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22/11/2018 | FRANCE | N°18BX02305,18BX02306

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 novembre 2018, 18BX02305,18BX02306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802515 du 4 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 juin 2018 sous le n° 18BX02305, et un mémoire, enregistr

le 18 juin 2018, M.B... A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) de l'admettre pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802515 du 4 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 juin 2018 sous le n° 18BX02305, et un mémoire, enregistré le 18 juin 2018, M.B... A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 juin 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 mai 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet responsable de la procédure de détermination de l'Etat responsable de lui délivrer un dossier de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil ou à lui, selon qu'il bénéficie ou non de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas communiqué les informations mentionnées à l'article 4 dès l'introduction de la demande d'asile devant la plateforme d'accueil le 27 juillet 2017 mais seulement le 21 août suivant en méconnaissance de l'article 20 du règlement n° 604/2013 alors qu'il s'agit d'une garantie pour le demandeur d'asile ;

- la réponse à ce moyen est insuffisamment motivée ;

- sa demande d'asile ayant dans un premier temps été enregistrée par le préfet de police de Paris le 28 juin 2017, le délai pour solliciter l'accord des autorités italiennes, prévu par l'article 21 du règlement n° 604/2013, expirait au plus tard en août 2017. Or la demande n'a été effectuée que le 12 octobre suivant. Il en résulte que la France est responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- lors de l'entretien individuel, il a avisé les services de la préfecture qu'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement des autorités italiennes vers le Soudan. Sa province d'origine, le Darfour, est dans une situation de guerre généralisée. Les Darfouris sont considérés comme des rebelles par les autorités soudanaises. Il encourt donc un risque dans ce pays. En outre, il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile en Italie. Il a d'ailleurs été victime de violences de la part des autorités italiennes et n'a pas bénéficié d'un hébergement et de nourriture, il n'a pas bénéficié d'un interprétariat et n'a pas eu connaissance de ses droits et n'a donné ses empreintes que de force. Le préfet n'a pas tenu compte de ces éléments ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 3 paragraphe 2 et 17 paragraphe 1 du règlement n° 604/2013 en raison des défaillances systémiques susénoncées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il s'en remet à ses écritures de première instance ;

- la communication des informations ne peut se faire lors du passage à la plateforme d'accueil car il n'y a pas de borne Eurodac permettant de savoir si l'intéressé a déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre et donc de déterminer la procédure de traitement de sa demande. Toutes les informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 lui ont été communiquées dans une langue qu'il comprend ;

- il n'existe pas de défaillances systémiques en Italie dans l'examen des demandes d'asile comme l'a rappelé la jurisprudence ;

- la présentation en structure de pré-accueil ne saurait constituer l'introduction d'une demande d'asile au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'autorité publique n'étant pas à ce stade informée d'une manière certaine de l'intention de l'étranger de solliciter l'asile. La date qui doit être retenue est celle de l'enregistrement de la demande par le guichet unique des demandeurs d'asile. En l'espèce, la demande a été formalisée le 27 juillet 2017 et les autorités italiennes ayant été saisies le 12 octobre suivant, la demande n'était pas tardive ;

- la situation de l'intéressé a été examinée et l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour les raisons précédemment énoncées.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18BX02306 le 6 juin 2018, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de suspendre le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet responsable de la procédure de détermination de l'Etat responsable de lui délivrer un dossier de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil ou à lui, selon qu'il bénéficie ou non de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il invoque les mêmes moyens que ceux invoqués dans l'instance enregistrée sous le n° 18BX02305.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en invoquant les mêmes moyens que ceux invoqués dans l'instance enregistrée sous le n° 18BX02305.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme De Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1991, est entré irrégulièrement en France le 9 juin 2017 et a déposé une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes le 28 mai 2017 lors du dépôt d'une demande d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités italiennes une demande de prise en charge qui a été implicitement acceptée le 25 janvier 2018. Par deux arrêtés du 28 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de transférer M. A...aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. M. A...relève appel du jugement du 4 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18BX02305 et 18BX02306 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ( ...)".

4. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A...à l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En se bornant à soutenir que dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des articles 4 et 20 du règlement n° 604/2013, le magistrat désigné " s'est contenté d'affirmer, sans motiver aucunement sa décision " et en citant le point 5 du jugement comportant la réponse à ce moyen sans préciser en quoi cette réponse n'était pas suffisamment motivée, le requérant n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 mai 2018 :

6. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté litigieux, qui détaille le parcours de l'intéressé en France, l'instruction de sa demande d'asile et les motifs pour lesquels il ne souhaite pas retourner en Italie, que, contrairement à ce que soutient M.A..., le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen complet de sa situation.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 : " Présentation d'une requête aux fins de prise en charge- 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017, qu'une décision de transfert vers un Etat membre autre que celui auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite ne saurait être valablement adoptée une fois expiré le délai de trois mois prévu par le 1 précité de l'article 21 (point 53). La Cour a précisé que ces dispositions contribuent de manière déterminante à la réalisation de l'objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, mentionné au considérant 5 du règlement Dublin III, en garantissant, en cas de retard dans la conduite de la prise en charge, que l'examen de la demande de protection internationale soit effectué dans l'Etat membre où cette demande a été introduite afin de ne pas différer davantage cet examen par l'adoption et l'exécution d'une décision de transfert (point 54).

8. Par ailleurs, aux termes de l'article 20 du règlement n° 604/2013 : " Début de la procédure - 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-670/16, qu'au sens du paragraphe 2 de l'article 20 précité, une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. La cour a également précisé, dans cet arrêt, que, pour pouvoir engager efficacement le processus de détermination de l'Etat responsable, l'autorité compétente a besoin d'être informée, de manière certaine, du fait qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité une protection internationale, sans qu'il soit nécessaire que le document écrit dressé à cette fin revête une forme précisément déterminée ou qu'il comporte des éléments supplémentaires pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, a fortiori, pour l'examen au fond de la demande, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure qu'un entretien individuel ait déjà été organisé (point 88).

9. Enfin, l'article 6, intitulé " Accès à la procédure ", de la directive 2013/32 du 26 juin 2013 dite " procédures " dispose : " 1. Lorsqu'une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande. Si la demande de protection internationale est présentée à d'autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes mais qui ne sont pas compétentes pour les enregistrer, les Etats membres veillent à ce que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande. (...) 3. Les Etats membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné. 4. Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par un demandeur, ou si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat concerné ". Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a procédé à la transposition de cette directive : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 741-1, l'autorité administrative compétente peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale prévue au deuxième alinéa de l'article L. 744-1 ". Le deuxième alinéa de l'article L. 744-1 auquel il est ainsi renvoyé permet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de déléguer à des personnes morales, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.

10. Il résulte de l'application combinée de l'ensemble de ces dispositions que lorsque l'autorité compétente pour assurer au nom de l'Etat français l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a, ainsi que le permet l'article R. 741-2 précité, prévu que les demandes de protection internationale doivent être présentées auprès de l'une des personnes morales qui ont passé avec l'OFII la convention prévue à l'article L. 744-1, la date à laquelle cette personne morale, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l'intention de ce dernier de solliciter la protection internationale doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande de protection internationale au sens du paragraphe 2 de l'article 20 dudit règlement et fait donc partir le délai de trois mois fixé par l'article 21, paragraphe 1, de ce règlement. L'objectif de célérité dans le processus de détermination de l'Etat responsable, rappelé par l'arrêt précité de la CJUE, serait en effet compromis si le point de départ de ce délai devait être fixé à la date à laquelle ce ressortissant se présente au " guichet unique des demandeurs d'asile " de la préfecture ou celle à laquelle sa demande est enregistrée par la préfecture.

11. Si M. A...soutient avoir présenté sa demande d'asile au campement de La Chapelle à Paris au cours du mois de mai 2018, cela ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du courriel du 31 mai 2018, produit au soutien de cette allégation, selon lequel un numéro AGDREF lui a été attribué à cette époque, l'attribution d'un tel numéro n'impliquant pas nécessairement le dépôt d'une demande d'asile. Il ressort en revanche des pièces du dossier qu'une convocation pour l'enregistrement de la demande d'asile de M. A...lui a été remise le 27 juillet 2017 par la structure de premier accueil de Haute-Garonne. M. A...doit dès lors être regardé comme ayant valablement introduit sa demande de protection internationale le 27 juillet 2017. Or, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne a adressé la demande de prise en charge de M. A...aux autorités italiennes le 12 octobre 2017, soit dans le délai de trois mois prescrit par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article en raison de la tardiveté de la demande de prise en charge doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de ces dispositions et des dispositions précitées au point 8 de l'article 20 de ce règlement que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, au début de la procédure d'examen de la demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

13. M. A...fait valoir qu'il a reçu tardivement, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile par la préfecture le 21 août 2017, l'information prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013, alors qu'elle aurait dû lui être délivrée lors de l'introduction de sa demande. Cependant, cette information lui ayant été communiquée le jour même de l'enregistrement de sa demande, elle doit être regardée comme ayant été communiquée au début de la procédure d'examen de la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 4 et 20 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

14. En quatrième lieu, d'une part, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

15. D'autre part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

16. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

17. Contrairement à ce que soutient M.A..., les jurisprudences de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles sanctionnent des manquements dans la procédure d'asile révélant des défaillances sans pour autant que celles-ci puissent être qualifiées de systémiques, les rapports d'organisations non gouvernementales, et les articles de presses versés au dossier, ne permettent pas d'établir que les autorités italiennes seraient dans l'incapacité structurelle d'examiner sa demande d'asile. En outre, M. A...ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait été victime de mauvais traitements par les autorités italiennes. Par ailleurs, M. A...fait valoir qu'il encourt un risque de mauvais traitement en cas de retour au Soudan eu égard à la situation de la région du Darfour dont il est originaire et à ce qu'il ne pourra être en mesure de se prévaloir de la protection des autorités. S'il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ont pris une mesure d'éloignement à l'encontre de M.A..., ce dernier ne produit aucune pièce permettant d'établir l'existence d'un risque personnel en cas de retour au Soudan alors que l'intéressé n'est pas tenu de retourner dans la région du Darfour. Dans ces conditions, en refusant de faire application des dispositions précitées du 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.A....

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 mai 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

19. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M.A..., ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête enregistrées sous le n° 18BX02306.

Article 2 : M. A...est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme D... Pouget, président,

M. E...Braud, premier-conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le rapporteur

Paul-André Braud

Le président,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02305, 18BX02306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02305,18BX02306
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-22;18bx02305.18bx02306 ?
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