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04/12/2018 | FRANCE | N°16BX02708

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 16BX02708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1201113 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la commune de Técou tendant à la condamnation de la société gaillacoise de Travaux Publics Laclau à lui régler, à titre de provision, la somme de 454 480 euros TTC en réparation du préjudice que lui ont causé les désordres affectant l'ouvrage public dénommé " le chemin de ronde ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016 et un mémoire, enregistré

le 24 août 2017, la commune de Técou, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1201113 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la commune de Técou tendant à la condamnation de la société gaillacoise de Travaux Publics Laclau à lui régler, à titre de provision, la somme de 454 480 euros TTC en réparation du préjudice que lui ont causé les désordres affectant l'ouvrage public dénommé " le chemin de ronde ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016 et un mémoire, enregistré le 24 août 2017, la commune de Técou, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 ;

2°) de condamner la société gaillacoise de Travaux Publics Laclau (SGTP) à lui verser une provision d'un montant de 454 480 euros TTC, réactualisée sur l'indice BT01 du coût de la construction à la date de son paiement effectif, en réparation du préjudice que lui ont causé les désordres affectant l'ouvrage public dénommé " le chemin de ronde " ;

3°) de mettre à la charge de la SGTP la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance, outre les entiers dépens dont les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- les dommages qui ont fait l'objet du protocole d'accord signé le 26 janvier 2004 sont distincts de ceux à raison desquels elle demande la condamnation de la SGTP ;

- la responsabilité de la SGTP est engagée à raison de ces nouveaux dommages tant sur le fondement de la responsabilité décennale que de la responsabilité contractuelle ;

- l'évaluation, par l'expert, du montant des travaux de remise en état résulte d'une juste appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 31 août 2016, la SMABTP, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Técou au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle fait valoir que le jugement attaqué est devenu définitif en tant qu'il a rejeté les demandes dirigées contre elle et soutient que la commune ne peut se prévaloir ni de la responsabilité décennale, dès lors qu'elle était informée de l'absence de conformité affectant les travaux lors de leur réception, ni de la responsabilité contractuelle, dès lors que ces travaux n'ont pas été réceptionnés avec réserve.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2017, la SGTP, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Técou au titre des frais exposés pour l'instance, subsidiairement, à ce que le montant de travaux de reprise soit limité à la somme totale de 277 393 euros.

Elle soutient, à titre principal, que la demande de la commune est irrecevable dès lors qu'aux termes du protocole d'accord du 26 janvier 2004, la commune a définitivement renoncé à tout recours ; subsidiairement, que ses responsabilités décennale et contractuelle ne sauraient être engagées dès lors que le maître d'ouvrage avait connaissance des désordres en cause lors de la réception sans réserve de l'ouvrage dont s'agit et que cette réception a mis fin à leurs relations contractuelles alors, en outre, que cet ouvrage est entaché d'un vice de conception dont le maître d'oeuvre est seul responsable et qu'il en est de même des travaux de reprise ; enfin, qu'elle n'a commis aucune faute et que les dommages dont s'agit sont dus à l'immixtion fautive de la commune dans la conduite des travaux de reprise ainsi qu'aux aménagements inadaptés qu'elle a fait, réalisés postérieurement à ces travaux ; à titre infiniment subsidiaire, que les travaux de reprise préconisés par l'expert sont disproportionnés tant dans leur dimensionnement que dans leur montant.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2017, la société AXA France IARD, représentée par MeC..., demande à la cour de constater que les parties n'ont dirigé contre elle aucune conclusion.

Elle soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des litiges relatifs au contrat liant un constructeur privé à son assureur.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour de mettre l'État hors de cause et, subsidiairement, de rejeter les conclusions qui seraient dirigées contre lui.

Il fait valoir que les parties n'ont dirigé contre lui aucune conclusion et soutient que la DDE n'avait pas la qualité de maître d'oeuvre concernant les travaux de reprise, que la commune ne peut se prévaloir de la garantie décennale dès lors qu'elle avait connaissance des vices affectant l'ouvrage lors de sa réception sans réserve et que l'ouvrage initial n'était pas entaché d'un vice de conception.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D... ;

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Técou.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 23 août 1999, la commune de Técou a confié à la société gaillacoise de travaux publics Laclau (SGTP) un marché de travaux relatif à l'enrochement du chemin de ronde du village dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à la direction départementale de l'équipement du Tarn (DDE). Ces travaux ont été réceptionnés en 2001 mais des désordres sont apparus dès le mois de juillet suivant et une partie de l'ouvrage s'est effondrée en février 2003. Un protocole d'accord transactionnel prévoyant notamment la réalisation de travaux de réparation selon les modalités techniques définies par le laboratoire régional des ponts et chaussées et fixant les modalités de leur financement a été signé le 26 janvier 2004 par la commune, par l'État et par la SGTP. De nouveaux désordres ont toutefois été constatés au cours de l'année 2009. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a déposé son rapport le 30 juin 2011. La commune de Técou demande à la cour d'annuler le jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SGTP à lui régler, à titre de provision, la somme de 454 480 euros TTC en réparation du préjudice que lui a causé les désordres affectant le chemin de ronde du village.

Sur la responsabilité :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des rapports établis par l'expert judiciaire et par le laboratoire régional des ponts et chaussées, d'une part, que les désordres survenus à compter de l'année 2001 résultaient de l'utilisation de blocs de pierre inadaptés aux aléas climatiques, de leur utilisation comme parement subvertical plutôt que comme enrochement et de l'absence de drainage de l'ouvrage, d'autre part, que les travaux de reprise nécessitaient de " procéder à un traitement de l'ensemble de l'ouvrage " impliquant notamment " de démonter l'actuel massif et enrochement par morceau de 20 m, fondé sur 1 m " et de réaliser " un système de collecte des eaux ". En outre, le protocole d'accord du 26 janvier 2004 cité au point 1 avait précisément pour objet la réalisation des travaux de reprise correspondants sur les deux parties du mur de soutènement, conformément aux modalités techniques définies dans le rapport du laboratoire régional des ponts et chaussées, ainsi que le prévoyaient les stipulations de son article 6. Enfin, ce protocole précisait à son article 8 que " L'État, la commune de TÉCOU et l 'entreprise SGTP LACLAU renoncent à toute action et à tout recours ultérieur, qu'il soit amiable ou contentieux, devant quelque instance que ce soit, pour tout point antérieur à la signature du présent protocole et lié à la même cause. ". Par suite, les dispositions de l'article 2052 du code civil disposant que " les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ", la commune n'est pas recevable à engager la responsabilité de la SGTP à raison de malfaçons ou de désordres liés aux travaux réalisés antérieurement à ce protocole d'accord et liés à la qualité des blocs utilisés, à celle de l'enrochement ou à l'absence de système de drainage.

3. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction que la commune de Técou doit être regardée comme ayant réceptionné tacitement et sans réserve les travaux de reprise effectués par la SGTP dès lors qu'elle a pris possession de l'ouvrage au cours de l'année 2004 et n'a assorti la mise en paiement de ces travaux d'aucune réserve alors pourtant que, par lettre du 30 avril 2004, la DDE l'avait informée de plusieurs absences de conformité aux préconisations définies dans le rapport du laboratoire régional des ponts et chaussées auxquelles la commune n'a néanmoins pas demandé à la SGTP de remédier. Par suite, cette réception sans réserve mettant fin aux rapports contractuels entre la commune et la SGTP, celle-ci ne peut pas utilement rechercher la responsabilité contractuelle du constructeur.

4. En troisième lieu, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

5. D'une part, par lettre du 30 avril 2004 et ainsi qu'il a été dit précédemment, la DDE a informé la commune de Técou, que les travaux de reprise réalisés par la société SGTP ne répondaient pas aux prescriptions émises par le laboratoire régional des ponts et chaussées dès lors, en particulier, que, à la demande expresse de la commune, l'enrochement de la partie sud du mur de soutènement n'avait pas été modifié, que, s'agissant de la partie nord du mur, seuls les enrochements supérieurs avaient été enlevés et, enfin, que les travaux d'assainissement en pied d'enrochement n'avaient pas été engagés à cette date. Dans ces conditions, lorsque, postérieurement à la réception de cette lettre, elle a tacitement accepté la réception des travaux de reprise, la commune ne pouvait ignorer l'existence de ces malfaçons, qui portaient en elles-mêmes l'apparition ultérieure de désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la SGTP serait engagée à raison des désordres qu'elle invoque sur le fondement de la garantie décennale, sans pouvoir utilement faire valoir qu'aucun désordre n'était apparent lors de cette réception ou qu'elle ne disposait pas des compétences techniques permettant d'apprécier la qualité de ces travaux.

6. D'autre part, la commune de Técou soutient également que les désordres survenus à compter de l'année 2009 auraient d'autres causes que les malfaçons qui ont affecté les travaux de reprise. Toutefois, il résulte de l'instruction que les conclusions de l'expert et son sapiteur, la société Sol et eaux, rejoignent celles du laboratoire régional des ponts et chaussée, " même si Sol et eaux préconise le changement complet des blocs alors que le laboratoire préconise de remployer les matériaux en évitant les blocs sensibles à l'humidité " et, en particulier, que l'enrochement du chemin de ronde n'était conforme aux règles de l'art ni lors de l'achèvement des travaux initiaux en 2001 ni à l'issue des travaux de reprise en 2005. Ainsi ces nouveaux désordres ont nécessairement pour cause, soit des malfaçons dans la réalisation de ces travaux initiaux, qui sont liées la qualité des blocs utilisés, à celle de l'enrochement ou à l'absence de système de drainage et à raison desquelles la commune n'est pas recevable à rechercher la responsabilité de la SGTP ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, soit des malfaçons affectant les travaux de reprise, en particulier l'absence de véritable enrochement et de toute modification concernant la face sud du mur, dont il a été dit au point 5 que la commune avait parfaitement connaissance et qui ne sont dès lors plus susceptibles d'engager la responsabilité de la SGTP sur le fondement de la responsabilité décennale, soit de travaux d'élargissement du chemin de ronde effectués par une entreprise tierce postérieurement à l'achèvement des travaux de reprise, lesquels ne sont pas non plus de nature à engager la responsabilité de la SGTP.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Técou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conditions d'engagement de la responsabilité de la SGTP n'étaient pas réunies et ont rejeté ses demandes indemnitaires. Par suite, elle n'est pas non plus fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du 30 juin 2016.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SGTP, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. En application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part, de mettre à la charge de la commune de Técou une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la SGTP et, d'autre part, de rejeter les conclusions aux mêmes fins présentées par la SMABTP.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Técou est rejetée.

Article 2 : La commune de Técou versera à la SGTP une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SMABTP tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Técou, à la société gaillacoise de travaux publics Laclau, à la société des Mutuelles d'assurances du bâtiment et des travaux publics, à la société Axa France IARD et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°16BX02708


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