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18/12/2018 | FRANCE | N°16BX02090,16BX02548

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 16BX02090,16BX02548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de le décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403353 et n° 1404847 du 14 avril 2016 le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. A...la décharge du complément et des suppléments d'impositions

contestés à concurrence d'un montant supplémentaire de charges forfaitaires de 10 % du m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de le décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403353 et n° 1404847 du 14 avril 2016 le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. A...la décharge du complément et des suppléments d'impositions contestés à concurrence d'un montant supplémentaire de charges forfaitaires de 10 % du montant de son chiffre d'affaires reconstitué hors taxe de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2010 et des majorations pour manquement délibéré appliquées en matière de bénéfices non commerciaux et d'impôt sur le revenu pour les années 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2009, 2010 et 2011.

Procédure devant la cour :

I°) Par ordonnance du 22 juin 2016 le président de la section du contentieux du Conseil d'État a renvoyé à la cour administrative d'appel de Bordeaux, où elle a été enregistrée le 28 juin 2016 sous le n° 16BX02090, la requête de M. B...A..., représenté par la SELARL Pierre Natalis et Julien Pramil-Marroncle, par laquelle il demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1403353 et n° 1404847 du 14 avril 2016 du tribunal administratif de Bordeaux, ayant fait partiellement droit à sa demande, en tant qu'il ne l'a déchargé qu'à concurrence d'un montant supplémentaire de charges forfaitaires de 10 % du montant de son chiffre d'affaires reconstitué hors taxe de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2010 et des majorations pour manquement délibéré appliquées en matière de bénéfices non commerciaux, d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010 et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux années 2009 à 2011.

2°) de le décharger intégralement du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par cinq mémoires, enregistrés les 23 mars, 22 mai et 6 juin 2017 et les 12 avril et 14 juin 2018, M.A..., représenté par la SELARL Pierre Natalis et Julien Pramil-Marroncle persiste dans ses conclusions et porte à 5 000 euros le montant de la somme dont il demande qu'elle soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande, également et à titre subsidiaire, la réduction du complément et des suppléments d'impositions litigieux.

Il soutient que :

- la vérification de comptabilité est entachée d'irrégularité, en raison de ce que des documents comptables emportés par le service ne lui ont pas été restitués dans les formes prévues par la doctrine administrative, c'est-à-dire accompagnés d'une décharge correspondant strictement au reçu délivré lors de l'emport (13 L-1313 n° 10 du 1er juillet 1992) ;

- la proposition de rectification du 24 septembre 2012 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne permet pas de connaître la méthode ayant servi à la reconstitution de ses bénéfices non commerciaux et, par voie de conséquence, les propositions de rectifications des 4 et 5 octobre 2012 sont également insuffisamment motivées ;

- de plus et pour le même motif, ces propositions de rectifications n'ont pu interrompre le délai de reprise dont disposait le service, de sorte que la prescription est acquise pour l'ensemble des années et de la période d'imposition en litige ;

- en outre, la proposition de rectification du 24 septembre 2012 est entachée d'un vice de forme, en ce qu'elle n'est pas revêtue de la signature de son auteur ;

- il en découle également que les pénalités pour manquement délibéré sont irrégulières, en l'absence du visa prévu par les dispositions de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ;

- par ailleurs et s'agissant du bien fondé du complément et des suppléments d'imposition concernés, l'évaluation effectuée par le service ne reflète pas la réalité économique de son activité ;

- à partir des documents qu'il a pu réunir, malgré le sinistre qui a endommagé ses locaux, il aboutit à des montants de bénéfices non commerciaux inférieurs à ceux retenus par l'administration, ainsi ses bénéfices non commerciaux doivent être évalués à 47 206 euros au titre de 2009, à 64 907 euros au titre de 2010 et à - 88 euros au titre de 2011 ;

- de même, la taxe sur la valeur ajoutée due s'élève à 5 920 euros pour 2009, 20 211 euros pour 2010 et 3 069 euros pour 2011.

Par cinq mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2016, les 19 avril et 22 juin 2017, et les 29 mai et 11 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- toutes les pièces comptables emportées ont été restituées, le 18 septembre 2012, et il existe une identité de référence entre les pièces emportées et celles qui ont été restituées ;

- les propositions de rectification sont suffisamment motivées et ont interrompu le délai de reprise ;

- ces documents étaient, par ailleurs, dûment signés ;

- les pièces produites, pour la première fois en appel, par M.A..., ne sont pas de nature à justifier des montants de charges auxquels il se réfère, y compris les documents relatifs aux rétrocessions d'honoraires à MmeC... ;

- en effet et outre que le montant de ces rétrocessions a varié à plusieurs reprises dans les écritures de M.A..., il n'est pas justifié de l'affectation des paiements auxquels se réfère ce dernier au règlement de ces rétrocessions.

Par ordonnance du 1er juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2018.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 15 juin 2018.

II°) Par une requête et quatre mémoires, enregistrés le 25 juillet 2016, les 19 avril et 2 et22 juin 2017, et les 29 mai et 11 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) l'annulation de l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 avril 2016 ;

2°) de remettre à la charge de M. A...la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011 ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Il soutient que :

- le tribunal s'est mépris en jugeant que la proposition de rectification du 24 septembre 2012 ne comportait pas la signature d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ;

- ce document comportait en réalité cette signature ainsi que l'ensemble des mentions requises pour appliquer les majorations pour manquement délibéré ;

- du reste, M. A...n'avait pas expressément soulevé ce moyen en première instance ;

- contrairement à ce que soutient l'intimé, toutes les pièces comptables emportées ont été restituées, le 18 septembre 2012 et il existe une identité de référence entre les pièces emportées et celles qui ont été restituées ;

- les propositions de rectifications sont suffisamment motivées et ont interrompu le délai de reprise ;

- ces documents étaient, par ailleurs, dûment signés ;

- les pièces produites, pour la première fois en appel, par M.A..., ne sont pas de nature à justifier des montants de charges auxquels il se réfère, y compris les documents relatifs aux rétrocessions d'honoraires à MmeC... ;

- en effet et outre que le montant de ces rétrocessions a varié à plusieurs reprises dans les écritures de M.A..., il n'est pas justifié de l'affectation des paiements auxquels se réfère ce dernier au règlement de ces rétrocessions ;

- c'est à tort, de plus, que le jugement attaqué a estimé que l'administration n'était pas fondée à appliquer à l'année 2010 un taux de 10 % pour déterminer le montant des charges de l'intéressé autres que les salaires, les loyers et les taxes ;

- en effet, M. A...n'a produit aucun élément probant de nature à justifier l'application d'un taux de 20 % au titre de l'année précitée ;

- enfin, le tribunal a prononcé la décharge de la totalité des pénalités, au-delà des seules majorations pour manquement délibéré, pourtant les seules à devoir être autorisées par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire et, au titre de 2010, ce visa n'était, au demeurant, pas requis, la déclaration afférente aux bénéfices non commerciaux ayant été déposée plus de trente jours après l'envoi d'une mise en demeure.

Par cinq mémoires en défense, enregistrés les 23 mars, 22 mai et 6 juin 2017 et les 12 avril et 14 juin 2018, M. A...conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) à titre principal, la réformation du jugement litigieux en tant qu'il ne lui a pas accordé la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;

2°) à titre subsidiaire, la réformation du jugement litigieux en tant qu'il ne lui a pas accordé la réduction du complément et des suppléments précités, à hauteur de la diminution d'imposition qui résulte de la prise en compte de montants de bénéfices non commerciaux ramenés à 47 206 euros au titre de 2009, à 64 907 euros au titre de 2010 et à - 88 euros au titre de 2011 et de montants de taxe sur la valeur ajoutée ramenés à 5 920 euros pour 2009, à 20 211 euros pour 2010 et à 3 069 euros pour 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la vérification de comptabilité est entachée d'irrégularité, en raison de ce que des documents comptables emportés par le service ne lui ont pas été restitués dans les formes prévues par la doctrine administrative, c'est-à-dire accompagnés d'une décharge correspondant strictement au reçu délivré lors de l'emport (13 L-1313 n° 10 du 1er juillet 1992) ;

- la proposition de rectification du 24 septembre 2012 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne permet pas de connaître la méthode ayant servi à la reconstitution de ses bénéfices non commerciaux et, par voie de conséquence, les propositions de rectifications des 4 et 5 octobre 2012 sont également insuffisamment motivées ;

- de plus et pour le même motif, ces propositions de rectifications n'ont pu interrompre le délai de reprise dont disposait le service, de sorte que la prescription est acquise pour l'ensemble des années et de la période d'imposition en litige ;

- en outre, la proposition de rectification du 24 septembre 2012 est entachée d'un vice de forme, en ce qu'elle n'est pas revêtue de la signature de son auteur ;

- il en découle également que les pénalités pour manquement délibéré sont irrégulières, en l'absence du visa prévu par les dispositions de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ;

- par ailleurs et s'agissant du bien fondé du complément et des suppléments d'impositions concernés, l'évaluation effectuée par le service ne reflète pas la réalité économique de son activité ;

- à partir des documents qu'il a pu réunir, malgré le sinistre qui a endommagé ses locaux, il aboutit ainsi à des montants de bénéfices non commerciaux inférieurs à ceux retenus par l'administration.

Par ordonnance du 1er juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2018.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 15 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., qui exerce la profession d'avocat à titre libéral, a fait l'objet, d'une part, d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les années 2009, 2010 et 2011 et, d'autre part, d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, qui a porté sur la même période. À l'issue de ces contrôles, le service lui a adressé, les 24 septembre, 4 et 5 octobre 2012, selon la procédure de rectification contradictoire s'agissant des bénéfices non commerciaux afférents à l'année 2009 et de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales s'agissant des bénéfices non commerciaux afférents à 2010 et 2011 et selon la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 66 du livre des procédures fiscales s'agissant de l'ensemble de ses revenus imposables de l'année 2011, trois propositions de rectification l'informant de son intention de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des rehaussements de ses bénéfices non commerciaux au titre de l'ensemble de la période vérifiée.

2. M. A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011, qui ont trouvé leur origine dans les contrôles précités. Par la requête n° 16BX02090, il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 avril 2016, à titre principal en tant que celui-ci ne lui a pas accordé la décharge totale du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur le revenu précités et, à titre subsidiaire et dans le dernier état de ses écritures, en tant qu'il ne lui a pas accordé la réduction de ce complément et de ces suppléments à concurrence de la diminution d'imposition qui résulte de la prise en compte de montants de bénéfices non commerciaux ramenés à 47 206 euros au titre de 2009, à 64 907 euros au titre de 2010 et à - 88 euros au titre de 2011 et de montants de taxe sur la valeur ajoutée ramenés à 5 920 euros pour 2009, à 20 211 euros pour 2010 et à 3 069 euros pour 2011.

3. Par la requête n° 16BX02548, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 avril 2016, qui a accordé à M. A...la décharge en droits, à concurrence d'un montant supplémentaire de charges forfaitaires de 10 % du montant de son chiffre d'affaires reconstitué hors taxe de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2010 et des majorations pour manquement délibéré appliquées en matière de bénéfices non commerciaux et d'impôt sur le revenu pour les années 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2009, 2010 et 2011, et que soient remis à la charge de M. A...les droits et pénalités dégrevés en exécution de cet article 1er.

Sur la jonction :

4. Les requêtes susvisées n° 16BX02090 et n° 16BX02548 présentées, s'agissant de la première, par M.A..., et, en ce qui concerne la seconde, par le ministre de l'action et des comptes publics, sont relatives aux mêmes impositions, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité et de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu et aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".

6. Pour la première fois en appel, M. A...soutient, dans le dernier état de ses écritures, que la vérification de comptabilité serait entachée d'irrégularité en ce que le service ne lui aurait pas restitué la totalité des documents comptables emportés lors du contrôle et que cette restitution aurait été effectuée en méconnaissance des formes prévues par la doctrine administrative exprimée sous la référence 13 L-1313 n° 10 du 1er juillet 1992, c'est-à-dire sans être accompagnée d'une décharge correspondant strictement au reçu délivré lors de l'emport. Cependant, et alors d'ailleurs que l'appelant ne précise pas quels documents n'auraient pas été restitués à l'issue du contrôle, il résulte, en tout état de cause, de l'instruction et notamment des listes des documents emportés et restitués produites à l'instance par le ministre, que la totalité des documents emportés le 5 juillet 2012 ont été restitués le 18 septembre 2012 et que cette restitution s'est accompagnée d'une décharge correspondant au reçu délivré lors de l'emport.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable en l'espèce aux bénéfices non commerciaux afférents à l'année 2009 et à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Et aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, applicable aux bénéfices non commerciaux afférents aux années 2009 et 2011 et à l'ensemble des revenus imposables au titre de 2011 : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription (...) ".

8. M. A...soutient, pour la première fois en appel, que les propositions de rectification qui lui ont été adressées les 24 septembre et 4 et 5 octobre 2012, citées au point 1, seraient insuffisamment motivées en ce qu'elles ne préciseraient pas la méthode mise en oeuvre par l'administration pour reconstituer ses bénéfices non commerciaux et la taxe sur la valeur ajoutée due. Cependant, il ressort de ces documents qu'ils désignent les impôts concernés, leur montant par catégorie, les années d'imposition, ainsi que les motifs de droit et de fait des rehaussements et rappels. Il y est ainsi indiqué que le service vérificateur a dressé un procès-verbal, contresigné par M.A..., de défaut de présentation de comptabilité et qu'il a été procédé à la reconstitution des recettes à partir des crédits du compte bancaire professionnel du contribuable. S'agissant des charges déductibles du revenu, la proposition de rectification du 24 septembre 2012, à laquelle les deux autres propositions de rectification se réfèrent en ce qui concerne les bénéfices non commerciaux, précise que le service n'a retenu que les dépenses identifiables et justifiées, notamment les salaires et charges sociales, les loyers des locaux, la taxe professionnelle 2009 et la cotisation foncière des entreprises des années 2010 et 2011 et a accepté, en sus, de retenir un montant forfaitaire représentatif de charges, estimé à 20 % des recettes encaissées pour les années 2009 et 2011 et à 10 % pour l'année 2010. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de ces propositions de rectification ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes du I de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications ".

10. Il résulte de l'instruction et notamment de l'exemplaire de la proposition de rectification du 24 septembre 2012 produit en appel par le ministre de l'action et des comptes publics, que ce document était revêtu tant de la signature manuscrite d'un inspecteur principal, afin de viser les pénalités pour manquement délibéré qui étaient envisagées, que de son auteur, soit un inspecteur des impôts, par conséquent un agent de catégorie A. L'appelant, qui ne prétend du reste pas que la proposition de rectification concernée n'aurait pas effectivement émané de l'inspecteur des impôts qui a effectué la vérification de comptabilité, ne saurait à cet égard utilement se référer à un autre exemplaire du document précité, communiqué par ses soins, et dépourvu de ces signatures. Par conséquent le moyen, nouveau en appel, tiré de l'absence de signature de la proposition de rectification du 24 septembre 2012 par un agent habilité pour ce faire doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le bien fondé des impositions litigieuses :

Quant à la prescription :

11. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ". Et aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ".

12. Pour la première fois en appel, M. A...soutient que les propositions de rectifications des 24 septembre et 4 et 5 octobre 2012 n'ont pas pu interrompre, en raison de leur irrégularité, le délai de reprise dont disposait l'administration en vertu des dispositions précitées des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales. Cependant, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 10, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Quant aux reconstitutions de recettes et de bénéfices non commerciaux effectuées par l'administration :

13. D'une part et aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ". Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession. Au demeurant, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu litigieux incombe en l'espèce à M.A..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu afférents à 2009 et 2010, et, en vertu de l'article L. 193 du même livre, en raison de ce qu'il était en situation de taxation d'office en matière d'impôt sur le revenu au titre de 2011.

14. D'autre part, il résulte des dispositions combinées du 1 de l'article 271, du 2 de l'article 272 et du 4 de l'article 283 du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'opérations imposables est déductible dans le cas de services facturés à l'entreprise, de la taxe à laquelle celle-ci est assujettie à raison des opérations en cours, à condition que les factures mentionnent ladite taxe, qu'elles aient été établies au nom du redevable par son fournisseur, qu'elles correspondent effectivement à l'opération dont elles font état, et que le prix indiqué soit réellement celui qui doit être acquitté par l'entreprise.

15. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8, aucune comptabilité n'a été présentée lors de la vérification de comptabilité de l'activité d'avocat de M. A...et le service, pour reconstituer les bénéfices non commerciaux imposables et la taxe sur la valeur ajoutée due, est parti des crédits du compte bancaire professionnel du contribuable et, s'agissant des charges déductibles du revenu, n'a retenu que les dépenses identifiables et justifiées, notamment les salaires et charges sociales, les loyers des locaux, la taxe professionnelle 2009 et la cotisation foncière des entreprises des années 2010 et 2011. Il a par ailleurs accepté, en sus et en dépit de l'absence de toute pièce, de retenir un montant forfaitaire représentatif de charges, estimé à 20 % des recettes encaissées pour les années 2009 et 2011 et à 10 % pour l'année 2010.

16. Il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2010 le montant des charges supplémentaires ainsi admises en déduction par le service s'établit à 22 060 euros. Le tribunal a porté à 44 120 euros ce montant, en admettant un taux de déduction forfaitaire de 20 %, sans pour autant disposer de quelque élément que ce soit permettant de justifier cette déduction supplémentaire. Ne saurait à cet égard établir la réalité des charges supplémentaires la seule circonstance que le service a acceptée, sans y être en rien tenu, d'appliquer un taux de 20 % aux deux autres années d'impositions litigieuses. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'en l'absence d'explications apportées par l'administration quant à l'application d'un taux de 10 % de déduction de charges supplémentaires à l'année 2010 il convenait de porter ce taux à 20 % et de prononcer la décharge subséquente.

17. En outre, M. A...produit, pour la première fois en appel, des pièces destinées à justifier des charges déductibles de ses recettes et revendique en conséquence, compte tenu par ailleurs de ce qu'il reprend les montants de recettes tels que déterminés par l'administration, la fixation des montants de ses bénéfices non commerciaux à 47 206 euros au titre de 2009, à 64 907 euros au titre de 2010 et à - 88 euros au titre de 2011 et des montants de taxe sur la valeur ajoutée à 5 920 euros pour 2009, à 20 211 euros pour 2010 et à 3 069 euros pour 2011.

18. Toutefois, il ressort de l'examen de ces documents, d'une part, que certains d'entre eux, relatifs notamment au paiement de cotisations à l'ordre des avocats, de loyers et de cotisations sociales, ont déjà été pris en compte dans la reconstitution des bénéfices non commerciaux opérée par le service et, d'autre part, que les autres pièces fournies et notamment celles afférentes aux déplacements et celles concernant les rétrocessions d'honoraires qui auraient été effectuées au profit de sa collaboratrice, MmeC..., qu'il présente par ailleurs comme ayant été sa compagne au titre des années d'impositions litigieuses, ne permettent pas de vérifier la réalité soit du paiement des dépenses alléguées soit de leur nature elle-même. Dès lors, M. A...ne peut être regardé comme justifiant des montants de bénéfices non commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il se réfère.

En ce qui concerne les pénalités :

19. Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ".

20. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le ministre a produit en appel un exemplaire de la proposition de rectification du 24 septembre 2012 dûment revêtu de la signature manuscrite d'un inspecteur principal. Par conséquent, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision d'appliquer les majorations pour manquement délibéré prévues par l'article 1729 du code général des impôts aux droits supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre de l'année 2009 a été prise dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales.

21. En outre et comme le soutient le ministre c'est également à tort que le tribunal a prononcé la décharge de la totalité des majorations de 40 % appliquées au titre des années d'impositions litigieuses, y compris de celles mises en oeuvre sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts pour absence de dépôt de la déclaration de revenus, malgré mise en demeure.

22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. A...la décharge du complément et des suppléments d'impositions contestés à concurrence d'un montant supplémentaire de charges forfaitaires de 10 % du montant de son chiffre d'affaires reconstitué hors taxe de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2010 et des majorations pour manquement délibéré appliquées en matière de bénéfices non commerciaux et d'impôt sur le revenu pour les années 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2009, 2010 et 2011, et, d'autre part, que la requête n° 16BX02090 de M. A...ainsi que les conclusions incidentes de ce dernier présentées dans l'instance n° 16BX02548 doivent être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 14 avril 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les droits et pénalités dégrevés par l'administration en exécution de l'article 1er du jugement précité sont remis à la charge de M.A....

Article 3 : La requête n° 16BX02090 et les conclusions de M. A...présentées dans l'instance n° 16BX02548 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX02090, N° 16BX02548


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