Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n°1800479 du 15 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2018, Mme A...épouseB..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2018 du préfet de la Gironde susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation en fait au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors le préfet ne fait pas référence à l'imminence de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, dont elle l'a avisé par courrier du 9 janvier 2018 ainsi que des persécutions nouvelles et postérieures au rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile ; cette motivation révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, sans examiner les éléments nouveaux qu'elle a présentés relativement aux persécutions récentes ayant frappé ses proches ;
- le préfet ne l'a pas mise à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance des dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et de l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et en violation de son droit d'être entendu, principe général du droit de la défense de l'Union européenne, dès lors que le courrier en date du 9 janvier 2018 par lequel il a porté à la connaissance du préfet des éléments nouveaux, et en admettant que ce courrier soit regardé comme une demande de délai supplémentaire, n'exonérait pas le préfet de solliciter ses observations ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît en outre les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des éléments nouveaux postérieurs au rejet de la Cour nationale du droit d'asile, portés à la connaissance de l'administration ; en effet, journaliste d'investigation pour une chaine de télévision, elle a échappé récemment à une tentative d'assassinat avec son époux, également journaliste, pour avoir dénoncé, dans le cadre d'un reportage, la collusion entre la police locale et des trafiquants de stupéfiants ;
- pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des risques de persécutions auxquelles sa famille est exposée en cas de retour en Albanie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A...épouse B...ne sont pas fondés.
Mme A...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah De Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A...épouseB..., ressortissante albanaise née le 28 septembre 1985, à Berat (Albanie), déclare être entrée en France en compagnie de son époux et de leurs deux enfants, le 15 octobre 2016. Elle a demandé le bénéfice de l'asile. Le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 27 avril 2017, puis la Cour nationale du droit d'asile, par une décision du 7 décembre 2017, ont rejeté sa demande. Sa demande de réexamen au titre de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 28 février 2018. Par l'arrêté attaqué du 18 janvier 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A...épouse B...relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. L'arrêté litigieux vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles il se fonde et mentionne, notamment, que la requérante a sollicité le bénéfice de l'asile, que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 décembre 2017. Cette décision indique également que son entrée sur le territoire français est récente, que son époux fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, que la circonstance que leurs deux filles, âgées respectivement de sept ans et un an, soient présentes en France ne lui confère aucun droit particulier au séjour, et qu'elle ne serait pas isolée dans son pays d'origine. Par suite, ladite décision est suffisamment motivée en droit comme en fait, au regard notamment des dispositions des articles L. 313-13 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles la requérante avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour. L'arrêté attaqué indique également que Mme A...épouse B...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et bien qu'il ne comporte pas une description exhaustive de la situation personnelle de Mme A...épouse B...en ne faisant pas état, notamment, de son intention de voir sa demande d'asile réexaminée, le moyen tiré de cet arrêté est suffisamment motivé.
3. La motivation de la décision contestée suffit par ailleurs à établir que l'administration préfectorale a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de Mme A...épouse B...au regard des dispositions et stipulations qui lui étaient applicables, et plus particulièrement, de celles relatives à l'asile. La circonstance que la demande de réexamen de sa demande d'asile présentée par l'intéressée le 1er février 2018, soit postérieurement à la décision contestée, n'ait pas été évoquée n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Il ne ressort ni de la motivation du refus de séjour ni des pièces du dossier, que le préfet se serait senti en situation de compétence liée par les décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
5. Mme A...épouse B...soutient que le préfet ne l'a pas mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance du principe général du droit d'être entendue garanti par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 tel qu'il est énoncé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors qu'elle disposait d'éléments nouveaux à présenter concernant les risques auxquels elle serait exposée dans son pays d'origine.
6. Cependant, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa méconnaissance par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
7. Au surplus, contrairement à ce que soutient la requérante, lorsque le préfet refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger auquel la qualité de réfugié a été refusée, cette décision doit être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement des dispositions des articles L. 314-11 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la reconnaissance du statut de réfugié impliquant la délivrance d'une carte de résident. Ainsi, lorsqu'il sollicite son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile aient statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. En l'espèce, la décision contestée est intervenue un mois après que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté définitivement la demande d'asile de l'intéressée, et aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que Mme A...épouse B...aurait été empêchée de présenter des observations, notamment sur ses craintes quant aux persécutions dont elle risque de faire l'objet en cas de retour en Albanie, avant l'édiction des décisions en litige. Comme il a été dit, la circonstance que, le 9 janvier 2018, l'intéressée ait informé le préfet de son intention de déposer une demande de réexamen au motif qu'elle disposait d'éléments nouveaux n'imposait nullement au préfet de la mettre à même de présenter de nouvelles observations. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré du non-respect de son droit d'être entendue ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. Mme A...épouse B...en en se bornant d'une part, à reprendre les termes de l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de renvoi, des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'autre part, à produire un article de presse et deux attestations émanant de ses beaux-parents et d'un avocat albanais, de faible valeur probante, ne fait état d'aucun élément de fait ou de droit nouveau qui serait de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions susvisées par adoption des motifs pertinemment retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 ci-dessus, en prenant à l'encontre de la requérante la décision fixant l'Albanie comme pays de destination, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A...épouseB....
Sur les autres conclusions :
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...A...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le rapporteur,
Sabrina E...Le président,
Marianne PougetLa greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02207