et ne révèle aucune faute imputable au requérant. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Me A...a, par un courrier du 4 mars 2013, informé le maire de la commune de ce qu'il avait sollicité la réouverture de l'instruction dans cette affaire, puis par un nouveau courrier du 29 avril 2013, également adressé au maire, demandé que celui-ci lui adresse une lettre de mission afin de lui permettre de poursuivre ses diligences devant la juridiction administrative. Par suite, et dès lors que le maire a ainsi été en contact direct avec MeA..., qui l'a tenu informé de l'ensemble des démarches entamées dans ce dossier, il ne saurait être reproché à M. D... " l'absence de courrier du maire désignant l'avocat pour cette affaire, en dépit des demandes de l'avocat d'obtenir un courrier officiel le désignant ".

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. A supposer que l'omission d'informer un acquéreur intéressé de ce que le classement en zone constructible de la parcelle proposée à la vente fait l'objet d'un recours devant le juge administratif puisse s'analyser, lorsque le vendeur occupe des fonctions de directeur général des services auprès d'une collectivité locale, comme un manquement à l'honneur et au devoir de probité du fonctionnaire, un tel manquement ne justifiait pas, dans les circonstances de l'espèce, alors notamment que l'information en cause était publique et aisément accessible par l'acheteur intéressé, et que M. D... ne s'est rendu coupable d'aucune manoeuvre aux fins qu'une telle information demeure cachée, le prononcé d'une mise à la retraite d'office, sanction du quatrième groupe. Par suite, une telle sanction est en l'espèce disproportionnée au fait reproché et M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à son annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2015 prononçant la mise à la retraite d'office de M. D... implique nécessairement que celui-ci soit réintégré par la commune de Saint-Esprit dans le poste qu'il occupait ou dans un poste équivalent, sous réserve qu'il n'ait pas, à la date de notification du présent arrêt, atteint la limite d'âge qui lui est applicable. Cette annulation implique également, en toute hypothèse, qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux pour la période comprise entre la date de notification de l'arrêté du 29 janvier 2015 et celle, soit de la notification du présent arrêt, soit à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la commune de Saint-Esprit d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Esprit le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique en date du 10 novembre 2016 et l'arrêté du 29 janvier 2015 du maire de la commune de Saint-Esprit portant mise à la retraite d'office de M. D... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Esprit de réintégrer M. D... dans le poste qu'il occupait ou, à défaut, dans un poste équivalent, sous réserve qu'il n'ait pas atteint, à la date de notification du présent arrêt, la limite d'âge qui lui est applicable, et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux au titre de la période de son éviction du service, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Saint-Esprit versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté, de même que les conclusions présentées par la commune de Saint-Esprit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et à la commune de Saint-Esprit. Copie en sera adressée à la ministre de l'outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

M. David Katz, premier conseiller,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX04278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04278
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : DEPORCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-31;16bx04278 ?
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